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Uber est un (banal) fournisseur de transport selon la CJUE

Uber est un (banal) fournisseur de transport selon la CJUE

Dans le débat entourant la régulation des « nouvelles » activités, à savoir les e-services ou le monde économique digital, le droit (européen) a posé une première brique !

Trois observations succinctes

(i) Le plus spectaculaire, relevé par la presse généraliste et spécialisée, est que cette décision affirme sans ambiguïté que la régulation des activités des grands acteurs du net, dont on laissait entendre qu’ils échappaient au droit de manière générale, y est pleinement soumise.

L’idée, au fond, était absurde car par essence l’activité humaine suppose un cadre de normes, quelle qu’en soit leur qualification (coutume, usage, lois, lignes directrices, principes, etc.) et quelle qu’en soit leur origine (droit national, régional, international, transnational, etc.).

(ii) Mais si des règles, et un raisonnement juridique, trouvent toujours à s’appliquer, les nouvelles activités peuvent faire douter de leur pertinence et de leur efficacité. La norme peut devenir obsolète.

Schématiquement, deux réponses sont alors concevables : l’interprète du droit, dont le juge, procède par interprétation et adaptation, ou le législateur, au sens fonctionnel, intervient par l’adoption de nouvelles dispositions.

La Cour de justice donne ici à voir une interprétation focalisée sur la réalité économique. Cela est salutaire car l’efficacité des règles de fonctionnement du marché suppose qu’elles évoluent sans disqualifier hâtivement avec dédain le passé et sans écarter le besoin d’évolutions, de changements.

Au-delà de l’arrêt lui-même, on peut suggérer qu’il indique que le cadre normatif existe, qu’il ne peut être ignoré par les opérateurs économiques, mais que ces derniers ainsi que les autorités publiques doivent en tirer les conséquences en ce compris le besoin d’évolution des normes.

(iii) La Cour se prononce dans un cadre procédural déterminé, qui était de savoir si l’activité d’Uber devait s’analyser en un pur service de la société d’information, et en conséquence bénéficier du principe de libre prestation de service (art. 56 TFUE), échappant ainsi aux exigences locales (droit espagnol) d’obtention d’une licence pour offrir un service de transport urbain (s’appliquant seulement à ceux qui délivrent matériellement le transport d’un point à un autre).

En revanche, qualifié de service de transport, l’activité d’Uber ne bénéficie alors pas du principe de libre prestation de service au sein du marché unique, puisque le traité (art. 58 TFUE) prévoit que la libre circulation des services en matière de transport est régie par la politique commune des transports.

Or, en l’espèce, la Cour relève que le service d’intermédiation d’un service de transport urbain n’a pas donné lieu à l’adoption de règles communautaires (politique commune), de sorte que ce sont les Etats membres qui sont compétents pour réglementer les conditions de prestation de ce service.  

Dans cet arrêt du 20 décembre 2017, la Cour de justice dit : 

« qu’un service d’intermédiation, tel que celui (d’Uber), qui a pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule avec des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain, doit être considéré comme étant indissociablement lié à un service de transport et comme relevant, dès lors, de la qualification de ‘service dans le domaine des transports’ … (dès lors) exclu du champ d’application de l’article 56 TFUE, de la directive 2006/123 et de la directive 2000/31 ».

L’ubérisation de l’économie n’aura pas lieu… sans une guerre sociétale, transformant tout l’encadrement des sociétés ; pour l’heure, Uber doit se conformer aux exigences en matière de transport payant de passager.

 

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