Dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’Etat vient d’annuler les récents commentaires administratifs relatifs aux modalités d’application de la RAS prévue à l’article 119 bis, 2 du CGI aux établissements bancaires dans certaines situations particulières.
Eléments de contexte
Pour mémoire, dans le cadre d’une mise à jour de ses commentaires au BOFiP, datée du 15 février 2023, l’Administration a précisé que la RAS de l’article 119 bis,2 du CGI, due, en principe, sur les seules distributions au profit de personnes n’ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège en France, s’appliquait également lorsque le récipiendaire a son domicile fiscal ou son siège en France, dès lors que le bénéficiaire effectif des revenus en cause, c’est-à-dire la personne qui a le droit d’en disposer librement, a son domicile fiscal ou son siège hors de France (BOI-RPPM-RCM-30-30-10-10, n° 1, 15 février 2023).
A cette occasion, l’Administration a également apporté des précisions relatives à l’application de la RAS prévue à l’article 119 bis, 2 du CGI par les établissements bancaires, s’agissant (1) des opérations de rétrocession de dividendes et (2) des opérations d’acquisition temporaire d’actions françaises ainsi que des opérations sur dérivés dont le sous-jacent comporte des actions françaises (BOI-RES-RPPM-000122 et BOI-RES-RPPM-000123, tous deux du 15 février 2023, voir l’article de Hélène Alston et Thomas Le Frêche sur le blog de Deloitte Société d’Avocat).
À la suite de cette actualisation, la Fédération bancaire française (FBF) a contesté ces commentaires en introduisant un recours pour excès de pouvoir, arguant de l’absence de référence à la notion de bénéficiaire effectif dans le texte du CGI.
La décision du Conseil d’Etat
Le Conseil d’État confirme que les commentaires critiqués ajoutent de manière inappropriée aux dispositions législatives.
Par conséquent, l’intégration dans le BOFiP des références à la notion de bénéficiaire effectif a été annulée, de même que les commentaires publiés par l’Administration sous forme de rescrits concernant spécifiquement l’application de la retenue à la source aux équivalents dividendes dans le cadre des instruments financiers à terme.
Le Conseil d’Etat juge expressément que, en dehors des situations visées par l’article 119 bis A (dispositif anti-arbitrage des dividendes en cas de cession temporaire des titres instauré par la LF 2019), l’Administration ne peut écarter comme ne lui étant pas opposable l’interposition entre l’établissement payeur et la personne non-résidente qu’elle regarde comme le bénéficiaire effectif des revenus en cause, d’une personne résidente titulaire du droit de percevoir des distributions, sauf à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal.
Pour mémoire, la mise à jour du BOFiP fait suite à plusieurs redressements effectués par l’Administration sur des établissements bancaires au cours des dernières années. Cette annulation affaiblit la substance de ces redressements, ne laissant ouverte que l’éventualité d’un redressement basé sur l’abus de droit, une approche initialement abandonnée par l’Administration qui la considérait comme insuffisamment robuste pour obtenir gain de cause.
A la suite de cette annulation, on peut espérer que l’Administration renonce à ses actions en cours même s’il est à craindre qu’elle cherche à caractériser un abus de droit pour les années encore ouvertes à contrôle.
Cependant, ces redressements ont entraîné l’ouverture d’enquêtes par le Parquet National Financier (PNF) pour fraude fiscale aggravée contre les banques concernées, accompagnées de plusieurs perquisitions en début d’année 2023. L’abandon des redressements par l’Administration n’entraîne pas automatiquement l’abandon de la procédure pénale, celle-ci étant indépendante et reposant sur des textes distincts.
Dans tous les cas, il ne peut être exclu que le Gouvernement décide de renforcer le dispositif légal dans les mois à venir afin de prévoir l’application d’une retenue à la source sur les équivalents dividendes pour l’avenir.