Le 13 septembre dernier, survenait un coup de tonnerre dans un ciel serein : la Cour de cassation déclarait non-conformes au droit de l’Union européenne les dispositions du Code du travail qui excluaient la période de maladie d’origine non-professionnelle du calcul des droits à congés payés et limitaient à une durée d’un an la prise en compte d’une période de maladie d’origine professionnelle pour ce même calcul.
Ces décisions auxquelles la presse donnait un large écho faisaient grand bruit : la Cour de cassation écartait l’application de certaines dispositions du Code du travail au nom de la prééminence du droit européen, ou plus précisément, réécrivait ces mêmes dispositions qui se trouvaient de facto abrogées. Les décisions rendues avaient un effet immédiat : aucune loi n’était nécessaire pour qu’elles entrent immédiatement en vigueur.
Pour les juristes, ces décisions n’étaient pas surprenantes ; elles étaient même inévitables : la Cour de cassation avait déjà alerté, en vain, le législateur sur la non-conformité de ces dispositions au droit européen ; le 13 septembre dernier, la Cour de cassation se contentait de prendre acte de la primauté du droit européen sur le droit français, en mettant ses pas, sans avoir vraiment le choix, dans ceux de la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Pour les non-juristes, les solutions retenues par la Cour de cassation provoquaient réjouissance ou lamentation, selon le camp auquel on appartenait : les syndicats de salariés y voyaient un progrès social et le fruit de leur combat ; les organisations patronales (CPME et MEDEF) une mesure coûteuse pour les entreprises (près de 2,7 milliards d’euros par an) et génératrice de surcroît d’insécurité juridique.
Par un arrêt du 15 novembre dernier, la Cour de cassation donne un épilogue à sa pièce : elle accepte de transmettre au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur ces mêmes articles du Code du travail dont elle avait écarté l’application en les déclarant non conformes au droit de l’Union européenne.
On sait que la QPC permet au Conseil constitutionnel d’exercer un contrôle de la conformité de dispositions législatives déjà promulguées à la Constitution. Ce contrôle, dit a posteriori, peut conduire le Conseil constitutionnel à abroger des dispositions législatives déjà en vigueur.
Bien que la prévision soit difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir, selon le bon mot de Pierre Dac, gageons que le Conseil constitutionnel censurera les dispositions en cause du Code du travail, en retenant l’un ou l’autre des arguments invoqués par les requérants pour faire tomber ces dispositions : le droit au repos et à la santé, d’une part et le principe d’égalité, d’autre part.
Celles-ci avaient déjà été sacrifiées par la Cour de cassation sur l’autel du contrôle dit de conventionnalité (ou contrôle de la conformité du droit français au droit européen) ; le Conseil constitutionnel devrait les sacrifier une seconde fois, sur l‘autel du contrôle de la conformité de la loi à la Constitution, cette fois.
Qui a dit qu’on ne pouvait pas mourir deux fois ?
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