Dans son arrêt du 17 juin 2024 (CE n° 474155 « Blue Solutions », 3e et 8e chambres réunies), le Conseil d’État infirme la position précédemment retenue par la CAA de Paris (CAA de Paris n° 22PA02077, 7e chambre, 15 mars 2023, Inédit au recueil Lebon) et considère que les abandons de créances ne constituent pas des recettes ou autres produits devant être inclus dans le chiffre d’affaires à prendre en compte pour déterminer l’assujettissement à la taxe sur les salaires.
Le Conseil d’État annule le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 3 mars 2022 et l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 15 mars 2023 rendus dans la même affaire qui avaient considéré que :
- En application de l’article 231 du CGI, pour le calcul du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires, la totalité des recettes financières, y compris exceptionnelles, devait figurer au numérateur de ce rapport ;
- Les abandons de créances constituaient des recettes au sens de l’article 231 précité, les circonstances que ces recettes, déclarées comme des produits financiers par la société requérante, étaient hors du champ d’application de la TVA et n’avaient pas donné lieu à un encaissement étant sans incidence sur leur caractère de produits composant le chiffre d’affaires ;
- Par suite, les abandons de créances devaient être pris en compte dans le rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires.
Il aurait été intéressant que le Conseil d’État explicite davantage pourquoi il a considéré que les abandons de créances devaient rester sans impact pour la taxe sur les salaires. La même question peut en effet se poser de façon plus générale pour toute aide financière entre entreprises ou subvention, qualifiées en dehors du champ d’application de la TVA.
Quoiqu’il en soit, la solution est favorable pour le contribuable, et pourrait être utilisée dans le cadre de réclamations visant à récupérer d’éventuels trop-payés de taxe sur les salaires. Notre équipe se tient à votre disposition pour vous assister dans de telles démarches.
Contexte de l’affaire
- La société Blue Solutions exerce une activité de fabrication de piles et d’accumulateurs électriques qui équipent des véhicules électriques et hybrides ainsi que des systèmes d’autopartage.
- Sa société mère, la société Bolloré, lui a consenti des abandons de créance d’un montant de 70 m€ au titre de l’année 2012 et de 37 m€ au titre de l’année 2013.
- A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a estimé que la société Blue Solutions devait être assujettie à la taxe sur les salaires en tenant compte, pour le calcul de son rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires, d’abandons de créance que lui avait consentis la société Bolloré au cours de chacune des années civiles précédentes.
- Des rappels d’un montant de 45 766 € en 2013 et 33 380 € en 2014 lui ont été notifiés puis ont été mis en recouvrement pour un montant total de 96 222 €, en droits et pénalités.
- La société Blue Solutions a saisi le tribunal administratif de Montreuil en vue d’obtenir la décharge de ces impositions.
- Par un jugement du 3 mars 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
- La société Blue Solutions a interjeté appel de ce jugement en soutenant que les abandons de créance d’un montant de 70 m€ au titre de l’année 2012 et de 37 m€ au titre de l’année 2013 consenties par la société Bolloré n’entraient pas dans le rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires car ils ne constituaient pas des recettes et produits au sens de l’article 231 du code général des impôts dès lors qu’il s’agit d’un effacement d’une dette, sans encaissement, au sens des règles d’exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée.
- Par un arrêt du 15 mars 2023, la CAA de Paris a rejeté sa demande.
- La société Blue Solution s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État.