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Cession de titres à prix minoré : Reconstitution préalable de la valeur vénale des actions cédées

La CAA de Paris apporte des précisions nouvelles quant aux modalités de détermination de la valeur vénale de titres de sociétés non cotées dans le cadre d’une cession.

Rappel

On sait que, lorsque l’Administration établit que la cession d’un élément d’actif a été réalisée à un prix manifestement minoré (existence d’un « écart significatif » entre le prix de vente et la valeur vénale), l’intention libérale est présumée.

C’est alors au contribuable de justifier que l’appauvrissement en résultant a été effectué dans son intérêt, soit qu’il se soit trouvé dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu’il en ait tiré une contrepartie (21 décembre n°402006, Sté Croë Suisse, rapidement confirmée à plusieurs reprises, notamment CE, 6 février 2019, n°410248, SARL Alternance et 15 février 2019, n°407531, SARL Hulia).

L’histoire

En 2012, une société a cédé les titres de sa filiale, société non cotée, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de spécialités chimiques pour l’industrie du cuir, à une autre société liée. Les sociétés cédante et cessionnaire étaient détenues, respectivement, par un père et ses 2 fils.

L’Administration a considéré que les titres avaient été cédés à un prix significativement inférieur à leur valeur réelle, et que l’écart entre le prix de vente et le prix rectifié était, par suite, constitutif d’une libéralité.

La décision de la CAA de Paris

Sur la reconstitution de la valeur vénale des actions cédées

La CAA de Paris rappelle, d’abord, de manière classique, que la valeur vénale des actions non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte-tenu de tous les éléments dont l’ensemble permet d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date où la cession ou l’apport est intervenu.

Cette valeur doit être établie prioritairement par comparaison avec des transactions contemporaines portant sur des titres de la société ou de sociétés similaires ; à défaut d’existence d’un tel comparable, l’Administration peut se fonder sur l’une des méthodes destinées à déterminer la valeur de l’actif ou sur la combinaison de plusieurs de ces méthodes (voir notamment CE, 21 octobre 2016, n°390421).

Au cas d’espèce, faute de termes de comparaison pertinents, l’Administration a calculé la valeur mathématique, puis la valeur de productivité, avant de combiner ces 2 méthodes d’évaluation selon une pondération privilégiant à hauteur des 2/3 la valeur mathématique.

La Cour relève toutefois que la valeur de productivité a été calculée en appliquant au résultat net courant de la société des multiples ou taux tirés du marché, qu’il s’agisse du taux sans risque, de la prime de risque historique ou du coefficient de risque propre à l’entreprise évaluée.

Aussi, aucune des méthodes d’évaluation ne tient compte, par elle-même, de l’étroitesse du marché de ces titres non cotés sur un marché réglementé et de leur défaut subséquent de liquidité.

La circonstance que l’approche mathématique et l’approche par la rentabilité aient été combinées ne suffit pas davantage à inclure dans l’évaluation de la valeur vénale ainsi obtenue la perte résultant pour de tels biens de l’impossibilité de les convertir immédiatement en liquidités sur un marché organisé.

En outre, aucun mécanisme particulier ne permettait de compenser la faible liquidité des titres. A cet égard, la Cour souligne que la circonstance que la cession ait porté sur une part majoritaire des titres ne supprime pas, à elle seule, leur moindre liquidité pour l’acquéreur.

Elle en conclut dès lors que la société cédante revendiquait, à bon droit, l’application d’une décote de 30 % en raison de la faible liquidité des titres cédés, la taille de la société et sa dépendance à ses dirigeants sur la base d’un certain nombre d’éléments (société de petite taille exerçant son activité sur un marché international extrêmement concurrentiel, dominé par de grandes entreprises disposant d’un savoir-faire au moins équivalent, absence d’exploitation de brevet ou de contrats d’exclusivité avec ses distributeurs à l’étranger, risque de substitution de ses produits par ceux de ses concurrents, petite taille de ses partenaires étrangers, exposition à des risques de perte de change et de défaut de paiement notamment ..).

Sur l’existence d’un écart significatif entre le prix de cession et la valeur vénale des titres

La Cour juge ensuite que la valeur vénale des titres, telle qu’évaluée par l’Administration et après application de la décote de 30 %, excède de moins de 15 % le prix de cession constaté (lui-même au demeurant très proche de la valeur mathématique calculée par l’Administration et retenue à hauteur de 2/3 dans sa pondération).

Elle en conclut que l’écart de prix ne présente pas un caractère significatif et n’est, dès lors, pas constitutif d’une minoration de prix relevant d’une gestion commerciale anormale.

Rappelons que le juge de l’impôt considère, en règle générale, qu’un écart significatif est un écart avoisinant au moins les 20 % (CE, 3 juillet 2009, n°301299 ou encore CE, 31 mars 2010, n°297307).

Toutefois, le Conseil d’État est venu récemment nuancer cette position, en jugeant – implicitement – qu’un écart inférieur à 20 % pouvait, sous certaines conditions, constituer un écart significatif (CE, 26 octobre 2021, n°426461).

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