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Requalification des charges d’exploitation : Attention au « timing » de déductibilité fiscale !

Comptabilisation du Credit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE)

Le Conseil d’État confirme dans le cas d’espèce que les commissions versées au titre des garanties financières et des garanties de valeur résiduelle constituent des charges constatées d’avance ne pouvant être déduites que du résultat de l’exercice au cours duquel les prestations ont été achevées et non de celui de leur versement.

Aux termes de l’article 211-1-5 du PCG (dans sa rédaction issue de l’article 1er-1 du règlement CRC 2004-06 du 23 novembre 2004), les charges constatées d’avance sont des actifs qui correspondent à des achats de biens ou de services déjà acquittés dont la fourniture ou la prestation interviendra au cours d’un exercice ultérieur.

Fiscalement, les charges constatées d’avance [parmi lesquelles figurent les charges correspondant à des achats de prestations de services continues ou discontinues mais à échéances successives, au sens du 2 bis de l’article 38 du CGI, pour la partie de ces prestations fournies au cours d’exercices ultérieurs] ne sont pas déductibles lors de leur comptabilisation mais au titre de l’exercice au cours duquel la contrepartie de la dépense est effectivement réalisée.

L’histoire

Une société française du groupe Airbus avait déduit intégralement de ses résultats imposables en 2004 et 2005 les commissions versées à une société irlandaise du groupe sur le fondement, d’une part, d’une convention « asset swap agreement » conclue en 2005, d’autre part, de conventions « put option agreements » conclues en 2004 et 2005.

L’administration fiscale a remis en cause la déduction immédiate des commissions ainsi versées, au motif qu’elles devaient être essentiellement regardées comme des charges constatées d’avance correspondant à des prestations non réalisées au cours des exercices contrôlés.

L’affaire est portée devant le Conseil d’État, les juges du fond n’ayant pas donné gain de cause au contribuable.

La décision

Le Conseil d’État procède à une analyse des contrats en cause.

1. Contrat intitulé « asset swap agreement »

Afin de favoriser la vente de ses avions aux États-Unis, le groupe Airbus avait mis en place un mécanisme de financement particulier dans le cadre duquel les appareils étaient cédés à des investisseurs qui les donnaient en location pour une durée de 22 ans à des sociétés qui, à leur tour, les sous-louaient à des compagnies aériennes.

Les sociétés en charge de la sous-location étaient alors dédommagées dans le cadre d’une garantie financière, si besoin à hauteur de la différence entre les loyers versés aux investisseurs et les loyers de sous-location reçus des compagnies aériennes.

Ces garanties financières étaient à l’origine couvertes par une entité américaine du groupe, puis à l’issue de plusieurs restructurations, ces garanties financières ont été prises en charge par le groupe Airbus en France. Fin 2004, par une convention « asset swap agreement » une filiale irlandaise du groupe s’est engagée à supporter les conséquences de la mise en jeu de ces garanties en contrepartie du versement d’une commission fixée par une entité d’Airbus en France. Cette commission a été intégralement déduite des résultats de la société française au titre de l’exercice 2004.

L’administration fiscale a remis en cause la déduction intégrale de cette commission au titre de l’exercice de son versement, au motif que les prestations correspondantes n’ont pas été intégralement exécutées au titre de cet exercice.

Le Conseil d’État juge également en ce sens, et approuve la décision de la CAA qui retient qu’une telle prestation devait être regardée comme une prestation continue fournie au cours d’exercices ultérieurs à celui au cours duquel la convention a été conclue (2004) et en déduit que la commission versée en rémunération de cette prestation constituait une charge constatée d’avance de cet exercice.

Pour juger en ce sens, il relève :

2. Contrat intitulé « put option agreement »

À l’occasion de la vente de ses appareils, le groupe Airbus accordait à ses clients des garanties de valeur résiduelle, par lesquelles il s’engageait à une date déterminée, fixée généralement au 10e anniversaire de la vente, à racheter les appareils à un prix fixé à l’avance au contrat ou à verser au client la différence entre ce prix et le prix de revente de l’appareil.

Par des conventions « put option agreements » conclues en septembre 2004, décembre 2004 et décembre 2005, une filiale irlandaise du groupe s’est obligée à supporter les conséquences de la mise en jeu de ces garanties en contrepartie du versement de commissions, que l’entité française versante a intégralement déduites de ses résultats au titre, respectivement, des exercices clos en 2004 et 2005.

L’administration fiscale a remis en cause le rattachement des commissions versées à l’exercice de leur paiement au motif que la fourniture des prestations correspondantes par la filiale irlandaise intervenait seulement à la date de mise en œuvre de la garantie de valeur résiduelle prévue aux contrats de vente des appareils.

Dans la même logique, le Conseil d’État confirme la décision de la CAA de Versailles et juge que les prestations dues par la société irlandaise constituaient des charges constatées d’avance et ne pouvaient être regardées comme fournies avant les dates fixées par les contrats de vente des appareils pour la mise en œuvre des garanties de valeur résiduelle. Il relève que ces prestations sont exécutées par phases distinctes correspondant chacune à une échéance de mise en œuvre d’une garantie de valeur résiduelle et doivent donc être regardées comme des prestations discontinues à échéances successives, au sens des dispositions du 2 bis de l’article 38 CGI.

À cet égard, il considère de même qu’est sans incidence la circonstance tirée de ce que l’entité française preneur s’est trouvé libérée, dès la conclusion des conventions, des risques financiers correspondant à la mise en jeu des garanties dont la charge a été immédiatement transférée, par l’effet de ces conventions, à la filiale irlandaise prestataire.

Il retient qu’est également sans incidence la circonstance, à la supposer établie, tirée de ce que l’entité française preneur aurait à défaut été fondée à constituer dans ses comptes et déduire immédiatement de ses résultats imposables, en vue de faire face aux risques correspondant à la mise en jeu de ces mêmes garanties, des provisions d’un montant égal à celui des commissions versées à la société irlandaise prestataire.

D’autre part, pour les seuls exercices clos en 2004 et 2005, le Conseil d’État reproche à la CAA d’avoir jugé qu’aucun contrat de vente d’appareils ne prévoyait la mise en œuvre de la garantie de valeur résiduelle et d’avoir exclu tout rattachement, même partiel, des commissions versées au titre de ces exercices alors même que certains de ces contrats de vente prévoyaient, pour la mise en œuvre de cette garantie, une échéance intervenant au cours de l’année 2005. Dès lors, il juge que les sociétés requérantes sont fondées, pour ce motif uniquement, à demander l’annulation de l’arrêt attaqué et règle en conséquence l’affaire au fond.

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