Lorsqu’un contribuable souhaite contester une imposition, il doit présenter une réclamation à l’administration fiscale dans un délai défini. Pour les impositions autres que des impôts directs locaux et des taxes annexes à ces impôts, les réclamations doivent être présentées dans le délai général prévu à l’article R 196-1 du LPF.
Ce délai expire le 31 décembre de la deuxième année suivant celle :
- de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification de l’avis de mise en recouvrement
- du versement de l’impôt contesté lorsque cet impôt n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle ou à la notification d’un avis de mise en recouvrement
- de la réalisation de l’événement qui motive la réclamation
Dans ce dernier cas, et avant la loi 2012-1510 du 29 décembre 2012, la notion d’événement couvrait certaines décisions révélant la non-conformité d’une règle de droit dont il a été fait application avec une règle de droit supérieur. Il devait s’agir d’avis ou d’arrêts rendus par le Conseil d’Etat, la Cour de cassation, le Tribunal des conflits ou la Cour de justice de l’Union européenne.
En d’autres termes, le contribuable bénéficiait à compter de cet « événement » d’un nouveau délai pour présenter une réclamation. Cette situation, très favorable au contribuable (bien que la période répétible ait été limitée par l’article L190 du LPF), n’avait évidemment pas échappé ni à l’Administration, qui voyait affluer les réclamations à l’occasion des décisions précitées, ni au législateur.
Ainsi, depuis la loi 2012-1510 du 29 décembre 2012, les avis et arrêts rendus par les juridictions précitées ne constituent plus des événements susceptibles d’ouvrir un nouveau délai de réclamation aux contribuables (l’article R.196-1 du LPF excluant ces avis et décisions par renvoi aux troisième et cinquième alinéa de l’article L.190 du LPF).
Le Tribunal administratif de Versailles a rendu un jugement intéressant concernant cette notion d’événement à l’aune des dispositions applicables depuis 2013 (Tribunal administratif de Versailles, 28 novembre 2017, n°1504746).
Le tribunal a ainsi retenu que les décisions du Conseil constitutionnel, n’étant pas expressément visées par l’article L.190 du LPF, peuvent constituer des événements de nature à ouvrir un nouveau délai de réclamation aux contribuables. Cette première analyse est en effet très claire à la lecture des dispositions précitées.
L’intérêt de ce jugement est qu’il étend la notion d’événement aux réserves d’interprétation dont les déclarations de conformité à la constitution peuvent être assorties.
En d’autres termes, un événement ouvrant un nouveau délai de réclamation au contribuable peut être constitué tant par une décision d’inconstitutionnalité d’une disposition fiscale que par une décision de conformité à la constitution assortie d’une réserve d’interprétation. Il faut toutefois que le Conseil constitutionnel ne limite pas expressément les effets de sa décision (il peut ainsi par exemple reporter l’inconstitutionnalité à une date ultérieure ou limiter ses effets aux seules instances en cours).
Tel était le cas en l’espèce s’agissant de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Le Conseil constitutionnel avait déclaré conforme à la constitution, par une décision du 5 décembre 2014, le passage de la loi indiquant que cette contribution était applicable « à compter de l’imposition des revenus de l’année 2011 », sous la réserve qu’il ne puisse être interprété comme permettant d’inclure dans l’assiette de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus due au titre de l’année 2011 les revenus de capitaux mobiliers soumis aux prélèvements libératoires de l’impôt sur le revenu.
Le contribuable avait présenté une réclamation le 27 janvier 2015. En principe, l’impôt sur le revenu 2011, mis en recouvrement en 2012, ne pouvait faire l’objet d’une réclamation que jusqu’au 31 décembre 2014. La décision du Conseil constitutionnel du 5 décembre 2014, grâce à la réserve d’interprétation, ouvrait toutefois un nouveau délai au contribuable pour présenter une réclamation jusqu’au 31 décembre 2016.
Pour finir, il est intéressant de noter qu’en l’absence de précision des textes, aucune limitation de la période répétible ne semble opposable au contribuable. En effet, avant l’intervention de la loi du 29 décembre 2012, l’article L.190 alinéa 4 du LPF limitait la période répétible pour les réclamations présentées à la suite des décisions précitées. La période répétible était alors limitée aux impositions postérieures au 1er janvier de la troisième année précédant celle de la décision. Depuis 2013, cet alinéa a été supprimé, permettant selon nous aux contribuables de présenter des réclamations sans limitation de la période répétible.