A peine quelques jours après l’annonce de la suppression de la taxe de 1% sur l’excédent brut d’exploitation (EBE), le Gouvernement a proposé d’augmenter le taux de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés dont sont redevables les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions d’euros.
A combien cette augmentation portera le taux nominal de l’impôt sur les sociétés : 36%, 37% ou 38% ? Outre la question de savoir si la France détiendra le record du taux d’IS le plus élevé des pays membres de l’OCDE on peut s’interroger si un tel taux n’incitera pas les entreprises françaises à investir à l’étranger.
A l’heure où l’optimisation fiscale des entreprises est devenue un sujet à la mode, il est intéressant de noter que peu sont capables d’indiquer le taux nominal de l’IS, en raison, sans doute, de l’empilement des surtaxes. Le taux standard de l’impôt sur les sociétés est de 33,1/3. A celui-ci s’ajoutent une contribution de 3,3% pour les entreprises réalisant un bénéfice supérieur à 763.000 euros, et une surtaxe désormais fixée à 10,7% pour les entreprises réalisant plus de 250 millions de chiffre d’affaires. Au total, le taux nominal de l’impôt est désormais porté à 38% tout rond pour les grandes entreprises (soit 33,33% +1,1 % + 3,57%).
A ce niveau, la France surclasse tous ses voisins européens. Nous nous éloignons de l’Allemagne dont le taux d’IS est désormais compris entre 30 et 33%, (le taux de leur « taxe professionnelle » est intégré pour atteindre ces chiffres). Même des pays aux finances publiques détériorées ne nous battent pas comme l’Italie à 31,4% (en incluant l’IRAP, taxe sur les activités de production) ou l’Espagne à 30%. Evoquons pudiquement les Pays-Bas avec un taux d’IS à 25% et le Royaume-Uni désormais tombé à 23% tant ces taux questionnent la politique fiscale de la France. Et encore nous n’incluons pas la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) dans le calcul du taux d’IS français.
On aura beau dire que l’assiette de l’impôt sur les sociétés est plus étroite en France qu’ailleurs, ce qui finalement devrait rééquilibrer l’addition pour les entreprises, l’écart devient très significatif. D’autant que ce rééquilibrage par l’assiette est loin d’être systématique. Certes le régime d’amortissement des biens de production est extrêmement favorable en France mais les entreprises de services peu gourmandes en capitaux n’en bénéficient presque pas.
En fait seules les entreprises japonaises sont autant taxées que les françaises avec un taux de 38% et les américaines dont l’impôt fédéral avoisine 39,5%. Mais attention, ce dernier est hautement théorique pour les groupes américains dès lors qu’ils réalisent des profits hors de leurs frontières. Concrètement, l’impôt sur les sociétés aux États-Unis tient compte des bénéfices réalisés à travers le monde mais seulement dans la mesure où ces profits sont rapatriés aux États-Unis. En clair, les profits réalisés sur le sol américain sont taxés à environ à 40%, mais tant que les profits réalisés à l’étranger n’ont pas été distribués à la maison mère, le Trésor américain ne récupère pas un dollar d’impôt. Voilà pourquoi Apple, par exemple, paie relativement peu d’impôt fédéral aux États-Unis, le groupe disposant de liquidités importantes situés dans ses filiales étrangères. Apple explique cela d’ailleurs de façon claire dans ses états financiers et la SEC (Securities and Exchange Commission), après une inspection lancée cet été, n’a rien trouvé à redire. Sous le feu de la critique, Tim Cook le président d’Apple a invité l’administration Obama à modifier ces règles absurdes et à diminuer le taux de l’IS américain. C’est toutefois peine perdu tant que le congrès américain sera en opposition totale avec le Président Obama sur la question budgétaire.
Ne nous trompons pas, les États-Unis ne sont pas seuls dans cette situation. Bien que les systèmes fiscaux américains et français ne soient pas comparables, la France ne taxe pas non plus les profits réalisés à l’étranger sauf cas exceptionnel. Tant que les taux appliqués dans les pays où sont implantées les filiales des groupes français étaient à peu près similaires, il n’y avait pas d’avantage au plan fiscal à investir et développer son activité à l’étranger. En revanche, avec le cavalier seul que fait aujourd’hui la France en matière de taux d’IS il est certain qu’un groupe réalisant plus de 250 millions de chiffre d’affaires est incité fiscalement à investir et développer ses activités à l’étranger. Bien entendu, le taux de pression fiscale n’est pas le seul élément dont tiennent compte les entreprises mais un écart de 25% avec l’Italie, l’Espagne ou l’Allemagne, pour ne parler que des pays proches, fera réfléchir tout bon gestionnaire.
Ah j’oubliais ! Un groupe français distribuant des dividendes est soumis sur cette distribution à une surtaxe d’impôt sur les sociétés de 3%, le taux d’IS passe alors à 39,86%.
- Source : Le Cercle.Les Echos.fr