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Convention de management fees et acte anormal de gestion : la CAA de Marseille se prononce au fond dans l’affaire Collectivision

Statuant sur renvoi après cassation dans l’affaire Collectivision, la CAA de Marseille juge que le versement d’honoraires en exécution d’une convention de management conclue entre 2 sociétés ayant des dirigeants communs était, en l’espèce, constitutive d’un acte anormal de gestion.

Eléments de contexte

Par le passé, l’Administration a, à plusieurs reprises, pu remettre en cause, sur le terrain de l’acte anormal de gestion, la déductibilité des sommes versées par une filiale à sa société mère en exécution d’une convention de management fees couvrant les prestations de direction générale.

Ces redressements ont été confirmés par des juridictions du fond, lesquelles ont, en synthèse, reconnu l’existence d’un acte anormal de gestion, dès lors que les prestations considérées relevaient des fonctions du mandataire social et étaient donc considérées comme faisant « double emploi », peu important qu’il n’y ait pas eu double rémunération (notamment, CAA Nancy, 9 octobre 2003, n°9802182, SA Gamlor ou, plus récemment, CAA Paris, 6 novembre 2019, n°18PA02628, Self Media ou encore CAA Paris, 22 mars 2023, n°21PA04911, Media 6). Le fait que le mandataire ne soit pas rémunéré a, de plus, pu être regardé comme constituant un indice supplémentaire d’anormalité.

Le Conseil d’État n’a été amené à se prononcer sur la question que tardivement, dans le cadre de sa décision Collectivision du 4 octobre 2023 (Conseil d’État, 4 octobre 2023, n°466887, Collectivision).

L’histoire

Deux sociétés ont conclu une convention de management fees, portant sur des prestations de management réalisées par un dirigeant commun, exerçant, respectivement, les fonctions de gérant de la société vérifiée (fonction pour laquelle il ne percevait aucune rémunération) et de co-gérant de la société prestataire.

Au titre de l’exercice 2013, l’Administration a remis en cause la déduction des honoraires versés dans ce cadre, sur le terrain de l’acte anormal de gestion, considérant que les prestations réalisées relevaient non pas de fonctions techniques spécifiques, mais des fonctions inhérentes à celles d’un gérant de SARL (prestations faisant « double emploi ») – peu important qu’il n’y ait pas eu double rémunération.

Saisi de l’affaire, le Conseil d’État a jugé, dans un considérant de principe très clair, que la conclusion par une société d’une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant de fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues n’est pas constitutive d’un acte anormal de gestion, si cette société établit que ses organes sociaux compétents ont entendu, en réalité, par le versement des honoraires correspondant à ces prestations, rémunérer indirectement le dirigeant – et qu’ainsi ce versement n’est pas dépourvu pour elle de contrepartie.

Il a ensuite renvoyé l’affaire devant la CAA de Marseille, pour règlement au fond.

Décision de la CAA de Marseille

Après avoir pris le soin de rappeler le considérant de principe dégagé par le Conseil d’État, la Cour conclut toutefois à l’existence, au cas d’espèce, d’un acte anormal de gestion.

Pour ce faire, elle se fonde sur les éléments suivants :

On notera que, dans ses conclusions sous la décision rendue par le Conseil d’État, le rapporteur public a consacré d’intéressants développements sur les modalités de preuve de la validation par les organes compétents de la société de l’octroi d’une rémunération indirecte au gérant. Il souligne, à cet égard, que « la validation ou l’approbation organisée dans le cadre des conventions réglementées (…) semblerait, sans doute, du point de vue fiscal, suffisante », à la condition que l’information donnée à l’AG (ou dans le cas des SA, au conseil d’administration) puisse être regardée comme suffisante sur le contenu et l’objet de la convention et l’implication du gérant.

Notons que la CAA de Versailles a, elle, dans une décision assez similaire, écarté l’existence d’un acte anormal de gestion, considérant que la société requérante établissait bien que ses organes sociaux avaient entendu, par le versement des honoraires correspondant aux prestations litigieuses, rémunérer indirectement son dirigeant (7 mai 2024, n°21VE01760). Au cas d’espèce, la convention de prestations de services avait été expressément ratifiée par l’AG des associés, et soumise au commissaire aux comptes.

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