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TVA et intermédiation en assurance – Décision défavorable de la CAA de Douai

Dans un arrêt en date du 20 mars 2025 (n° 24DA01043), la Cour Administrative d’Appel (CAA) de Douai fait une application restrictive des conditions de l’exonération de TVA des intermédiaires en assurance.

L’histoire

En l’espèce, une société française, la SARL GID Assurances, exerçant une activité de courtier d’assurance, avait reçu des prestations de services informatiques et de mises en relation téléphonique que lui avaient facturées des prestataires établis à l’étranger.

La société n’a pas autoliquidé la TVA française au titre de ces prestations en considérant qu’elles relevaient de l’exonération de TVA applicable aux prestations afférentes à des opérations d’assurance réalisées par les courtiers et les intermédiaires d’assurance (CGI, art. 261 C, 2°), thèse remise en cause par l’administration fiscale, suivie par le Tribunal Administratif de Lille.

La CAA de Douai fait référence à la jurisprudence communautaire « Aspiro » (CJUE C-40/15, 17 mars 2016) concernant le champ de l’exonération de TVA des intermédiaires en assurance et reprend à son compte, sans toutefois la citer expressément, la jurisprudence « M. B » du Conseil d’État (n° 416107, 9 octobre 2019 voir notre article à ce sujet), qui avait jugé que « pour bénéficier de l’exonération, les prestations des intermédiaires d’assurance doivent être liées à la nature même du métier de courtier ou d’intermédiaire d’assurance, lequel consiste en la recherche de clients et la mise en relation de ceux-ci avec l’assureur, en vue de la conclusion de contrats d’assurance et que, s’agissant d’un sous-traitant, il importe que celui-ci participe à la conclusion de contrats d’assurance ».

Les détails du contrat

En l’espèce, la CAA de Douai s’est livrée à une analyse des termes des contrats conclus avec les prestataires étrangers afin de déterminer la qualification au regard de la TVA des prestations facturées à la SARL GID Assurances.

À cet égard, la Cour note que les contrats confient aux prestataires une mission d’intermédiaire en assurance consistant à contacter tous prospects en France à l’effet de présenter l’activité de la SARL GID Assurances, de présenter les produits d’assurance commercialisés par cette dernière, en précisant leurs principales caractéristiques, le montant des primes annuelles, les conditions d’adhésion, les garanties offertes, et de recueillir de ces prospects les informations utiles à la SARL GID Assurances en vue de la finalisation de la souscription d’un contrat d’assurance.

Le prestataire doit aussi, dans le cadre de la mission confiée, proposer au prospect un contrat adapté à ses besoins, parmi ceux distribués par la SARL GID Assurances. Enfin, il est précisé qu’au terme de sa mission, le prestataire communiquera à la société la liste des « rendez-vous qualifiés » proposés aux futurs clients et que la SARL GID Assurances procèdera à la validation de la pré-commercialisation de chaque contrat pré-souscrit.

En outre, le cahier des charges joint au contrat précise que :

Au vu de cette situation de fait, la Cour a relevé qu’ainsi définie, la mission confiée par la SARL GID Assurances aux prestataires en cause, d’une part, ne laissait à ces derniers qu’une liberté limitée dans le choix des prospects à contacter ; d’autre part, ne leur confiait de conseiller et de convaincre les prospects contactés qu’à partir de critères de choix et d’argumentaires préétablis et communiqués par la SARL GID Assurances. Enfin, cela ne les faisait pas participer à la phase de finalisation du contrat d’assurance avec chaque futur client, laquelle était intégralement gérée par la SARL GID Assurances, dans le cadre d’un  » rendez-vous qualifié  » dont la fixation, d’un commun accord avec le futur client, matérialisait le terme de l’intervention du prestataire.

La décision de la Cour

La Cour a conclu que dans ces conditions, les prestations facturées n’étaient pas éligibles à l’exonération de TVA prévue par l’article 261 C, 2° du CGI.

C’est donc le critère de la participation à la conclusion du contrat d’assurance qui semble avoir été déterminant dans le raisonnement de la Cour.

Selon nous, ce critère spécifique résulte de la jurisprudence « M. B » précitée du Conseil d’État qui apparaît, à cet égard, plus restrictive que la jurisprudence communautaire. En effet, la CJUE pose, en la matière, deux conditions pour pouvoir bénéficier de l’exonération (CJUE C-40/15, Aspiro, § 37-39, 17 mars 2016) :

La participation à la conclusion du contrat n’ayant pas été érigée en condition de l’exonération par la CJUE, la jurisprudence française apparaît désormais trop restrictive et nous appelons de nos vœux une évolution sur ce point.

Pour mémoire, l’administration fiscale a effectué le 27 avril 2022 une mise à jour importante de ses commentaires relatifs à l’exonération de TVA des opérations d’assurance, de réassurance, et des prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et intermédiaires d’assurance (BOI-TVA-CHAMP-30-10-70, voir notre article à ce sujet).

 

 

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