La CAA de Versailles juge, à son tour, que, pour l’application des dispositions de l’article 1518 B du CGI, la notion de contrôle doit s’apprécier par référence aux dispositions de l’article L. 233-3 du Code de commerce, de sorte qu’elles sont susceptibles de s’appliquer en cas de contrôle conjoint exercé par des concertistes.
Rappel
La valeur locative retenue dans la base d’imposition de la CFE (comme pour l’établissement de la taxe foncière) est, pour certains biens et pour certains contribuables, déterminée à partir de leur prix de revient, laquelle se trouve modifiée en cas d’acquisition auprès d’un autre redevable.
Aussi, les dispositions de l’article 1518 B du CGI prévoient que la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d’apports, de scissions, de fusions de sociétés, de TUP ou de cessions d’établissements ne peut être inférieure, selon la situation, à un montant compris entre 100 % et 50 % de son montant avant l’opération (mécanisme dit de la « valeur locative plancher »).
Pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2011 (1er janvier 2010 pour la seule CFE), la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure à 100 % de son montant avant l’opération lorsque, « directement ou indirectement, l’entreprise cessionnaire ou bénéficiaire de l’apport contrôle l’entreprise cédante, apportée ou scindée ou est contrôlée par elle, ou que ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise » (CGI, art. 1518 B, al. 11 et 12).
Les dispositions de l’article 1518 B n’explicitent pas cette notion de contrôle.
Le Conseil d’Etat a toutefois récemment posé le principe selon lequel, pour l’application de ces dispositions, la notion de contrôle doit s’entendre par référence à l’article L. 233-3 du Code de commerce – alors même que l’article 1518 B du CGI n’y renvoie pas expressément (CE, 13 juillet 2023, n°460743).
L’histoire
En 2015, une société exerçant une activité de construction aéronautique et spatiale est créée par 2 groupes, qui la détiennent à parts égales.
En 2016, la filiale de l’un de ses deux actionnaires lui transfère la propriété d’un établissement industriel dans le cadre d’un apport partiel d’actif.
L’Administration, considérant que la société était contrôlée par ses 2 actionnaires – et donc notamment par la société apporteuse – a entendu faire application du mécanisme de la valeur locative plancher au taux de 100 % pour la détermination de la valeur locative afférente à cet établissement industriel (pour l’établissement de la CFE).
La décision de la CAA de Versailles
Reprenant le considérant de principe dégagé par le Conseil d’Etat dans sa décision SA Ariane Group de 2023, la CAA de Versailles juge, à son tour, que la notion de contrôle mentionnée à l’article 1518 B du CGI doit s’apprécier par référence aux dispositions de l’article L. 233-3 du Code de commerce, lesquelles visent notamment l’hypothèse d’un contrôle conjoint exercé par des concertistes.
Rappelons qu’en application des dispositions de l’article L. 233-3, II du Code de commerce, « deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu’elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale ».
Au cas d’espèce, la Cour juge que les 2 actionnaires de la société requérante détenaient chacun 50 % des droits de vote attachés à ses actions, sans qu’il soit établi que cette égalité était altérée par des dispositions statutaires ou conventionnelles.
En outre, elle relève que la création de la société requérante, en 2015, résultait d’un accord entre ses 2 actionnaires, afin de mettre en œuvre une politique commune consistant à réorganiser la filiale européenne des lanceurs spatiaux civils et militaires, et qu’ils s’étaient, à cette occasion, imposés d’y coordonner l’exercice de leurs droits de vote pour l’ensemble des décisions stratégiques de cette société.
Elle en conclut que ces 2 actionnaires pouvaient ainsi être regardés comme agissant de concert et déterminant en fait les décisions prises en assemblée générale.
Dès lors, elle considère que la société requérante devait être regardée comme contrôlée par la société apporteuse, et confirme l’application du mécanisme de la valeur locative plancher pour la détermination de sa CFE.