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La réforme des reports déficitaires : trois clés pour surmonter ce nouveau frein à l’investissement

La réforme des reports déficitaires : trois clés pour surmonter ce nouveau frein à l’investissement

La politique fiscale des Etats influe sur les finances publiques. Elle influe aussi sur la compétitivité de leurs économies. On peut s’interroger sur l’impact en termes de finances publiques des diverses évolutions fiscales françaises depuis 2008. Il est encore sans doute trop tôt pour en avoir le cœur net. En revanche, il n’est nul besoin d’attendre le recul de l’Histoire pour comprendre que ces réformes vont dans leur majorité dans le sens de la dégradation de la compétitivité économique française.

Les nouvelles dispositions sur les reports déficitaires en sont un exemple frappant. En limitant la capacité des entreprises à imputer leurs pertes présentes sur des profits futurs ou passés, le législateur limite surtout leur capacité à investir. Le calendrier même de cette mesure, en sortie d’une première récession et en entrée probable d’une seconde ne fait qu’accentuer ses effets négatifs. Si l’on ne peut que déplorer une telle politique fiscale, les entreprises doivent se préparer à en limiter les surcoûts induits, faute de voir leur avenir hypothéqué à l’autel de la recette publique. L’intégration fiscale, la refonte de leurs schémas de restructuration, et la gestion internationale de leurs prix de transfert peuvent les y aider.

Un frein à l’investissement

Pour les exercices clos à compter du 21 septembre 2011, la deuxième loi de finances rectificative limite la capacité d’imputation des déficits sur les bénéfices des exercices suivants mais aussi la possibilité d’obtenir une créance sur le Trésor à raison de leur report en arrière.

Si le report en avant demeure illimité dans le temps, en revanche, le bénéfice d’imputation fait l’objet d’un plafonnement. Ainsi, l’imputation des déficits est plafonnée à 1 M€, majorés de 60 % du bénéfice excédant ce seuil, le surplus étant reportable dans les mêmes conditions sur les bénéfices des exercices suivants.

Il est ainsi instauré le principe d’une base taxable minimale qui tend vers 40 % du bénéfice imposable quel que soit le niveau de reports déficitaires dont dispose l’entreprise. En effet, compte tenu de la franchise de 1 M€, ce taux ne sera que de 20 % pour un résultat de 2 M€, alors qu’il s’élèvera à 39,6 % pour un résultat de 100 M€.

Sur le report en arrière des déficits, la réforme est encore plus sévère. Ainsi, l’imputation ne sera désormais possible que sur le seul bénéfice de l’exercice précédent et sera, de surcroît, plafonnée à 1 M€. En outre, l’option ne peut plus être exercée que sur le déficit de l’exercice, les solutions favorables permises jusqu’alors par la jurisprudence quant à la date d’exercice de l’option et les bénéfices d’imputation du report étant ainsi de fait rapportées.

Avant cette réforme, une entreprise qui accusait une perte bénéficiait d’un crédit d’un tiers de cette perte qu’elle pouvait, sous certaines conditions, inscrire à son bilan comme un actif. Désormais, ce crédit est décoté d’un tiers puisque le plancher de base taxable tangentant 40% tend à limiter le crédit à 20%. Surtout, il rend sa réalisation moins probable du fait de l’existence même du plancher d’assiette, ce qui ne manquera de poser des difficultés techniques lorsqu’il faudra estimer la capacité à activer au bilan ces actifs fiscaux. Si l’activation devrait rester possible, son montant sera nécessairement plus faible mais l’entreprise devra aussi procéder à des projections fiscalo-financières plus complexes que par le passé, augmentant par là même ses coûts administratifs.

Face à un accroissement du coût fiscal des pertes, les entreprises perdent de la capacité d’investissement au moment où elles en ont le plus besoin. Trois stratégies leur permettent d’en retrouver.

Le renouveau de l’intégration fiscale

La compensation algébrique des bénéfices et des pertes réalisés par les différentes sociétés du groupe au titre d’un même exercice n’est pas affectée par la mesure de plafonnement des reports déficitaires. Ainsi, alors que hors intégration, une société dégageant un déficit au titre d’un exercice ne pourrait l’utiliser que pour partie sur des bénéfices ultérieurs, dans une intégration fiscale, ce déficit pourra immédiatement et sans limite, compenser les bénéfices réalisés par d’autres sociétés du groupe.

L’intégration fiscale permet ainsi d’atténuer les effets de la réforme : mais pas de les supprimer totalement. S’agissant de la détermination des résultats individuels, on retiendra néanmoins que l’imputation des déficits pré-intégration est également soumise à la nouvelle règle de plafonnement du report en avant. De plus, s’agissant du bénéfice d’ensemble, seule base effectivement taxable du groupe, le plafond au-delà duquel l’imputation des déficits sera cantonnée à 60 %, est fixé à 1 M€ quel que soit le nombre de filiales. De la même manière, le report en arrière d’un déficit d’ensemble ne pourra être imputé que sur le bénéfice d’ensemble de l’exercice précédent et dans la limite de 1 M€, quel que soit le nombre de filiales. Le report en arrière des déficits perd ainsi beaucoup de son intérêt et de ses effets pour les groupes.

Parallèlement à la gestion du résultat d’ensemble, c’est la rédaction des conventions d’intégration qui est à revoir. En effet, on sait que les sociétés du groupe demeurant des entités juridiques distinctes, dotées d’un patrimoine propre, il est nécessaire d’établir des conventions internes permettant de déterminer un mode de répartition financière de l’ensemble des conséquences de l’intégration fiscale. De telles conventions sont par ailleurs vivement recommandées par le Conseil national de la comptabilité, ainsi que par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes.

Suivant une jurisprudence récente du Conseil d’Etat, les groupes disposent d’une certaine liberté dans la répartition conventionnelle de la charge de l’impôt. Il leur est seulement demandé, d’une part, de respecter l’intérêt social propre de chaque société ainsi que les droits des associés ou des actionnaires minoritaires et, d’autre part, de ne pas convenir d’un dispositif qui procèderait en définitive d’une gestion anormale.

Dès lors que la mesure de plafonnement des déficits imputables n’affecte pas l’utilisation des déficits individuels pour la détermination du résultat d’ensemble, il est clair que dans les groupes où la contribution à l’impôt de chaque société membre est calculée en fonction du montant de l’impôt que celle-ci devrait acquitter si elle n’était pas membre du groupe, un écart pourrait apparaitre de façon structurelle entre la somme des contributions individuelles et l’impôt effectivement dû par le groupe.

Ce changement de législation pourrait être l’occasion de réviser l’équilibre de ces conventions ainsi que les modalités de répartition des économies d’impôt dans le groupe.

Repenser les schémas de LBO et de restructurations

La mesure nouvelle tend à réduire les facultés de récupération du report déficitaire d’un groupe cible, notamment dans le cadre du mécanisme dit d’ « imputation des déficits sur une base élargie » qui permet de retenir les résultats de certaines sociétés du groupe dissous qui font partie du nouveau groupe.

En effet, ces résultats d’imputation ne pourront être utilisés qu’à hauteur de 60 % de leur montant au-delà du seuil de 1 M€ qui devrait être apprécié globalement et une seule fois au niveau de la société titulaire du report déficitaire de l’ancien groupe.

Par ailleurs, s’agissant de l’arbitrage en faveur du régime de droit commun pour les opérations de fusions ou assimilées dans lesquelles la cible dispose d’un report déficitaire important, on prendra garde au fait que désormais, l’imputation de ce report déficitaire étant plafonnée, les plus-values d’apport pourraient rester imposables à concurrence de 40 % de leur montant et qu’en conséquence, il pourrait être plus efficient, en termes de trésorerie de l’impôt, de placer l’opération sous le régime spécial d’exonération et de demander un agrément pour le transfert du report des déficits à la société bénéficiaire des apports.

On sait que le montant de la plus-value nette à long terme n’est pas imposable lorsqu’il est utilisé à compenser le déficit d’exploitation de l’exercice. Le déficit ainsi annulé ne peut plus être reporté sur les bénéfices des exercices ultérieurs. Cette modalité d’imputation des déficits n’est pas contingentée par la mesure nouvelle de plafonnement. Ainsi, même si cette catégorie ne concerne plus guère que les produits de cession ou de concession de brevets et droits assimilés, les sociétés dont le business plan ne permet pas, à l’évidence, d’absorber les déficits d’exploitation dans un avenir proche, pourront, le cas échéant, tirer avantage de cette possibilité d’imputation illimitée sur les produits soumis au taux réduit.

Adapter sa stratégie internationale

Un bonne pratique des investissements internationaux est de constituer des paliers de consolidations régionaux (e.g. Europe, Amérique, Asie…) qui grâce à la centralisation de la gestion des prix de transfert permettent d’imputer les pertes de certains marchés contre les profits d’autres marchés. Ces paliers permettent de réduire significativement le coût des investissements internationaux. Ils se matérialisent le plus souvent par des sociétés dédiées à la gestion des flux intra-groupe. Traditionnellement, les groupes français tendaient à faire assumer cette fonction par le siège français ou une des filiales françaises pour des raisons opérationnelles, ce qui était aussi pertinent fiscalement compte tenu de l’ancien régime des reports déficitaires. Face à la nouvelle donne fiscale, la localisation de ces paliers devra être repensée pour les entreprises en disposant déjà. Pour les autres, il est désormais nécessaire d’y réfléchir.

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