Le Conseil d’État juge que l’obligation de souscrire les engagements prévus au 3 de l’article 210 A du CGI, conditionnant l’applicabilité du régime de faveur des fusions, ne peut faire l’objet d’aucune dérogation, y compris dans l’hypothèse où ces engagements seraient, en pratique, dépourvus de toute pertinence.
Rappel
On sait que le bénéfice du régime de faveur des fusions est notamment subordonné à ce que l’entreprise absorbante s’engage, dans l’acte de fusion, à respecter les prescriptions prévues au 3 de l’article 210 A du CGI, c’est-à-dire notamment à :
- Reprendre à son passif les provisions dont l’imposition est différée ;
- Calculer les PV réalisées ultérieurement à l’occasion de la cession des immobilisations non amortissables apportées d’après leur valeur du point de vue fiscal dans les écritures de l’absorbée ;
- Réintégrer de manière échelonnée dans ses bénéfices imposables les PV dégagées lors de l’apport des biens amortissables ;
- Inscrire au bilan les éléments de l’actif circulant à leur valeur fiscale.
Dans le cadre d’une opération de confusion de patrimoine (TUP), dans les conditions prévues par l’article 1844-5 du Code civil, l’engagement doit figurer dans l’acte de dissolution (CE, 20 janvier 2016, n°376980).
L’histoire
À la suite de l’acquisition de l’intégralité des parts d’une SCI, l’acquéreuse a décidé de sa dissolution sans liquidation, en application de l’article 1844-5 du Code civil, avec effet rétroactif au 1er janvier 2011.
Le transfert du terrain détenu par la société confondue au profit de la confondante a été constaté par un acte notarié du 11 juillet 2011. Ce terrain été cédé quelques mois plus tard à un tiers pour un prix nettement supérieur.
À l’issue d’une vérification de comptabilité de la société confondante, l’Administration a remis en cause l’application du régime de faveur à la TUP, ainsi que l’évaluation du terrain transmis à cette occasion.
Devant le Conseil d’État, le contentieux s’est cristallisé autour de la question de savoir si la souscription des engagements conditionnant la mise en œuvre du régime de faveur des fusions demeurait obligatoire, y compris dans l’hypothèse où ils seraient, en pratique, dépourvus de pertinence.
La décision
Sur l’application du régime de faveur
La société arguait que la souscription des engagements prévus au 3 de l’article 210 A était dépourvue de toute pertinence à son égard, dès lors qu’aucune provision ne figurait au passif de la société confondue, que son actif était constitué d’un seul terrain, par nature non amortissable et n’ayant pas, en l’espèce, le caractère d’une immobilisation.
Suivant les conclusions éclairantes de son rapporteur public, le Conseil d’État pose, de manière très claire, le caractère incontournable de la souscription des engagements, en toutes circonstances.
On observera que le rapporteur public indique que, de surcroît, il n’existe aucune situation dans laquelle aucune des prescriptions n’aurait un objet « sauf à imaginer une société absorbée qui n’aurait aucun actif, ni immobilisé, ni circulant ».
Le Conseil d’État confirme donc l’absence d’application du régime de faveur, faute pour la confondante d’avoir souscrit les engagements nécessaires.
Sur la valorisation du terrain transmis à l’occasion de la TUP
Le Conseil d’État juge qu’en l’absence d’application du régime de faveur, la société devait réintégrer dans son bénéfice la PV issue de l’apport du terrain, déterminée selon la valeur réelle de celui-ci.
Il valide ensuite la méthode d’évaluation utilisée par l’Administration, fondée sur la moyenne entre :
- Le prix moyen au mètre carré résultant de 4 cessions contemporaines et portant sur des biens situés dans la même zone géographique ; et
- Le « prix au mètre carré de surface hors œuvre nette » du terrain lors de son acquisition initiale.