Le 5 juillet 2023, le Conseil d’État (avis du 5 juillet 2023, n°471877) indiquait que le régime TVA de la parahôtellerie en France était partiellement incompatible avec les objectifs poursuivis par la Directive TVA, en ce qu’il subordonnait la soumission à la TVA des locations de logements meublés à la condition que soient proposées, en sus de l’hébergement, au moins trois des quatre prestations listées au b. du 4° de l’article 261 D du CGI, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers.
Un cadre juridique fixé par la Directive TVA
Pour rappel, l’article 261 D, 4°-b du CGI dispose que l’exonération de TVA applicable aux locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d’habitation ne s’applique pas « Aux prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l’hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ».
Cette disposition constituait, à l’époque de son adoption, une tentative de transposer l’article 135 de la Directive TVA.
Ce dernier indique en effet que :
- les Etats membres exonèrent de TVA la location de biens immeubles (art. 135, 1-l) de la Directive TVA)
- sont exclues de cette exonération « les opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper » (art. 135, 2-a) de la Directive TVA)
- les États membres peuvent prévoir des exclusions supplémentaires au champ d’application de cette exonération (art. 135 dernier alinéa)
L’idée sous-jacente de ces dispositions est la suivante : la location d’un bien immeuble constitue, certes, une activité économique mais une activité économique relativement passive liée à l’écoulement du temps (i.e. mise à disposition d’un bien), ne générant que peu ou pas de valeur ajoutée, d’où son exonération de TVA. A l’inverse, l’exploitation active d’un immeuble justifie la taxation à la TVA de l’activité, telle l’hôtellerie (voir, en ce sens, CJUE 4 octobre 2001, Goed Wonen, C‑326/99, points 52 et 53 ; CJUE 18 novembre 2004, Temco Europe, C‑284/03, point 20 ; CJUE 28 février 2019, C-278/18, Manuel Jorge Sequeira Mesquita, points 19 et 20).
La question de la concurrence potentielle avec les établissements hôteliers mise en avant
Le référentiel du secteur hôtelier est déterminant en la matière, tant d’un point de vue communautaire (« secteurs ayant une fonction similaire »), que d’un point de vue national (« rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier »).
Le Conseil d’État lui-même, dans l’avis susmentionné, a indiqué qu’il convenait d’apprécier, au cas par cas, et eu égard aux conditions dans lesquelles la prestation est proposée, si l’établissement en cause se trouvait en situation de concurrence potentielle avec les établissements hôteliers.
Cet avis a, dès lors, mis en évidence deux types de difficultés concernant le régime applicable à la parahôtellerie en France :
- l’absence de taxation à la TVA des locations de logements de courte durée proposées sur des plateformes numériques, qui se trouvent, de manière évidente, en concurrence avec les établissements hôteliers
- la taxation à la TVA des locations de logements longue durée proposées par les résidences services (e.g. résidences étudiantes et résidences seniors) qui, bien que proposant trois prestations parmi les quatre listées par l’article 261 D, 4°-b du CGI, ne se trouvaient pas à l’évidence en concurrence avec les établissements hôteliers, ces résidences services ne s’adressant pas à la même clientèle
Réaction du gouvernement face à l’insécurité juridique en résultant
Pour mettre fin à ces difficultés, et profitant de la latitude offerte aux États membres par la Directive TVA pour restreindre le champ d’application de l’exonération de TVA applicable aux locations de biens immeubles, le Gouvernement a déposé, le 15 octobre dernier, un amendement au projet de Loi de finances pour 2024.
Dans cet amendement, le Gouvernement proposait de réécrire complètement l’article 261 D, 4° du CGI, en distinguant, d’une part, le secteur hôtelier ou les secteurs ayant une fonction similaire, et, d’autre part, les locations de logements meublés à usage résidentiel.
S’agissant, en premier lieu, du secteur hôtelier ou des secteurs ayant une fonction similaire, la taxation à la TVA impliquerait que soient désormais réunies les deux conditions cumulatives suivantes :
- une prestation d’hébergement n’excédant pas trente nuitées, sans préjudice des possibilités de reconduction proposée
- une prestation d’hébergement comprenant la mise à disposition d’un local meublé et au moins trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle
Nous pouvons à cet égard relever plusieurs points.
Tout d’abord, la durée de séjour jouerait désormais un rôle déterminant (comme dans d’autres État membre), tandis que la fourniture de trois prestations sur quatre demeurerait une condition de la taxation des prestations d’hébergement.
Ensuite, l’actuel article 261 D, 4° du CGI prévoit la taxation des établissements hôteliers, sans que ces derniers n’aient à démonter le respect de la condition des trois prestations sur quatre. La nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement laisse à penser, quant à elle, que la condition tenant à la fourniture de trois services parmi les quatre listés pourrait également être exigée de tels établissements. Or, si, pour certaines catégories d’établissements, le respect de cette condition ne fait pas de doute, il n’en est pas de même pour toutes (notamment s’agissant de l’accueil et du petit déjeuner). À cet égard, il convient de rappeler que les décisions de justice portant sur la question de la réalité des prestations proposées sont nombreuses, mettant ainsi en évidence la fréquence des redressements sur ce sujet.
Enfin, pour apprécier la concurrence potentielle avec les établissements hôteliers, le Conseil d’État, dans l’avis susmentionné, se contentait de mentionner, notamment, la durée minimale de séjour et les prestations fournies en sus de l’hébergement, sans préciser lesquelles, ni le nombre de prestations à prendre en compte.
S’agissant, en second lieu, des locations de logements meublés à usage résidentiel, l’article 261 D, 4° du CGI les mentionnerait désormais de manière explicite tout en maintenant la condition de la fourniture de trois prestations sur quatre. Le principe de taxation des résidences services, qui pouvait sembler être remis en cause à la suite de l’avis du Conseil d’État, se trouverait donc confirmé, la TVA étant alors liquidée au taux de 10 %.
En ce sens, cet amendement était donc le bienvenu.
A noter que cet amendement a été intégré au texte du projet de loi de finances pour 2024 sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité, le 18 octobre dernier, en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution.