Dans sa décision (CE, 9e et 10e ch. réunies, 22 juillet 2020, n°428127, FNAMS), le Conseil d’Etat censure la position de l’administration fiscale, et valide l’éligibilité des tâches connexes, nécessaires à la réalisation d’opérations de R&D.
Analyse de la décision
Lorsqu’une entreprise confie à un organisme [privé agréé ou public] l’exécution de prestations nécessaires à la réalisation d’opérations de recherche qu’elle mène, les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte pour la détermination du montant de son crédit d’impôt quand bien même les prestations sous-traitées, prises isolément, ne constitueraient pas des opérations de recherche.
Avec ce considérant de principe très clair, le Conseil d’Etat juge que l’éligibilité des opérations de recherche confiées doit être analysée globalement, c’est-à-dire, au niveau du projet mené par la société, et non pas isolément au niveau des seuls travaux réalisés par le sous-traitant.
Cette décision très attendue, mettra enfin un terme à la pratique de l’administration fiscale et du Ministère de la Recherche sur le sujet, consistant à refuser l’éligibilité de travaux menés par les sous-traitants pour le compte de tiers, au motif qu’ils ne constituent pas en eux-mêmes des opérations de R&D.
Elle unifiera également la position des juridictions du fond, qui étaient jusqu’ici partagées.
En faveur de l’analyse de l’administration, la Cour Administrative d’Appel de Paris avait par exemple jugé que les travaux sous-traités ne pouvaient être regardés comme de véritables opérations de recherche et développement « nettement individualisées », alors même qu’ils étaient indispensables à l’aboutissement des travaux de recherche de la FNAMS (voir CAA Paris, 20/12/2018, n° 18PA00256, FNAMS, ainsi que notre article sur le sujet). De même la Cour administrative d’Appel de Lyon, (CAA Lyon, 05/11/2019, n°18LY02121, Etablissement Charles Pery et Cie) avait jugé que n’étaient pas éligible les travaux réalisés par un prestataire n’ayant pas pu définir les verrous technologiques à surmonter pour atteindre les objectifs fixés.
Au contraire, la Cour administrative d’appel de Nancy avait retenu que la société réalisant des tests ne pouvait prétendre au bénéfice du CIR sur ces travaux, puisqu’elle s’était bornée à tester les résultats de différentes recherches menées par les sociétés lui ayant demandé ses essais. Et, que seules les sociétés pour le compte desquelles ces essais ont été réalisés pourraient inclure ces dépenses qu’elles ont supportées parmi leurs dépenses éligibles au CIR (CAA Nancy, 23/03/2017, n° 16NC00198, SARL Biotek agriculture).
Avec cette décision, le Conseil d’Etat réaligne l’appréciation de la sous-traitance éligible au CIR avec la réalité scientifique et industrielle. En effet, pour de nombreuses opérations de R&D, des tests très spécialisés, et souvent non disponibles dans la société menant les travaux, sont requis afin de valider ou pas de nouveaux dispositifs ou prototypes, comme par exemple : les tests de compatibilité électromagnétiques ou les tests en chambre anéchoïque de grande dimension.
Cette décision permettra sans doute aux laboratoires publics et privés, de même qu’aux sociétés utilisant leurs services d’essais et de tests spécialisés, de retrouver une certaine sérénité quant à la prise en compte dans le CIR des dépenses justifiées dans le cadre de travaux nécessaires à la levée des incertitudes d’opérations de R&D éligibles.
Concernant l’éligibilité au CIR des travaux sous-traités, nous vous invitons à consulter nos analyses :
– Éligibilité au CIR de travaux externalisés : quel point de vue adopter pour les tâches connexes ?, Droit Fiscal, 10/20, n°177
– Prisme d’ingénieur : quelle adéquation entre les organisations R&D et les attentes de l’administration fiscale ?, Droit Fiscal, 10/20 , n°179