Dans le cadre de deux affaires jugées simultanément par les Cours administratives d’appel de Versailles et Nantes le 24 juin dernier, les juges ont eu l’occasion d’apporter des précisions au sujet des modalités d’affectation des salariés de deux sociétés holding mixtes. Bertrand Jeannin décrypte pour nous la portée de ces décisions.
Pour mémoire, les sociétés redevables de la taxe sur les salaires ont la possibilité d’invoquer la sectorisation de leurs activités en vue de réduire l’assiette de la taxe. S’agissant de sociétés holding ayant des activités dans le champ d’application de la TVA (telle que la fourniture de prestations de services d’assistance aux sociétés filiales du groupe) et des activités financières hors champ de la TVA (matérialisées par la perception de dividendes) ou dans le champ de la TVA (opérations de prêts intragroupe), l’administration fiscale admet que le personnel dirigeant et/ou salarié fasse l’objet d’une affectation / répartition entre ces différentes activités aux fins de déterminer l’assiette de la taxe sur les salaires. Les rémunérations des individus ainsi affectés exclusivement aux activités taxables à la TVA, ne sont pas incluses dans l’assiette de la taxe sur les salaires.
Les deux décisions précitées adressent la situation des assistant(e)s de direction. Dans des circonstances similaires, les juges ont ainsi refusé aux contribuables la possibilité de considérer que ces fonctions d’assistance de direction soient intégralement affectables au secteur taxable à la TVA. Les deux Cours relèvent – dans une belle communion d’idées – que ces fonctions sont par nature transversales et polyvalentes, et qu’il est difficile de détacher ces fonctions de celles exercées par le dirigeant dont elles assurent le support. Dès lors, lorsque l’assistant(e) travaille pour le Président ou le directeur Financier de la société, fonctions dont les rémunérations étaient en l’espèce incluses dans l’assiette de la taxe sur les salaires, il y a lieu d’y inclure également les rémunérations de l’assistant(e) de direction.
Ces deux décisions, dont le caractère définitif devra être confirmé, sont à notre connaissance inédites s’agissant des fonctions d’assistance de direction. Elles appellent trois remarques particulières :
- En toute logique, les rémunérations des assistant(e)s de direction devraient strictement suivre le même régime que les dirigeants auxquels ils sont rattachés : ainsi ces rémunérations devraient être intégralement prises en compte dans la base d’imposition lorsque le dirigeant est intégralement affecté au secteur non taxable à la TVA (ce qui sera le cas en pratique de salariés liés aux activités financières), et seulement partiellement prises en compte (à proportion du rapport d’assujettissement) lorsque le dirigeant est mixte (cas du mandataire social). Les faits jugés par les deux décisions commentées ne sont pas complètement clairs sur ce point mais cette approche nous paraît raisonnable. A l’inverse, les rémunérations des assistant(e)s de direction rattachés à des dirigeants dits « opérationnels », eux-mêmes intégralement affectés au secteur taxable, devraient échapper mutatis mutandis en totalité à la taxe sur les salaires
- Si on revient à la genèse des principes d’affectation des dirigeants/salariés, on doit garder en tête que l’affectation du personnel aux activités financières non taxables à la TVA devrait rester d’interprétation stricte pour les besoins de la taxe sur les salaires. En effet, à l’instar des principes retenus au regard de la TVA, le temps passé par le personnel sur la perception de revenus tels que des dividendes reste par nature limité. Dès lors, les fonctions affectées au secteur non taxable – que ce soit en intégralité ou partiellement – devraient également être cantonnées à un nombre très limité de personnes.
- Dans les espèces jugées, le principe de rattachement de l’assistant(e) de direction à son dirigeant paraît lié au fait qu’il y ait automatiquement identité des activités et domaine d’intervention couverts entre le dirigeant et son assistant(e). Le même principe ne nous paraît pas en revanche automatiquement transposable aux salariés membres d’une même direction et soumis à une même autorité hiérarchique. C’est ainsi que les modalités d’affectation du personnel d’une direction financière doivent être analysées au cas par cas, au regard des fonctions réelles exercées par chaque membre du service. A cet égard, seuls les salariés réellement impliqués dans la perception des revenus financiers qui déclenchent l’assujettissement à la taxe sur les salaires doivent à notre sens être impactés, à l’aune du principe d’interprétation stricte mentionné ci-dessus. Dans la même logique, il ne nous paraît pas systématiquement applicable que la rémunération du directeur financier soit nécessairement incluse dans le champ de taxation, s’il y a des échelons hiérarchiques intermédiaires dans son service statutairement en charge de la gestion desdits revenus financiers.