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Amendement Charasse : Précisions sur la notion de contrôle conjoint exercé par des personnes agissant de concert

La date de clôture de l’exercice d’une SCI n’est pas nécessairement fixée au 31 décembre

Pour la CAA de Nantes, des dissensions même ponctuelles entre les concertistes suffisent à écarter l’existence d’un contrôle conjoint et, partant, la mise en œuvre de l’amendement Charasse.

La notion de contrôle, condition déterminante pour la mise en œuvre de l’amendement Charasse

Pour rappel, l’amendement Charasse est un dispositif qui limite la déductibilité des charges financières en cas d’acquisition à titre onéreux, par une société membre d’une intégration fiscale, des titres d’une société qui devient membre de la même intégration fiscale et que cette acquisition a été effectuée auprès de l’actionnaire, personne physique ou morale, qui contrôle le groupe, indépendamment du mode de financement de l’opération (CGI, art. 223 B, al. 6).

Les charges financières présumées liées à l’opération sont réintégrées à compter de l’exercice d’acquisition et des 8 exercices suivants. Leur montant est évalué forfaitairement pour chaque exercice par application, sur le total des charges financières déduites par toutes les sociétés du groupe fiscal, d’un coefficient de réintégration égal au rapport qui existe entre le prix d’acquisition des titres et le montant moyen des dettes de l’ensemble des sociétés membres de l’intégration au titre de l’exercice considéré.

Pour l’application de ce dispositif, le contrôle s’entend de celui défini à l’article L. 233-3 du Code de commerce. Le III de cet article dispose notamment que « deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu’elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale ». La notion d’action de concert est, elle, définie à l’article L. 233-10 du Code de commerce, lequel prévoit que des personnes agissent de concert lorsqu’elles ont conclu un accord en vue d’acquérir, de céder ou d’exercer les droits de vote, pour mettre en œuvre une politique vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société.

En pratique, le contrôle conjoint entraînant l’applicabilité de l’amendement Charasse implique donc la réunion de 2 conditions : l’existence d’une action de concert et la détermination en fait des décisions prises en assemblée générale par les concertistes (voir aussi CE, QPC, 1er février 2018, n°412155, Mi Développement 2,  et CE, 15 mars 2019, n°412155, Mi Développement 2).

L’histoire

La SAS Financière des Eparses est constituée en février 2007 principalement par 3 sociétés détenant chacune environ 33 % du capital (les sociétés Jasper, HPM Finances et IPO) ainsi que marginalement par une personne physique. Peu de temps après la constitution de la société, l’ensemble des actionnaires conclut un pacte d’actionnaires.

En recourant à des emprunts bancaires et obligataires, la SAS Financière des Eparses a acquis auprès des sociétés Jasper et HDM, les titres de 2 sociétés avec lesquelles elle a immédiatement formé un groupe intégré. À l’issue d’un contrôle fiscal portant sur les exercices de 2009 à 2013, l’Administration a estimé que l’ensemble des actionnaires agissait de concert et contrôlait conjointement la SAS Financière des Eparses, et que les acquisitions par cette dernière des titres des sociétés aussitôt intégrées tombaient sous le coup de l’amendement Charasse.

Une appréciation souple de la notion de contrôle conjoint par les juges d’appel

La CAA de Nantes raisonne en 2 temps.

Elle examine, en 1er lieu, l’existence d’une action de concert. Elle reprend, à son compte, les 3 éléments caractérisant au sens de l’article L. 233-10 du Code de commerce, une action de concert :

La CAA considère que ces 3 éléments sont bien réunis au cas d’espèce, les actionnaires ayant conclu un pacte d’actionnaires comportant des clauses relatives à l’acquisition et à la cession des droits de vote attachés aux titres de la société et ayant pour finalité d’exercer une politique commune vis-à-vis de la société, notamment par la volonté d’assurer la stabilité de l’actionnariat (le pacte prévoyait notamment un droit de préemption réciproque, des modalités de droit de sortie et une obligation de sortie conjointe ainsi qu’une clause d’anti-dilution).

Elle juge par conséquent que ce pacte, même s’il ne comporte pas de clauses relatives à l’exercice des droits de vote, révèle bien l’existence d’une action de concert.

Puis, la Cour passe ensuite à l’examen de la faculté pour les concertistes de déterminer en fait les décisions prises en assemblée générale.

Elle relève d’abord que l’un des actionnaires – la société IPO – pouvait, compte-tenu de ses droits de vote, bloquer en AG l’adoption des décisions extraordinaires, soumises à une majorité renforcée (3/4 des voix). Or, l’examen des décisions extraordinaires ne révèle pas qu’IPO – qui disposait par ailleurs d’un siège au contrôle de surveillance – « se serait systématiquement abstenu ou aurait systématiquement adopté les positions communes des sociétés Jasper et HDM ». La CAA de Nantes écarte donc à ce titre l’existence d’un contrôle conjoint et donc l’application de l’amendement Charasse.

On notera qu’il semblerait, selon les conclusions du rapporteur public, qu’en réalité la société IPO ne se serait opposée en tout et pour tout sur la période 2009 à 2013 qu’à 2 décisions extraordinaires ; dès lors, pour favorable qu’elle soit, la décision de la CAA de Nantes peut surprendre et méritera d’être confirmée par le Conseil d’État.

 

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