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Vérification de comptabilité d’une filiale intégrée au sein d’un groupe en perte fiscale : l’Administration doit-elle adresser une proposition de rectification à la tête de groupe ?

La CAA de Lyon juge, de manière nous semble-t-il inédite, que dans le cas où les conséquences de la rectification des résultats d’une société intégrée se traduisent par l’absence d’établissement d’imposition supplémentaire au titre de l’exercice concerné, en raison de la situation déficitaire du groupe, et n’affectent qu’un exercice ultérieur au cours duquel le résultat d’ensemble redevient bénéficiaire, alors l’Administration doit adresser au titre de cet exercice une proposition de rectification à la mère intégrante (et ne peut donc se contenter d’un simple courrier d’information).

Rappel

En cas de vérification de comptabilité d’une filiale intégrée, c’est avec elle que l’Administration mène la procédure de vérification de comptabilité, dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du LPF.

Cela étant, dès lors que la société tête d’intégration fiscale est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d’une procédure de rectification suivie à l’égard d’une société intégrée, l’Administration doit lui adresser, préalablement à la notification de l’AMR correspondant, un document l’informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable. L’AMR qui peut alors être émis sans délai, fait référence à ce document (art. R. 256-1 du LPF).

L’information qui doit être donnée à la société tête d’intégration avant cette mise en recouvrement peut être réduite à une référence aux procédures de redressement qui ont été menées à l’encontre des sociétés membres de l’intégration et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d’ensemble, sans qu’il soit nécessaire de reprendre l’exposé de la nature, des motifs et des conséquences de chacun des chefs de redressement concernés.

Le document doit toutefois comporter, en ce qui concerne les pénalités, l’indication de leur montant et des modalités de détermination mises en œuvre par l’Administration (CE, 13 décembre 2013, n°338133, EURL Pub Finance ; CE, 25 juin 2020, n°421095, Société BNP Paribas).

L’histoire

Une société intégrée a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre des exercices 2013 à 2015.

Par une proposition de rectification du 15 février 2017, l’Administration a réintégré dans son résultat imposable, au titre de l’exercice clos en 2015, des charges qu’elle estimait avoir été déduites à tort.

Au niveau de la filiale intégrée, ce redressement a entraîné une augmentation de son bénéfice imposable au titre de l’exercice 2015.

Au niveau du groupe intégré, ce redressement a réduit le montant du déficit reportable dont disposait le groupe fiscal au titre des exercices 2015 et 2016, et a fait apparaître un bénéfice imposable au titre de l’exercice clos en 2017, premier exercice au cours duquel l’intégration est redevenue bénéficiaire.

Par courrier du 11 septembre 2018, l’Administration a informé la mère intégrante des rectifications dont sa fille avait fait l’objet, et du montant des droits dont elle se trouvait redevable en sa qualité de tête de groupe au titre de l’exercice 2017.

La tête de groupe a contesté la régularité de la procédure, considérant que l’Administration ne pouvait se borner à lui envoyer une simple lettre d’information, mais qu’elle aurait dû lui adresser une proposition de rectification.

La décision de la CAA de Lyon

La Cour rappelle d’abord qu’en cas de vérification de comptabilité d’une filiale intégrée, c’est avec elle que l’Administration mène la procédure.

Aussi, pour informer la société mère des conséquences des redressements notifiés à sa filiale, préalablement à la mise en recouvrement des suppléments d’imposition correspondants, aucune disposition n’impose, en principe, à l’Administration de lui adresser une proposition de rectification en application des dispositions de l’article L. 57 du LPF.

Elle ménage toutefois une exception à ce principe dans l’hypothèse où – comme en l’espèce – les conséquences de la rectification des résultats d’une société membre se traduisent par l’absence d’établissement d’imposition supplémentaire au titre de l’exercice concerné, en raison de son caractère déficitaire, et qu’elles ont vocation à affecter le résultat d’ensemble du groupe lorsque celui-ci redevient bénéficiaire au titre d’un exercice postérieur.

Dans ce cas, la Cour considère que l’Administration doit alors nécessairement adresser à la mère intégrante une proposition de rectification afférente au premier exercice au cours duquel le résultat d’ensemble est redevenu bénéficiaire.

Au cas d’espèce, elle juge que l’Administration aurait dû adresser à la tête de groupe une proposition de rectification concernant les rectifications qui ont concerné le résultat du groupe au titre de l’exercice clos en 2017, premier exercice au cours duquel le groupe est redevenu bénéficiaire.

Elle en conclut que, faute d’envoi d’une telle proposition de rectification, la tête de groupe a été privée d’une garantie justifiant la décharge des impositions et pénalités en litige.

A ce jour, aucun pourvoi n’a encore été formé contre la décision.   

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