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Abus de droit en cas de clôture artificielle du 1er exercice de la holding de reprise en vue de se soustraire à la QPFC de 5 % sur dividendes

Photo du Conseil d'Etat

En maintenant artificiellement la date de clôture du 1er exercice initialement prévue de la seule société de reprise, et pour une durée inférieure à 30 jours, la délibération a eu pour effet (i) de modifier la situation juridique préexistante – caractérisée par une coïncidence entre la clôture et l’ouverture des exercices de l’ensemble des sociétés composant la future intégration – ainsi que (ii) d’abaisser la charge fiscale de cette société conduisant le Conseil d’État à approuver la qualification retenue d’abus de droit.

Pour mémoire, avant les modifications apportées par la LF 2011, l’article 216 du CGI prévoyait que la quote-part de frais et charges (QPFC), égale, en principe, à 5 % du produit des participations perçues et réputée correspondre au coût de gestion des participations éligibles, ne pouvait excéder, pour chaque période d’imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société recevant les dividendes au cours de la même période.

Ce plafonnement permettait de centraliser les dividendes en quasi-franchise d’impôt au sein de sociétés holding « passives » qui, n’ayant pas d’autre activité que celle de détenir des titres, ne supportaient que peu de charges.

L’affaire soumise revient notamment sur la frontière entre l’abus et la simple agilité fiscale dans le cadre de cette disposition.

L’histoire

Une société est constituée le 9 janvier 2010 en vue d’acquérir une société détenant un groupe de sociétés. Le 27 janvier 2010, elle procède à l’acquisition de ladite société en finançant son investissement moitié par emprunt, moitié par une distribution prélevée sur la cible au jour de de l’acquisition.

À l’origine, il était prévu que toutes les sociétés (i) clôturent leur exercice en cours le 31 janvier 2010 pour constituer une nouvelle intégration fiscale à compter du 1er février 2010 et (ii) clôturent ce 1er exercice d’intégration fiscale le 30 juin 2010 pour se réaligner au cycle économique des activités des sociétés.

De la sorte, les statuts de la société nouvellement créée mentionnaient le 1er février comme la date d’ouverture de l’exercice et les dates de clôture des exercices en cours des filiales, fixées statutairement au 30 juin de chaque année, ont été avancées au 31 janvier 2010 par une délibération d’une AG des actionnaires du 27 janvier 2010.

Toutefois, en raison de l’impact sur un gros contrat en cours que l’exercice de 5 mois n’aurait pu résorber, par AG réunies le 30 janvier 2010, les sociétés acquises ont finalement reporté au 30 juin la date de clôture de leur exercice 2010 et par voie de conséquence reporté l’entrée dans l’intégration fiscale au 1er juillet 2010.

En revanche, la nouvelle société mère n’a pas modifié la date statutaire de clôture de son propre exercice social, maintenue au 31 janvier 2010. Ce n’est que quelques mois plus tard qu’elle a modifié sa date de clôture d’exercice au 30 juin de chaque année, s’alignant ainsi avec les autres membres du groupe et permettant une intégration fiscale à compter du 1er juillet 2010.

Au cours de ce 1er exercice de courte durée (27 jours), la nouvelle société mère a donc perçu des dividendes et n’a supporté aucune charge.

Or, à l’époque des faits, le 2nd alinéa du I de l’article 216 du CGI prévoyait que « Les produits nets des participations, ouvrant droit à l’application du régime des sociétés mères et visées à l’article 145, touchés au cours d’un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d’une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au 1er alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d’impôt compris. Cette quote-part ne peut toutefois excéder, pour chaque période d’imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société participante au cours de la même période. »

Sur le fondement de cette disposition, la société a donc retranché de son bénéfice 2010 le dividende ayant servi à financer l’acquisition sans défalquer de QPFC.

À l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration a considéré, sur la base de l’article L. 64 du LPF, la date du 30 juin 2010 comme la date de clôture réelle de son 1er exercice de sorte que la QPFC à réintégrer dans son résultat imposable a été intégralement réévaluée.

Les juridictions du fond n’ayant pas donné gain de cause au contribuable, le CE est amené à se prononcer.

La décision

Le CE relève que le maintien artificiel de la clôture du 1er exercice au 31 janvier 2010, ne concernait que la société de reprise et la durée de ce 1er exercice se trouvait dès lors inférieure à 30 jours. La délibération de l’AGE du 30 janvier 2010 a donc eu pour effet de modifier la situation juridique préexistante, caractérisée par une coïncidence entre la clôture et l’ouverture des exercices de l’ensemble des sociétés composant la future intégration, ainsi que la charge fiscale de la société de reprise – laquelle aurait été équivalente, en droits, à celle résultant de la rectification litigieuse si la société n’avait pas clôturé un 1er exercice le 31 janvier 2010 et avait repoussé cette clôture au 30 juin suivant à l’instar des autres sociétés composant la future intégration.

Il en déduit qu’en jugeant que la délibération du 30 janvier 2010, qui ne présentait pas un simple caractère confirmatif, avait pu être écartée par l’Administration en application des dispositions de l’article L. 64 du LPF, la Cour, qui n’avait pas à rechercher si la clôture fixée au 31 janvier par les statuts de la société de reprise était également constitutive d’un abus de droit dès lors que le caractère abusif du maintien de cette clôture ne laissait subsister que la clôture intervenue le 30 juin 2010, n’a entaché son arrêt, ni d’une erreur de droit, ni d’une erreur de qualification juridique des faits.

Il écarte également les arguments tirés du principe de non-immixtion avancés par la requérante et confirme l’arrêt de la Cour d’appel qui a déduit que le maintien d’un 1er exercice comptable clos le 31 janvier 2010 procédait de la recherche du bénéfice d’une application littérale de l’article 216 du CGI contraire à l’objectif du législateur et révélatrice d’un abus de droit.

Cette décision, contraire aux conclusions de la rapporteure publique et non publiée au recueil Lebon, nous semble être un arrêt d’espèce.

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