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Nouvelle « Charte des contrôles » de l’AFA : un renforcement bienvenu de la sécurité juridique des entreprises

La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 (« Loi Sapin II ») donne le pouvoir à l’Agence française anticorruption (« AFA ») de contrôler la mise en place des procédures permettant la prévention des atteintes à la probité (Articles 3 et 17 de la Loi Sapin II). La publication de cette « Charte des contrôles » permet à tous les acteurs, publics ou privés, visés aux articles 3 et 17 de la Loi Sapin II, d’appréhender de manière efficace les attentes de l’AFA lors de la mise en place de leur dispositif anticorruption.

La Charte veille, d’une part, à rappeler succinctement le périmètre des contrôles réalisés par l’AFA, qu’il s’agisse des personnes morales (publiques ou privées) assujetties au dispositif ou de l’objet du contrôle en lui-même. D’autre part, dans un souci de transparence, la Charte apporte de nombreuses informations quant aux modalités d’intervention des agents de contrôle, au déroulé desdits contrôles et à la procédure de manière générale.

Elle présente également les principes et les comportements attendus de la part des intervenants qu’ils soient agents ou personnes sollicitées.

Le périmètre des contrôles

Concernant le périmètre des contrôles, et plus particulièrement l’objet du contrôle réalisé par l’AFA, la Charte précise à nouveau les mesures à mettre en place par les personnes assujetties au dispositif.

Ainsi, pour les personnes morales de droit public visées au 3° de l’article 3 et les personnes morales de droit privé visées à l’article 17, remplissant les conditions posées au I de l’article 17 (Il s’agit des sociétés employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont la société mère a son siège social en France et dont l’effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros). La Charte rappelle l’obligation de mettre en place les 8 mesures prévues par la Loi Sapin II (ces mesures sont listées au II de l’article 17 de la Loi Sapin II). Il s’agit notamment du code de conduite, de la cartographie des risques de corruption, des procédures d’évaluation des tiers ou encore du dispositif d’alerte.

Cependant, s’agissant des acteurs publics (il s’agit des administrations de l’Etat, des collectivités territoriales, leurs établissements publics et les associations et fondations reconnues d’utilité publique), le 3° de l’article 3 de la Loi Sapin II ne précise pas les mesures à mettre en place. En effet, les acteurs publics ne sont soumis à aucune autre obligation que celle de disposer de « procédures (…) pour prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme ».

L’AFA a édicté au travers de ses recommandations (recommandations de l’AFA publiées au journal officiel le 4 janvier 2021), un volet spécifiquement destiné aux acteurs publics et aux mesures à mettre en place dans le cadre de leur dispositif de lutte contre l’atteinte à la probité.

Avec cette nouvelle Charte des contrôles, l’AFA confirme ses positions antérieures et recommande de nouveau aux acteurs publics de mettre en place, de manière proportionnée, un dispositif anticorruption reposant sur 3 piliers indissociables : l’engagement de l’instance dirigeante, la connaissance des risques à travers l’élaboration d’une cartographie des risques d’atteintes à la probité et la gestion de ces risques (par la mise en place de sept autres mesures similaires à celles prévues à l’article 17-II).

L’organisation des contrôles

Concernant l’organisation des contrôles, la nouvelle Charte, après un bref rappel des règles régissant la prise de décision de l’AFA de contrôler une entité (ces règles sont issues des articles 2 et 3 de la Loi Sapin II), ainsi que de la liste des personnes habilitées à procéder à de tels contrôles (ces personnes sont visées aux articles 3 et 4 et de la Loi Sapin II ainsi qu’à l’article 7, 2e alinéa du décret n°2017-329 du 14 mars 2017), apporte des précisions utiles sur leurs modalités d’intervention et le déroulé des contrôles tant sur pièces que sur place.

L’AFA précise ainsi que les contrôles peuvent être réalisés par les agents de l’AFA eux-mêmes ou des experts et personnes qualifiées dûment mandatées (ces personnes peuvent être par exemple des cabinets d’avocats ou des cabinets de conseil).

Ces personnes peuvent se faire communiquer « tout document professionnel, quel qu’en soit la nature ou le support, ou toute information utile ». Ainsi, par exemple, les agents de contrôles pourraient demander à l’entité contrôlée non seulement la communication du code de conduite, mais également tout autre document ayant participé à son élaboration : il peut s’agir de comptes-rendus de réunion ou encore de courriels permettant d’étayer la méthodologie de rédaction du code de conduite. D’où l’importance de conserver précieusement tous les éléments, quel qu’en soit le support, permettant d’informer sur l’élaboration du dispositif anticorruption.

La véracité des informations en question peut être vérifiée sur place, de même que l’efficacité des procédures mises en place. La Charte rappelle que les agents de contrôle peuvent demander copie des documents présentés.

Droits et obligations des parties prenantes

La nouvelle Charte apporte également des précisions concernant les droits et devoirs des agents de contrôle. Ainsi, s’ils peuvent se faire communiquer tout type de document, ils doivent également pouvoir être en mesure d’accéder aux locaux et de s’entretenir avec « toute personne dont le concours leur parait nécessaire ».

Ces agents doivent réaliser leur mission avec loyauté et professionnalisme, en s’attachant à tenir compte des contraintes opérationnelles des entités contrôlées. Ils sont soumis au secret professionnel et ne doivent pas détenir d’intérêt direct ou indirect avec l’entité contrôlée.

Si les entités contrôlées ont également des droits (celui d’être informé par lettre recommandée avec accusé de réception du contrôle, de son objet et de son étendue, mais également des résultats de ce contrôle), ils ont aussi des devoirs. Ils sont notamment tenus de répondre au questionnaire envoyé par l’AFA dans un délai d’un mois à compter de sa réception et doivent prendre les dispositions nécessaires pour permettre aux agents de réaliser leur mission. On observe que le délai de réponse peut s’avérer très court selon l’étendue des questions posées. Toute mesure destinée à faire échec à l’exercice des fonctions des agents de l’AFA constitue un délit d’entrave passible d’une amende de 30 000 euros (article 4, 5e alinéa de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016).

Les phases possibles du contrôle

De manière générale, le contrôle s’effectue en deux temps : la première phase du contrôle a pour objectif de vérifier l’existence, la qualité et l’efficacité de tout ou partie du dispositif anticorruption de l’entité contrôlée au regard de son environnement de risque.

La deuxième phase, qui est optionnelle, a pour but d’approfondir l’étude du profil de risque et l’analyse du dispositif anticorruption de l’entité contrôlée. Il pourra s’agir, à titre d’exemple, d’une mesure du dispositif anticorruption, d’une zone géographique en particulier ou d’une activité spécifique.

Le rapport provisoire émis à la fin du contrôle est adressé pour observation à l’entité contrôlée. Ce rapport peut présenter des recommandations en vue de l’amélioration des procédures existantes (pour les acteurs publics soumis au 3° de l’article 3 notamment) et, pour les entités soumises à l’article 17, le cas échéant, des constats de manquement.

Si l’entité contrôlée entend formuler des observations sur le contenu ou les conclusions du rapport, elle doit le faire par écrit et dans un délai de deux mois. Des vérifications supplémentaires peuvent alors être réalisées par l’équipe de contrôle.

La date de la réponse de l’entité contrôlée au rapport provisoire constitue la fin des opérations de contrôle de l’AFA.

Les sanctions du contrôle

Dans le cadre des contrôles réalisés sur les acteurs économiques visés à l’article 17 et les entités visées à l’article 3, 3° qui dépassent les seuils de l’article 17-1 (voir note n°1), le directeur de l’AFA peut décider :

La Charte détaille enfin les modalités de saisine ainsi que la procédure devant la commission des sanctions. Après des échanges contradictoires entre la personne mise en cause (il s’agit d’une personne visée au I de l’article 17 de la Loi Sapin II) et le directeur de l’AFA par le biais d’observations écrites et d’un mémoire en réplique, la personne mise en cause est convoquée à une audience publique (le président de la comission des sanctions peut interdire l’accès au public pendant ou tout partie de l’audience « pour préserver l’ordre public ou lorsque la publicité est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ou à tout autre secret protégé par la loi ») . La commission délibère puis émet enfin sa décision motivée, susceptible de recours devant le Tribunal adminstratif.

Les modalités pratiques de la lutte contre la corruption, et les conséquences que cela entraîne pour les entreprises, sont progressivement précisées par l’AFA. Le constat s’impose : le droit français, grâce à une action pragmatique de l’AFA, tend à renforcer la sécurité juridique qui est indispensable pour les entreprises, au même titre que la lutte contre la corruption.

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