La qualification de l’abus de droit écartée par le Comité dans le cadre d’une opération réalisée pour préparer l’entrée au capital de salariés.
On sait que, pour les opérations d’apport-cession réalisées avant le 14 novembre 2012, le fait pour un contribuable de bénéficier d’un sursis ou d’un report d’imposition est susceptible d’être contesté sur le fondement de l’abus de droit (CE, 8 oct. 2010, n° 313139 Bauchart, 301934 Bazire et 321361 Four), lorsqu’en interposant une société qu’il contrôle, l’opération a pour seule finalité de permettre au contribuable de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la cession des titres. Tel n’est pas le cas, en revanche, lorsque la société bénéficiaire contrôlée réinvestit de façon substantielle le produit de la cession dans une activité économique.
Le Conseil d’Etat a été amené à préciser cette notion de réinvestissement. Il a notamment jugé que l’avance en compte-courant (60 % du prix de la cession) faite à la société dans laquelle la bénéficiaire de l’apport a pris une participation (4 % du prix de la cession) présentait un caractère patrimonial et ne concourait pas à un réinvestissement dans une activité économique (CE, 3 février 2011, n° 329839). Le réinvestissement par une SCI de famille du produit de la cession des parts dans l’immobilier a été également regardé comme présentant un caractère patrimonial, le contribuable ayant conservé potentiellement la possibilité d’appréhender les liquidités dégagées par la cession des titres.
Le Comité de l’abus de droit fiscal vient d’écarter la qualification de l’abus de droit fiscal dans une affaire où la société bénéficiaire de l’apport (Y) avait créé avec deux salariés de la société apportée puis cédée (X), une société nouvelle (Z) qui avait acquis les titres de X. Ainsi, la société Y, bénéficiaire de l’apport et contrôlée par l’apporteur, se trouve après l’opération de cession, détenir 50 % du capital de la société nouvelle Z, cessionnaire. L’autre moitié du capital de Z est détenue par les deux salariés de la société X. Il relève notamment que :
- Le gain de cession a permis à la société bénéficiaire de l’apport, d’améliorer sa situation financière en remboursant un emprunt (25 % du prix de cession) et en alimentant sa trésorerie courante (25 % du prix de cession), et de contribuer au développement économique de deux de ses filiales opérationnelles ;
- L’acquisition de valeurs mobilières (50 % du prix de cession) par la société bénéficiaire était justifiée par la garantie exigée par la banque pour permettre à sa société filiale nouvellement créée (société Z) de souscrire un emprunt pour l’acquisition des titres de X ;
- L’apporteur n’a pas eu la disposition des sommes dégagées lors de la vente des titres.
Le Comité écarte ainsi l’abus de droit, sans recourir à la grille d’analyse qu’il a jusqu’alors utilisée. Il constate que l’apporteur n’avait pas appréhendé le produit de la cession, et valide l’apport, à une société sous contrôle de l’apporteur, d’une société opérationnelle qui est ensuite cédée à une société également détenue indirectement à 50 % par l’apporteur, dans le cadre d’une réorganisation de l’actionnariat du groupe engagée afin de faire entrer au capital deux salariés de la société opérationnelle apportée puis cédée.
On retiendra que l’Administration s’est rangée à l’avis du Comité.