Des sûretés immobilières variées
Les sûretés immobilières revêtent une grande importance pour la sécurisation des créances. D’une part, parce que l’immeuble est un actif de valeur, en général, dans le patrimoine d’un débiteur, et, d’autre part, parce que sa son régime juridique le rend aisé à appréhender (immobilier, registres, titres de propriété, etc.). En la matière, on sait que les immeubles peuvent être grevés de plusieurs types de sûretés, tel que les privilèges, les gages et les hypothèques. Plus récemment, la fiducie est apparue comme un mécanisme supplémentaire, permettant de transférer une propriété en garantie.
Les privilèges immobiliers sont des sûretés légales qui confèrent un droit de préférence sur le bien et priment sur les autres sûretés selon un ordre déterminé par la loi (et donc prévisible). Les privilèges sont, en effet, strictement définis par la loi et couvrent des créances spécifiques, comme les frais de justice et la rémunération des salariés.
L’hypothèque, très couramment utilisée – en particulier, depuis l’ordonnance du 15 septembre 2001 qui a transformé en hypothèques légales les anciens privilèges immobiliers spéciaux -, est considérée comme la « reine des sûretés ». Les hypothèques permettent de mettre un immeuble en garantie d’une obligation sans que le propriétaire en soit dépossédé. Elles peuvent être légales, judiciaires ou conventionnelles.
Le gage immobilier, bien moins fréquent, implique la dépossession de l’immeuble grevé. Il correspond à l’ancienne sûreté dénommée « antichrèse ». Cette caractéristique, la dépossession, le rend moins attractif pour les créanciers et les débiteurs.
Enfin, la fiducie-sûreté est une alternative plus récente. Elle se définit comme l’opération par laquelle un constituant (propriétaire) transfère des biens – immobiliers notamment -, des droits ou des sûretés en garantie d’une obligation à un fiduciaire (tiers) qui agit dans l’intérêt d’un, ou plusieurs, bénéficiaires (créancier(s) et… débiteur(s)). Ce mécanisme offre certains avantages, notamment en termes de gestion et de protection des actifs.
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Procédure de mise en œuvre des sûretés
Lorsqu’un débiteur ne s’acquitte pas de sa dette, le créancier peut mettre en œuvre sa sûreté. Cela se matérialise par une saisie immobilière suivie d’une vente amiable ou judiciaire. Avec la fiducie immobilière, cependant, il n’est pas nécessaire de passer par une procédure de saisie car l’immeuble a déjà été transféré dans un autre patrimoine que celui du débiteur. Par ailleurs, elle présente d’autres avantages par rapport aux autres sûretés immobilières, comme l’hypothèque, en particulier au stade de l’exécution.
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Hormis le cas de la fiducie, pour pouvoir mettre en jeu sa sûreté immobilière, le créancier doit respecter un certain nombre d’étapes procédurales.
La saisie immobilière suppose un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide, disponible et exigible – tel qu’un jugement exécutoire ou un acte notarié revêtu de la formule exécutoire -, qui permet au créancier d’engager la saisie de l’immeuble et de la mener jusqu’à son terme. Il convient, toutefois, de respecter la procédure de saisie immobilière, laquelle débute toujours par un commandement de payer valant saisie.
Le premier temps de la saisie immobilière – qui précède, donc, la phase judiciaire -, comprend les formalités de la saisie proprement dite. En premier lieu, le créancier doit signifier un commandement de payer valant saisie qui met en demeure le débiteur de payer. Le commandement doit ensuite être publié au fichier immobilier dans un délai de deux mois à compter de sa signification. Le commandement est un acte qui doit être délivré par un Commissaire de Justice.
À défaut pour le débiteur de satisfaire à la sommation qui lui est faite (de régler sa dette), la procédure de saisie immobilière et la vente subséquente sont poursuivies à son encontre.
Un procès-verbal de descriptif de l’immeuble est réalisé et, si le débiteur ne s’exécute pas dans les deux mois de la réception du commandement de payer, le créancier l’assigne à une audience d’orientation qui se tient au minimum trois mois suivant la signification de l’assignation et, en parallèle, dépose un cahier des conditions de la vente au greffe du tribunal compétent.
Au plus tard cinq jours suivant la délivrance de l’assignation au débiteur, le commandement de payer valant saisie est dénoncé aux créanciers inscrits. Cette dénonciation vaut assignation à comparaître à l’audience d’orientation et fait courir le délai pendant lequel les créanciers sont tenus de déclarer leurs créances.
Lors de l’audience d’orientation, deux choix s’ouvrent alors au juge, soit il autorise la vente amiable de l’immeuble sur demande du débiteur, soit il ordonne la vente aux enchères du bien.
En cas de vente amiable, le juge fixe un prix minimum en deçà duquel l’immeuble ne peut être vendu, ainsi que la date maximum à laquelle le débiteur doit avoir trouvé un acquéreur, date qui ne peut dépasser sept mois à compter de l’audience d’orientation. Lors de l’audience de rappel, le juge constate la vente et ordonne alors la radiation des inscriptions prises du chef du débiteur.
Si une vente aux enchères est ordonnée, elle doit avoir lieu dans un délai de deux à quatre mois à compter de la décision judiciaire. Une publicité de la vente est organisée à la diligence du créancier afin d’attirer le plus grand nombre possible d’acquéreurs. Après l’audience d’adjudication, et les éventuelles audiences de surenchère, le juge constate la dernière enchère à travers un jugement d’adjudication.
Une fois la vente réalisée, les créanciers inscrits pourront prétendre au produit de la vente en fonction du système de classement des sûretés qui permet de déterminer les créanciers qui peuvent se faire payer en priorité sur les autres.
La hiérarchie des sûretés et les rangs des créanciers
Dans le concours entre créanciers inscrits, les titulaires d’un privilège immobilier viennent en premier rang alors que les titulaires d’une hypothèque, qu’il s’agisse d’une hypothèque générale ou spéciale, viennent en second rang. Quant au cas de pluralité de sûretés inscrites sur le bien immobilier, le rang est déterminé par la date de sa publication au service de la publicité foncière. Le créancier bénéficiaire d’une fiducie est, quant à lui, à l’abri de tout concours, à l’exception des autres créanciers de la fiducie.
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Cet ordre peut, cependant, comporter des exceptions, et tout spécialement en matière de procédure collective, laquelle répond à des impératifs autres que la sauvegarde des intérêts des créanciers. Il existe, en effet, un droit spécial, dédié aux difficultés rencontrées par les entreprises, pour accompagner les situations de sauvegarde et de liquidation. Ce droit s’est notamment étoffé avec le privilège de « New money » pour les créanciers ayant fait crédit à l’entreprise après l’ouverture de la procédure, afin d’en faciliter la sauvegarde.
Que se passe-t-il en cas d’ouverture de liquidation judiciaire à l’encontre du débiteur ?
Le juge-commissaire fixe la mise à prix et détermine les conditions essentielles de la vente de l’immeuble.
Si la vente est réalisée de gré à gré, le liquidateur répartit le produit de la vente entre les créanciers, en tenant compte des droits de préférence, tout en gérant les contestations devant le juge de l’exécution.
En effet, le montant de l’actif distribuable est réparti dans l’ordre de priorité des créanciers tant que cela ne porte pas préjudice aux créances nées régulièrement pour les besoins de la procédure après son ouverture, ou de la période d’observation ; et aux créances nées régulièrement pour les besoins de la procédure ou pour le maintien provisoire de l’activité.
Sans que cette énumération soit exhaustive, viennent par ordre de rang :
- les dirigeants,
- les salariés super privilégiés,
- les frais de justice postérieurs au jugement d’ouverture,
- le privilège de conciliation,
- les créances antérieures garanties par sûretés immobilières,
- les créances postérieures privilégiées (salaires, apports en trésorerie, contrats poursuivis, etc.),
- les privilèges du Trésor public,
- les créances garanties par nantissement, privilège du bailleur et du vendeur du fonds de commerce,
- les contributions indirectes ; et, enfin
- les créanciers chirographaires.
Si les créanciers contestent le prix de vente, ils peuvent former une surenchère. S’ils s’accordent entre eux, les inscriptions sont purgées. La vente, validée par le liquidateur, est publiée comme une vente amiable classique ; l’acte précisant que le liquidateur a reçu l’autorisation du juge-commissaire.
Si la vente se réalise par adjudication, l’ordonnance du juge-commissaire est publiée au fichier immobilier. Cette procédure suit les mêmes règles que pour la saisie immobilière. Le bénéficiaire de l’adjudication doit publier l’acte, ou le jugement, dans les deux mois suivant la décision. Le paiement du prix au liquidateur entraîne alors automatiquement la purge des inscriptions.
Pour aller plus loin :
– Sûretés immobilières, volume 2 : la mise en œuvre de la fiducie-sûreté, un outil prometteur encore marginalement utilisé
– Sûretés immobilières, volume 3 : fiducie immobilière ou hypothèque, quelle sûreté choisir ?