Selon la CAA de Versailles, les sommes perçues par une société au titre de prestations de maintenance de logiciels ne peuvent pas être qualifiées de redevances pour l’application des conventions fiscales bilatérales au sens de l’article 12 du modèle de convention OCDE. En conséquence, les retenues à la source prélevées ne peuvent pas donner droit à crédit d’impôt en France.
L’histoire
En 2009 et 2010, une société française d’édition et de distribution de logiciels avait facturé des prestations de maintenance desdits logiciels auprès de clients établis au Brésil, en Espagne, au Maroc et en Thaïlande.
Dans l’État de résidence des débiteurs, ces rémunérations ont été regardées comme des redevances et soumises à retenue à la source dans les quatre États. En application des conventions fiscales conclues par la France avec ces États, la société a imputé les crédits d’impôt correspondant aux montants desdites retenues à la source sur l’IS dont elle était redevable en France.
L’administration fiscale a remis en cause cette imputation en considérant que les rémunérations perçues par la société française ne pouvaient pas recevoir la qualification de redevances. Le TA de Montreuil a suivi l’Administration sur le sujet.
La CAA maintient cette analyse et refuse la qualification de redevances à l’issue d’une analyse précise des termes du contrat de maintenance de logiciel.
Pour rappel, la définition du terme « redevance » telle que retenue dans les conventions en cause (conformes au modèle OCDE) vise les rémunérations de toutes natures payées pour l’usage ou la concession de l’usage :
- d’un droit d’auteur sur une œuvre littéraire, artistique ou scientifique
- […]
- et pour des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique
Or, selon la Cour, l’analyse du « contrat de licence, support et services » et de ses conditions générales, révèle que les prestations de maintenance ne peuvent être regardées comme un accessoire indissociable du droit d’utilisation du logiciel. Elle relève notamment que :
- le droit d’utilisation du logiciel pouvait être acquis par un client sans que celui-ci ne recourt aux prestations de maintenance
- les prestations de maintenance n’avaient pas pour objet d’accorder ou d’étendre un droit d’utilisation du logiciel, mais simplement de fournir une assistance technique et de lui faire bénéficier d’améliorations du logiciel par le biais des mises à jour
- ces prestations donnaient lieu à une facturation séparée
Aussi, les revenus tirés de ces prestations doivent être distingués des rémunérations perçues en contrepartie de la licence de logiciels qui, elles, rentrent dans la définition des redevances versées en contrepartie de l’usage d’un droit d’auteur sur une œuvre scientifique au sens des stipulations conventionnelles.
De plus, toujours sur la base de l’analyse des dispositions contractuelles, la Cour reconnaît que le contrat de fourniture de prestations de maintenance a pour effet de permettre au client de bénéficier de l’expertise du prestataire dans ce domaine, il n’a pas, pour autant, pour effet de transférer à celui-ci, pour son usage, un droit de propriété intellectuelle, un savoir-faire ou des informations ayant trait à son domaine d’expertise. La rémunération des prestations de maintenance ne peut donc pas être qualifiée de redevance reçue en contrepartie de la fourniture d’informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine scientifique.
La Cour en conclut que les rémunérations versées en contrepartie de prestations de services, ont la nature d’un bénéfice d’entreprise, imposable dans l’État de résidence du prestataire et non de redevances au sens conventionnel.
On observera que cette solution est conforme aux commentaires de l’OCDE (commentaires sur l’article 12, 11.2, convention modèle de 2018).
La CAA de Versailles revient par ailleurs sur la déductibilité de l’impôt acquitté à l’étranger
Pour mémoire, depuis l’intervention de la 2e LFR 2017, l’impôt acquitté à l’étranger prélevé conformément aux stipulations d’une convention fiscale ne peut plus être admis parmi les charges déductibles d’une société française, même déficitaire (modification de l’article 39, 1, 4° du CGI).
Auparavant, une jurisprudence bien établie admettait que l’impôt acquitté à l’étranger pouvait être admis parmi les charges déductibles d’une société française déficitaire, sous réserve qu’une stipulation conventionnelle n’y fasse pas obstacle (12 mars 2014, n° 362528, Sté Céline).
Ne restait en débat devant les juges d’appel, que la question de l’impôt prélevé en Espagne (les demandes tendant à la déductibilité des RAS prélevées au Maroc, au Brésil et en Thaïlande ayant été favorablement accueillies par le TA de Montreuil).
La société se prévalait des dispositions de la convention franco-espagnole qui ne s’oppose à la déduction en France de l’impôt prélevé en Espagne que dans l’hypothèse où cet impôt a été prélevé « conformément » à la convention. À contrario, l’impôt prélevé en contradiction avec la convention reste déductible du résultat français.
Or, les rémunérations litigieuses constituent, selon la Cour, non pas des redevances, comme l’a estimé l’administration fiscale espagnole, mais des bénéfices exclusivement imposables en France, à défaut d’établissement stable en Espagne. Aussi, la Cour juge que la convention franco-espagnole ne s’oppose pas à ce que les retenues à la source espagnoles appliquées en contradiction avec la convention soient déduites du résultat soumis à l’impôt français.
Rendue sous l’empire de l’article 39 dans sa rédaction antérieure à la 2e LFR 2017, cette solution nous semble toutefois devoir conserver sa portée aujourd’hui, l’Administration ayant confirmé dans ses commentaires au BOFiP que les RAS prélevées en contrariété avec une convention et n’ouvrant pas droit à l’attribution d’un crédit d’impôt, pourront être déduites du résultat français (BOI-BIC-CHG-40-30-20181003, n° 30, remarque 1).
Selon nos informations, un pourvoi – en attente d’admission – a été formé sur cet arrêt.