Le Conseil d’État vient confirmer la position de l’Administration sur la prise en compte de la valeur réelle dans le cadre de la détermination de la parité d’échange en cas d’apport partiel d’actif. À défaut, la différence entre la valeur réelle de l’apport et celle des titres reçus en échange constitue un avantage consenti par l’apporteur à la société bénéficiaire de l’apport. En cas d’apport au sein d’un groupe d’intégration fiscale, cet avantage caractérise une subvention devant faire l’objet d’une déclaration sous peine d’une amende de 5 %, applicable à l’époque du litige.
Pour mémoire, en cas d’apport partiel d’actif, le rapport d’échange vise à déterminer le nombre de titres qui seront remis par la société bénéficiaire des apports aux actionnaires de la société apporteuse pour rémunérer l’apport.
Ce rapport d’échange doit en principe être déterminé sur la base des valeurs réelles. Néanmoins, par tolérance, la doctrine administrative admet que le rapport d’échange déterminé dans le cadre d’un APA soit calculé sur la base des valeurs comptables lorsque les 4 conditions suivantes sont réunies (BOI-IS-FUS-30-20-15/04/2020 n°40) :
- l’APA est placé sous le régime de faveur des fusions
- les titres reçus par la société apporteuse en contrepartie de son apport représentent au moins 99 % du capital de la société bénéficiaire après l’apport
- la participation de la société apporteuse dans la société bénéficiaire représente au moins 99,99 % du capital de cette dernière après l’apport
- tous les titres de la société bénéficiaire des apports présentent les mêmes caractéristiques
En pratique, cette tolérance n’est susceptible de s’appliquer qu’en cas d’apport à une coquille vide.
L’histoire
Une société apporte en 2011, dans le cadre d’un apport partiel d’actif à une de ses filiales détenue à 100 %, et membre de la même intégration fiscale, les titres représentant la quasi-totalité du capital de 2 autres sociétés. Dans ce cadre, la parité d’échange a été calculée sur la base des VNC.
À l’issue d’une vérification de la comptabilité de la filiale bénéficiaire des apports, l’administration fiscale a mis à la charge de la société apporteuse l’amende de 5 % pour défaut de déclaration de l’avantage résultant de l’écart entre la valeur réelle des apports et celle des titres reçus en contrepartie (art. 1763, I-c du CGI).
Dans ce cadre, l’Administration a considéré que :
- la parité d’échange de titres ayant été établie sur la base de la VNC, elle avait été établie à un niveau sans rapport avec la valeur réelle de l’apport minorant le nombre de titres reçus par la société ayant consenti l’apport
- de ce fait, la société apporteuse avait consenti une subvention à sa filiale (sous-évaluation constitutive d’un acte anormal de gestion et d’une libéralité accordée à la société filiale en tant que revenu distribué taxable en vertu de l’article 111 du CGI)
L’affaire est portée devant le TA de Paris qui rejette la demande de la société tendant à la décharge de cette amende de 5 %. En appel, la CAA de Paris confirme le jugement du TA. La société apporteuse se pourvoit donc en cassation.
Le litige porte uniquement sur le bien-fondé de cette amende – bien que la portée pratique de la décision aille désormais au-delà. Il s’agit de savoir, lorsque l’opération d’apport partiel d’actifs est réalisée entre sociétés d’un même groupe fiscalement intégré, si la différence entre la valeur réelle des actifs apportés et la valeur réelle des titres reçus en échange doit-être regardée comme une subvention, au sens de l’article 223 B du CGI, devant être déclarée sous peine d’une amende de 5 % basée sur le montant des sommes omises ?
La décision
Dans ce contexte, le Conseil d’État rappelle que l’article 223 Q al. 1 du CGI, dans sa version applicable au litige, prescrit de joindre à la déclaration du résultat d’ensemble d’un groupe fiscal intégré un état des rectifications apportées au résultat d’ensemble à raison des abandons de créances ou des subventions directes ou indirectes consentis entre sociétés du groupe. Cette obligation déclarative a pour objet de permettre à l’administration fiscale de suivre les mouvements financiers à l’intérieur du groupe quand bien même ces mouvements seraient sans incidence tant sur le résultat des sociétés du groupe, déterminé dans les conditions de droit commun, que sur le résultat d’ensemble du groupe.
Il indique également qu’en cas d’apport à une société d’un bien constituant un élément de son actif immobilisé inscrit comme tel à son bilan, la cession de ce bien est génératrice d’une PV ou d’une MV égale à la différence entre :
- la valeur réelle, à la date de l’apport, des titres remis au cédant en contrepartie de l’apport, et
- la valeur nette pour laquelle le bien apporté figurait à son bilan de clôture de l’exercice précédant l’apport
Il précise que lorsque la valeur réelle du bien apporté est supérieure à celle des titres reçus en contrepartie, la différence ainsi constatée doit être regardée comme une renonciation à la réalisation de la PV correspondante et, par suite, comme un avantage consenti par l’apporteur à la société bénéficiaire de l’apport.
De la même manière, il retient que lorsqu’une société d’un groupe fiscalement intégré apporte à une autre société du groupe des titres de participation, la différence positive entre la valeur réelle des titres apportés et celle des titres reçus en contrepartie, traduit une insuffisante rémunération de la société apporteuse.
Cette insuffisante rémunération doit, alors même que la minoration du nombre de titres émis en contrepartie de l’apport est sans incidence sur l’actif net de la société bénéficiaire de cet apport, être regardée comme une subvention de la société apporteuse à la société bénéficiaire de l’apport. Cette subvention est soumise aux obligations déclaratives prévues par les articles 223 B et 223 Q du CGI alors applicables à l’époque du litige.
Dans la logique de sa décision de Plénière Société Cérès (n°387071, du 9 mai 2018), le Conseil d’État refuse donc d’adopter un raisonnement économique et confirme que la circonstance que l’avantage consenti par la société apporteuse aurait eu pour contrepartie un accroissement de la valorisation de sa filiale n’est pas de nature à retirer à cet avantage son caractère de subvention.
On notera enfin que depuis le 1er janvier 2019, les subventions entre sociétés membres d’une même intégration fiscale ne font plus l’objet d’une neutralisation. Par conséquent, l’amende de 5 % visée n’a plus vocation à s’appliquer aux subventions intragroupes constatées après cette date.
De la sorte, lorsque les conditions de la tolérance posées par la doctrine administrative sur la prise en compte de la VNC ne sont pas remplies, il ne peut qu’être recommandé de déterminer la parité d’échange sur la base de la valeur réelle.