Un nouvel arrêt du Conseil d’Etat réaffirme la charge de la preuve incombant à l’administration fiscale en matière d’application de l’article 57 du Code général des impôts, et traite plus particulièrement de la possible déduction des subventions d’Etat en matière de recherche et développement de la base de coûts à facturer à une société étrangère liée.
En l’espèce, la société Philips France exerce une activité de recherche portant sur des projets relatifs à des composants électroniques et des semi-conducteurs, et s’est engagée à céder à sa société mère de droit néerlandais, NPK NV, la propriété des droits incorporels non brevetables issus de son activité de recherche aux termes d’un contrat dit de « General Services Agreement ».
Au titre de cette activité de recherche, la société Philips France perçoit de l’Etat des subventions issues du fonds de compétitivité des entreprises ainsi que des sommes au titre du crédit d’impôt recherche. Conformément au contrat qui lie la société française et sa maison mère, le prix du service est égal au coût de revient des opérations de recherche augmenté d’une marge de 10 %. Sans que cela soit précisé dans le contrat intra-groupe, la société française déduit du coût de revient le montant des subventions reçues de l’Etat et du crédit d’impôt recherche.
L’administration fiscale a alors estimé que cette déduction induisait un transfert indirect de bénéfices à l’étranger au sens de l’article 57 du Code général des impôts et a rehaussé les résultats en conséquence.
La société Philips France avait saisi le tribunal administratif de Montreuil qui a rejeté sa demande par un jugement n°1206254 du 1er juillet 2014, puis la cour administrative d’appel de Versailles qui a fait droit à ses conclusions tendant au rétablissement de ses déficits reportables dans un arrêt n°14VE02651 en date du 11 octobre 2016. La cour administrative d’appel de Versailles a jugé qu’à défaut d’avoir présenté des termes permettant de comparer valablement les prix facturés par la société Philips France à sa mère néerlandaise et ceux pratiqués entre entreprises indépendantes, l’Administration, qui ne proposait aucune méthode alternative pouvant se substituer à cette comparaison, n’apportait pas la preuve que les sommes déduites du coût de revient constituaient des bénéfices indûment transférés à l’étranger au sens de l’article 57.
Dans son arrêt en date du 19 septembre 2018 (n°405779), le Conseil d’Etat confirme cette solution en indiquant que « la déduction opérée par une société française, pour la détermination du prix de cession du produit de sa recherche à facturer à une société étrangère qui lui est liée en application d’un contrat prévoyant une rémunération du type de celle prévue par le « General Services Agreement », des subventions qu’elle avait reçues de l’Etat pour le financement des projets correspondants ne saurait être considérée comme permettant, par elle-même et indépendamment du niveau de prix de cession auquel cette déduction conduit par application du mode de calcul contractuel, de présumer l’existence d’un transfert de bénéfices à l’étranger ».
Dès lors, cet arrêt réaffirme que l’administration fiscale ne saurait appliquer valablement l’article 57 sans démontrer l’existence d’un transfert de bénéfice au profit d’une entité étrangère liée. Au cas particulier, la déduction des subventions de la base de coûts n’étant pas un avantage anormal par nature, l’administration fiscale aurait dû opérer une comparaison des prix facturés avec ceux pratiqués entre entreprises indépendantes et en particulier démontrer que des entreprises indépendantes n’auraient pas réduit leurs prix à concurrence des éventuelles subventions et du crédit d’impôt recherche reçus.