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Mise en évidence d’un ES en France et application de la majoration de 80 % pour activité occulte : nouvelle illustration jurisprudentielle

Rappel

Par application du principe de territorialité de l’impôt sur les sociétés, seuls sont imposables en France les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (CGI, art. 209, I).

En cas de découverte d’une activité occulte, le droit de reprise de l’Administration s’exerce jusqu’à la fin de la 10e année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due. L’activité est considérée comme occulte lorsque le contribuable n’a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu’il était tenu de souscrire, et qu’il n’a pas fait connaître son activité à un CFE ou au greffe du tribunal de commerce, ou qu’il s’est livré à une activité illicite (LPF, art. L. 169 et L. 174).

En outre, la découverte d’une telle activité est susceptible d’entraîner l’application d’une majoration de 80 % (CGI, art. 1728, 1, c).

La preuve du caractère occulte est présumée apportée dès lors que le contribuable ne s’est pas acquitté de ces obligations déclaratives, sans que l’Administration ne soit tenue de démontrer de surcroît que son comportement révélait son intention de dissimuler son activité (CE, 7 décembre 2015, n°368227, Frutas y Hortalizas SL).

Le contribuable peut toutefois renverser cette présomption, en faisant valoir qu’il a commis une erreur justifiant qu’il ne se soit acquitté d’aucune de ses obligations déclaratives (solution d’abord limitée à l’application de la majoration pour activité occulte, CE, 7 décembre 2015, n°368227, Sté Frutas y Hortalizas Murcia SL, puis transposée à l’application du délai spécial de reprise de 10 ans, CE, 21 juin 2018, n°411195).

L’histoire

En juillet 2014, l’Administration a procédé à une perquisition fiscale (sur le fondement de l’article L. 16 B du LPF) au domicile et dans les locaux professionnels – en France – de l’administrateur unique d’une société résidente d’Andorre.

Elle a ensuite engagé, dans la foulée, une vérification de comptabilité de la société andorrane, en recourant, à cet effet, à la procédure d’assistance administrative.

A l’issue de ces opérations, l’Administration a considéré que la société avait exercé, au titre des exercices 2010 à 2013, son activité intégralement en France, dans les locaux à disposition de son administrateur unique, où elle devait être regardée comme disposant d’un établissement stable, permanent et autonome, au sens de la législation fiscale française.

Elle l’a, en conséquence, assujettie d’office aux impôts commerciaux à raison de l’ensemble de son activité pour les exercices considérés.

Relevant, de plus, que la société s’était abstenue de toute déclaration aux greffes du tribunal de commerce et au CFE, ainsi que de toute déclaration fiscale en France, elle a assorti le redressement de la majoration de 80 % pour activité occulte.

La société a contesté le redressement devant les juridictions.

La décision de la CAA de Marseille

Sur la caractérisation d’un établissement stable en France

L’analyse de l’existence d’un établissement stable en France s’est faite sur le seul terrain de la législation fiscale française (CGI, art. 209), dans la mesure où la convention fiscale entre la France et la Principauté d’Andorre, signée le 2 avril 2013, n’était pas applicable au cas d’espèce (impositions en litige antérieures au 1er janvier 2016, date d’entrée en vigueur de la convention).

La CAA de Marseille confirme, à son tour, la caractérisation d’un établissement stable en France, en se fondant sur les éléments suivants :

A l’inverse

La Cour en conclut ainsi que la société andorrane dispose de son centre décisionnel en France, en la personne de son administrateur unique, et qu’elle est gérée et exerce son activité de façon habituelle depuis la France par le biais des moyens matériels et humains mis à disposition par ce dernier, caractérisant ainsi un établissement doté d’une autonomie de gestion en France.

Sur l’application de la majoration de 80 % pour activité occulte

Au cas d’espèce, il n’était pas contesté que la société n’avait ni déposé dans le délai légal les déclarations qu’elle était tenue de souscrire, ni fait connaître son activité à un CFE ou aux greffes du tribunal de commerce.

La CAA de Marseille juge, dès lors, que la preuve du caractère occulte de l’activité est présumée apportée, mais que le contribuable dispose néanmoins de la faculté d’établir qu’il a commis une erreur justifiant qu’il ne se soit acquitté d’aucune de ces obligations déclaratives en France.

S’agissant d’un contribuable qui fait valoir qu’il a satisfait à l’ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la Cour rappelle que la justification de l’erreur commise doit être appréciée en tenant compte « de l’ensemble des circonstances de l’espèce et, notamment, du niveau d’imposition dans cet autre État et des modalités d’échange d’informations entre les administrations fiscales concernées » (CE, 7 décembre 2015, n° 368227, Frutas y Hortalizas SL et CE, 27 novembre 2020 n° 428898).

Au cas d’espèce, malgré l’existence d’un accord d’échange de renseignements entre la France et la Principauté d’Andorre, la CAA relève que « le taux d’imposition à l’impôt sur les sociétés en Andorre était largement inférieur à celui applicable en France et que le taux maximal à compter de 2012 était de 10 %, ce qui a permis à la société de bénéficier d’une franchise totale d’impôt sur les sociétés durant 3 années ».

La requérante ne pouvait donc s’opposer à l’application de la majoration de 80 %.

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