Le Conseil d’État juge que le crédit-preneur qui sous-loue le bien immobilier faisant l’objet d’un crédit-bail ne peut pas bénéficier du régime favorable de réintégration prévu en cas de contrats de crédit-bail immobilier de plus de 15 ans conclus avec une SICOMI avant le 1er janvier 1996 (CGI, art. 239 sexies).
Rappel du contexte
Le régime fiscal des opérations de crédit-bail immobilier est sensiblement différent selon que le contrat a été conclu avant ou après le 1er janvier 1996 et selon le statut du propriétaire du bien immobilier objet du contrat de crédit-bail.
Pour les contrats conclus avant le 1er janvier 1996, le crédit preneur peut en principe déduire de ses résultats imposables l’intégralité des redevances dues au cours du contrat à la société de crédit-bail et il a l’obligation de procéder, au titre de l’exercice au cours duquel l’option d’achat est levée, à la réintégration dans ses résultats imposables d’une fraction des redevances versées à hauteur de la différence entre la valeur du bien immobilier à la signature du contrat de crédit-bail minorée des amortissements que le locataire aurait pu pratiquer s’il avait été propriétaire du bien depuis l’origine et le prix de la levée de l’option.
Toutefois, la conclusion d’un contrat de crédit-bail d’une durée au moins égale à 15 ans auprès de SICOMI (société immobilière pour le commerce et l’industrie – société à statut fiscal particulier spécialisée dans la location d’immeubles aujourd’hui disparue) permet de limiter ces réintégrations à la fraction des redevances correspondant à la différence entre le prix de revient du terrain et le prix de la levée de l’option (CGI, art. 239 sexies, I et 239 sexies B).
Par ailleurs, l’ordonnance du 28 septembre 1967 (n°67-837, relative aux opérations de crédit-bail et aux SICOMI, art. 5) autorise les SICOMI à vendre les immeubles à usage professionnel qu’elles donnent en location dans le cadre d’un contrat de crédit-bail au profit des utilisateurs de ces immeubles. Aux termes des dispositions de l’article 6 de cette même ordonnance, les SICOMI sont ainsi exonérées d’IS pour la fraction de leur bénéfice net provenant de la location de leurs immeubles ainsi que pour les plus-values dégagées lors de la cession de ces immeubles dans le cadre d’opérations de crédit-bail.
L’histoire
En 1995, une SCI a pris à bail un immeuble dans le cadre d’un contrat de crédit-bail immobilier conclu avec une SICOMI pour une durée de 15 ans. La SCI crédit-preneur a sous-loué l’immeuble à diverses sociétés, dont certaines appartenant au même groupe. En 2010, au terme du contrat de crédit-bail, elle a levée l’option d’achat qui lui avait été consentie pour un montant symbolique.
A l’issue d’une vérification de comptabilité de la SCI crédit-preneur, l’Administration, considérant que l’acquisition de l’immeuble ne pouvait bénéficier du régime de faveur prévu à l’article 239 sexies, I, al. 2 du CGI, a remis en cause le montant de la réintégration limitée des redevances à laquelle avait procédé la société au titre de l’exercice de levée de l’option.
La décision
Dans un premier temps, le Conseil d’État rappelle que si les opérations de crédit-bail réalisées avec une SICOMI avant le 1er janvier 1996 peuvent effectivement bénéficier du régime de faveur permettant au crédit-preneur de limiter le montant de la réintégration à effectuer lors de l’acquisition de l’immeuble, ce bénéfice est subordonné à la condition que l’opération respecte les critères énumérés à l’article 5 de l’ordonnance de 1967 (précitée), et notamment, que la propriété des immeubles pris à bail dans le cadre du contrat de crédit-bail soit transférée à la société qui les « utilise effectivement ».
Dès lors que la SCI crédit-preneur a sous-loué ces locaux à diverses sociétés – dont certaines appartenant au même groupe – la condition tenant à ce que la propriété des immeubles soit transférée à l’utilisateur des locaux n’était pas remplie. Par suite, le Conseil d’État conclut que l’opération de crédit-bail ne pouvait bénéficier du régime favorable de « réintégration des loyers » dans les résultats du crédit-preneur prévu à l’article 239 sexies du CGI.
Dans un second temps, le Conseil d’État refuse également la lecture de l’instruction administrative datant de 1970 dont se prévalait la SCI (instruction 4 H-11-70 du 28 mai 1970), en ce qu’elle admettait la mise en sous-location d’un immeuble, objet d’un contrat de crédit-bail conclu avec une SICOMI dans l’hypothèse d’un cas de « sous-location entre deux sociétés faisant partie d’un même groupe ou unies par des liens de filiation au sens de l’article 145 du code général des impôts ».
A cet égard, il relève que l’instruction en cause interprétait les dispositions applicables au régime fiscal des SICOMI (issues de l’ordonnance de 1967 précitée) et non une interprétation des dispositions applicables au crédit-preneur en cas de levée de l’option d’achat dans le cadre d’une opération de crédit-bail (issues de l’article 239 sexies du CGI).
Notons par ailleurs que le CE a reproché à la CAA d’avoir jugé que le terme « groupe » employé dans l’instruction devait être entendu au sens du groupe fiscal intégré prévu par les articles 223 A et suivants du CGI. En effet, ces dispositions introduisant le régime de l’intégration fiscale n’ont été adoptées que plusieurs années après la publication de l’instruction administrative en cause datant de 1970 (LF 1988, n°87-1060, art. 68). A la date de l’instruction de 1970, la seule référence du CGI à la notion de ‘groupe’ concernait l’article 57 du CGI et les prix de transfert, il ne pouvait donc s’agir que des entreprises liées au sens de l’article 57.