L’administration fiscale vient de publier ses commentaires au BOFiP relatifs aux dispositions des articles 205 B à 205 D du CGI, qui transposent en droit français les mesures de lutte contre les dispositifs hybrides prévues par la directive ATAD2 (cf. art. 45 de la LF 2020).
Sans revenir sur l’ensemble de ces mesures, vous trouverez ci-après les principaux points relevés dans ces commentaires administratifs.
D’une manière générale, si les précisions apportées sont bienvenues nous regrettons toutefois que, sur ces dispositions techniques qui posent autant interrogations pratiques, la voie de la consultation publique préalable n’ait pas été empruntée. De nombreuses interrogations subsistent et un certain nombre de points demandent encore à faire l’objet de confirmation.
L’Administration a par ailleurs supprimé ses commentaires sur l’ancien article 212, I-b du CGI relatif à l’imposition minimale abrogé depuis le 1er janvier 2020.
Le vocabulaire ATAD 2
L’importante technicité des dispositions visées aux articles 205 B à 205 D du CGI, qui reprennent un cas ou une série de cas identifiés dans les travaux BEPS (action 2 : « Neutraliser les effets des dispositifs hybrides »), implique préalablement de cerner minutieusement la définition des termes utilisés. Par conséquent, l’administration fiscale vient compléter dans ses commentaires les 16 définitions mentionnées à l’article 205 B I.1° à 16° du CGI (BOI-IS-BASE-80-10 et BOI-IS-BASE-80-30 §100).
On retiendra notamment les éléments complémentaires suivants (dans une optique de synthèse, les éléments mentionnés dans le texte de Loi ne sont pas repris) :
Notion d’inclusion (article 205 B.I. 8° du CGI).
- Le fait que le résultat dans lequel le paiement a été inclus soit imposé à un taux plus faible que le taux normal de l’IS de l’État de résidence du bénéficiaire, ou même exonéré d’IS en application de la législation de cet Etat, ne conduit pas à remettre en cause l’existence d’une inclusion (BOI-IS-BASE-80-10 §80).
- Dans l’hypothèse où la société bénéficiaire établie hors de France est membre d’un groupe fiscal, la société débitrice doit démontrer que le paiement concerné a effectivement été inclus dans le résultat d’ensemble du groupe au titre duquel la société mère est redevable de l’impôt équivalent à l’IS dans son Etat de résidence (BOI-IS-BASE-80-10 §100).
Notion de double déduction (article 205 B.I. 9° du CGI).
Comme le prévoit la Directive ATAD 2 (voir considérant (21) ainsi que la définition de « double déduction »), la portée des principes énoncés dans la recommandation 6 de l’action 2 BEPS ( §192) est étendue à d’autres éléments déductibles indépendamment du fait qu’ils soient, ou non, attribuables à un paiement (i.e. double déduction à raison d’une dépense ou d’une perte). A titre d’exemple, l’Administration confirme que les dotations aux amortissements doivent être prises en compte au titre de la double déduction d’une dépense (BOI-IS-BASE-80-10 §120 et s.).
Notion d’entreprises associées (article 205 B.I. 16° du CGI).
Sont notamment considérées comme des entreprises associées les sociétés sur lesquelles un groupe limité d’actionnaires exerce un contrôle conjoint ainsi que celles qui contrôlent conjointement d’autres entreprises. L’administration précise que que la conclusion d’un pacte d’actionnaires ne suffit pas nécessairement à caractériser l’existence d’une action conjointe (BOI-IS-BASE-80-10 §170 et s.).
Notion de double inclusion (non définie à l’article 205 B du CGI).
La question de savoir si un paiement a donné lieu à une double inclusion est essentiellement une question de droit qui devrait être résolue à l’aide d’une analyse de la nature et du traitement fiscal des produits perçus et du paiement selon les lois des deux Etats. Si les lois des deux Etats accordent une déduction au titre du même paiement, de la même dépense ou de la même perte, ainsi qu’une inclusion au titre des mêmes produits, alors l’inclusion est réputée donner lieu à une double inclusion (BOI-IS-BASE-80-30 §100).
Les mesures générales de neutralisation (article 205 B.I.1 a) à g) du CGI)
Les règles de correction doivent être spontanément appliquées par les entreprises concernées (BOI-IS-BASE-80-20-20 §1).
Dispositifs hybrides générant une D/NI : article 205 B.I.1° a) à f) du CGI
La règle de correction s’applique au titre de l’exercice au cours duquel un paiement générant un tel effet fiscal asymétrique (déduction sans inclusion) est réalisé (BOI-IS-BASE-80-20-20 §20 et BOI-IS-BASE-80-20-20 §60).
- Cas où une charge est déduite par une entreprise soumise à l’IS en France (« règle principale ») : Il est précisé que le montant de la déduction à corriger est limité à la fraction du paiement non incluse par la (ou les) entreprise(s) associée(s) (BOI-IS-BASE-80-20-20 §20).
Par mesures de tolérance :
Il est admis que cette correction n’a pas à être opérée si l’inclusion, chez le bénéficiaire du paiement, intervient entre la date de la clôture de l’exercice au titre duquel la charge a été constatée et la date limite de dépôt de la déclaration afférente à ce même exercice.
Il est également admis que la société puisse déduire fiscalement la charge réintégrée lorsque l’inclusion correspondante intervient avant la clôture de l’exercice suivant celui au titre duquel cette même charge a été comptablement constatée (par voie de déclaration rectificative).
N.B : ces 2 mesures de tolérance ne s’appliquent pas aux paiements effectués au titre d’un instrument financier ou en présence de dispositifs générant une double déduction, pour lesquels la loi prévoit un délai d’inclusion spécifique de 24 mois (BOI-IS-BASE-80-20-20 §30).
L’Administration précise de façon bienvenue que le caractère non déductible de la somme représentative de la quote-part de paiement n’entraîne pas la qualification de revenus distribués au profit de l’entreprise bénéficiaire (BOI-IS-BASE-80-20-20 §50).
- Cas où un produit est constaté par une société soumise à l’IS en France (« règle défensive ») : Afin de tenir compte d’éventuelles divergences en matière de transposition et de mise en œuvre de la Directive ATAD 2, la règle de correction (cf. article 205 B.III.1.b) du CGI) a vocation à s’appliquer lorsque le paiement donne lieu à une charge déductible dans l’Etat membre dans lequel est établi le débiteur, sans que cette déduction ait été corrigée [i.e. ne pas se limiter au fait que l’autre Etat membre ait transposé les dispositions ATAD2 pour écarter l’application de la règle défensive de neutralisation] (BOI-IS-BASE-80-20-20 §60).
Dispositifs générant une DD : article 205 B.I.1° g) du CGI
De la même manière, l’Administration précise que le caractère non déductible du paiement n’a pas pour conséquence de le qualifier de revenus distribués (BOI-IS-BASE-80-20-20 §80).
Dispositifs hybrides inversés
En ce qui concerne l’exclusion prévues au titre des dispositifs hybrides inversés, il est précisé qu’un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ou un fonds d’investissement alternatif (FIA) ouvert à des investisseurs non professionnels, qui vise spécifiquement la possibilité d’être souscrits par « tous souscripteurs », constitue un fonds de placement à participation large (BOI-IS-BASE-80-30 §30).
Charge de la preuve
Généralités
Les éléments de preuve établissant l’absence de dispositif hybride doivent être apportés par le contribuable uniquement à la demande de l’administration.
La preuve peut être apportée par tout moyen. Les justificatifs peuvent notamment comprendre :
- les écritures comptables de la société établie hors de France ;
- la déclaration de résultats de la société établie hors de France (et éventuellement les documents relatifs à la liquidation de l’impôt équivalent à l’IS dans l’Etat de résidence du bénéficiaire) ;
- une documentation établie par le contribuable, décrivant la législation applicable dans l’Etat de résidence de la société débitrice ou créancière située hors de France, et démontrant que le paiement n’a pas généré un effet d’asymétrie fiscale (BOI-IS-BASE-80-20-20 §190 et s.).
Dispositifs hybrides inversés
Lorsque les conditions mentionnées à l’article 205 C du CGI sont remplies, la présomption (simple) de l’existence d’un dispositif hybride inversé est établie.
Le contribuable peut notamment apporter la preuve contraire en établissant que la différence de législation relative à la qualification de l’entité hybride entre les différents Etats n’est pas à l’origine d’une asymétrie hybride. Le contribuable pourra par exemple apporter la preuve que le paiement est imposable, mais exonéré chez les associés, eu égard à la législation de leur Etat de résidence (BOI-IS-BASE-80-30 §40 et s.).