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Régime mère-fille : Pas d’abus de droit sans coquille vide !

Si l’application du régime de faveur des sociétés mères a permis à la société repreneuse de prélever les liquidités de sa nouvelle filiale en franchise d’impôt, cette acquisition des titres lui a également permis d’acquérir un fonds de commerce en état d’être exploité, qu’elle a pu céder à une société opérationnelle liée qui poursuivait une stratégie de croissance externe. Par conséquent, l’exonération de la distribution ne peut pas être remise en cause sur le fondement de l’abus de droit (art. L 64 LPF).

L’histoire

Au cours de l’année 2007, une société ayant pour activité la gestion de titres ainsi que la location ou la sous-location de matériels de transport, procède à l’acquisition d’une nouvelle filiale exerçant une activité de transport routier de marchandises.

Au titre de ce même exercice, la nouvelle filiale cède son fonds de commerce à une société liée au nouvel actionnaire exerçant dans le même domaine d’activité et procède à une distribution de dividendes au profit de son nouvel actionnaire.

À l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration a remis en cause l’application du régime des sociétés mères (CGI, art. 145 et 216, exonération des produits distribués par la filiale, et réintégration d’une QPFC de 5 %) aux distributions reçues de la nouvelle filiale sur le fondement de l’abus de droit (LPF, art. L. 64) avec application d’une pénalité de 80 %.

L’administration fiscale a en effet estimé que la prise de participation dans la société de transport routier de marchandises avait pour objectif exclusif d’appréhender sa trésorerie, et non de poursuivre son activité : ce qui allait à l’encontre de l’objectif poursuivi par le législateur lorsqu’il a instauré le régime mère-fille et révélait donc l’existence d’un montage fiscal constitutif d’un abus de droit (cf. « montage coquillard » – CE 17 juillet 2013 n°352989, min. c/ SAS Garnier Choiseul Holding  et CE 23 juin 2014 n°360708, min. c/ Sté Groupement Charbonnier Montdiderien).

La décision

Pour trancher du litige, le Conseil d’État :

Jugeant l’affaire au fond, le Conseil d’État en conclut que les opérations réalisées par la société acquéreuse (acquisition d’une filiale, prélèvement de ses liquidités, cession puis développement de son fonds de commerce) ne sont pas inspirées par un but exclusivement fiscal et dès lors non constitutives d’un abus de droit.

Le Conseil d’État refuse ainsi de transposer sa jurisprudence Garnier Choiseul à une situation où la société acquise ne constituait pas une simple « coquille vide ».

Telle ne serait peut-être pas la position du Conseil d’État en considération de l’article 205 A du CGI, qui ne requiert qu’un but « principalement » fiscal pour constater l’existence d’un abus de droit.