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Sûretés immobilières, volume 3 : fiducie-sûreté immobilière ou hypothèque, quelle sureté choisir ?

Les avantages de la fiducie-sûreté immobilière par rapport à l’hypothèque 

En premier lieu, la fiducie immobilière se distingue de l’hypothèque car elle entraîne un transfert de propriété du bien immobilier ou des titres de la société dès sa mise en place. Le constituant, en transférant le bien mis en garantie dans un patrimoine d’affectation, en perd l’usage et les fruits, sauf convention contraire des parties ou convention de mise à disposition au profit du débiteur, ce qui reste toujours possible.

À l’inverse, l’hypothèque n’entraine pas de transfert de propriété immédiat de l’immeuble si bien que le débiteur en conserve les fruits et la gestion pendant toute la durée de la garantie.

En second lieu, la fiducie immobilière peut porter directement sur un bien immobilier ou sur les titres de la société détenant l’actif immobilier, ce qui permet une plus grande flexibilité par rapport à l’hypothèque qui ne peut porter que sur un bien immobilier.

Enfin, il est possible de prévoir dans le contrat de fiducie que le fiduciaire possède des pouvoirs étendus sur le bien transféré et qu’il agit de manière exclusive et sans ingérence du constituant. Ainsi, si la fiducie concerne des titres de société détenant un bien immobilier, le fiduciaire, en tant que propriétaire des actions ou des parts sociales, peut continuer à exercer un véritable contrôle sur la société.

En effet, la convention de fiducie offre une forte latitude aux parties qui peuvent y prévoir librement les modalités de gestion, les pouvoirs du fiduciaire et les droits des bénéficiaires, en adaptant l’accord à leurs besoins spécifiques.

À l’inverse, dans le cas de l’hypothèque, le débiteur conserve la propriété et la gestion complète de son bien, si bien que le créancier reste soumis au risque que le débiteur ne se conforme pas à ses obligations. En effet, l’hypothèque donne simplement au créancier un droit de préférence sur le prix de vente et un droit de suite sur l’immeuble. Cette situation limite fortement le contrôle du créancier sur le bien mais le maintien du bien dans le patrimoine du débiteur favorise, néanmoins, sa solvabilité.

Les coûts associés à chaque sûreté

Le transfert d’un bien en fiducie à sa valeur nette comptable n’entraîne pas immédiatement une taxation sur les plus-values, quand bien même celle-ci existe théoriquement. La taxation sur les plus-values est évaluée lors de la réalisation de la fiducie, si le débiteur ne rembourse pas la dette et que le bien est vendu ou définitivement transféré au créancier bénéficiaire. Le processus est alors similaire à l’hypothèque, où la réalisation entraîne également un transfert de propriété (et, donc, une taxation) au moment de la vente judiciaire.

En revanche, une différence demeure entre les deux sûretés concernant la taxation de la publicité foncière. En effet, en cas d’hypothèque, la taxe de publicité foncière est calculée sur le montant principal de la créance garantie. En cas de fiducie, elle est calculée sur la valeur vénale des biens immobiliers mis en garantie, ce qui est souvent supérieure au montant de la créance. Cela rend alors la fiducie immobilière plus coûteuse que l’hypothèque (en dépit de la soi-disant neutralité fiscale). Toutefois, si la fiducie porte sur les titres de la société propriétaire de l’actif immobilier, les coûts sont beaucoup plus limités car aucune publication n’est nécessaire auprès des services de la publicité foncière et les droits d’enregistrement restent faibles.

Une plus simple mise en œuvre de la fiducie immobilière

Lorsqu’un débiteur ne s’acquitte pas de sa dette, la réalisation de la fiducie est plus simple et rapide que celle de l’hypothèque. En effet, si le créancier bénéficiaire agit en tant que fiduciaire, la propriété fiduciaire se transforme directement en pleine propriété après l’accomplissement des formalités de publicité foncière. Si le créancier bénéficiaire n’est pas le fiduciaire, ce dernier a le choix soit d’attribuer le bien au bénéficiaire désigné, soit de le vendre dans des conditions normales de marché, sans subir, dans la même mesure, les décotes potentielles liées à une saisie puis une vente aux enchères. Le fiduciaire verse ensuite le prix de vente au bénéficiaire.

Dans le cadre de la réalisation d’une fiducie, le prix du bien est fixé par un expert. C’est le prix qui, en principe, sera retenu par le fiduciaire. Mais, le fiduciaire a également la possibilité de fixer un prix secondaire, sous sa propre responsabilité, auquel il vendra le bien s’il n’arrive pas à le vendre au prix fixé par l’expertise. Cette procédure, combinant un prix principal et un prix complémentaire permet une vente rapide du bien, du moins si cela est la volonté des parties. Les parties peuvent aussi encadrer plus en détail toutes les conditions de la vente en prenant en compte l’intérêt du créancier qui doit réaliser vite la sûreté et l’intérêt du débiteur qui ne veut pas brader son bien.

À l’inverse, l’hypothèque n’entraine pas un transfert de la propriété du bien mis en garantie. La réalisation de l’hypothèque nécessite donc une procédure d’exécution avec notamment une saisie immobilière suivie d’une vente judiciaire du bien saisi, processus qui peut durer jusqu’à deux ans. Cette procédure est longue et coûteuse, et la vente aux enchères d’un bien est souvent destructrice de valeur.  

Enfin, dans le cadre d’une fiducie, le constituant et le bénéficiaire élaborent en amont les termes du contrat de fiducie dans lequel ils s’entendent sur le bien mis en garantie, les modalités de réalisation de la fiducie, les obligations du fiduciaire, la durée de la fiducie, etc., afin de sécuriser leurs intérêts et de se prémunir contre tout aléa. Ainsi, contrairement à l’hypothèque, il existe une véritable possibilité d’anticiper les conditions de la vente dès la mise en place du contrat de fiducie.

Que se passe-t-il en cas d’ouverture de liquidation judiciaire à l’encontre du débiteur ?

En cas de procédure collective du constituant, la fiducie immobilière surclasse l’hypothèque.

La procédure collective ouverte au bénéfice du constituant ne remet pas en cause le transfert de propriété des biens affectés en garantie. En effet, ces derniers étant sortis du patrimoine du débiteur, ils ne peuvent pas être cédés par les organes de la procédure.

Une exception survient si une convention de mise à disposition a été mise en place. Dans ce cas, la réalisation de la fiducie immobilière n’est plus possible car l’usage du bien est jugé nécessaire à la poursuite de l’activité du débiteur, ce qui justifie que les droits du créancier soient temporairement paralysés.

À l’inverse, en cas d’hypothèque sur le bien immobilier, le créancier sera désintéressé au moyen d’une fraction du prix de vente selon son classement dans le rang des créanciers et passera, notamment, après les créanciers qui disposent de privilèges généraux immobiliers.

Pour l’ensemble de ces raisons, la fiducie immobilière mériterait d’être davantage utilisée par la pratique, tout particulièrement pour des opérations de financements immobiliers complexes, du fait de la grande sécurité, doublée d’une tout aussi grande flexibilité, qu’elle offre au créancier.

Pour aller plus loin :
– Sûretés immobilières, volume 1 : la mise en œuvre des sûretés immobilières classiques
Sûretés immobilières, volume 2 : les avantages de la fiducie-sûreté immobilière par rapport à l’hypothèque

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