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Conditions de déduction d’une provision pour créances douteuses

La CAA de Bordeaux juge que l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la caution solidaire de l’emprunteur autorise la constitution d’une provision pour créances douteuses.

Rappel

Pour être fiscalement déductible, une provision doit, en application de l’article 39,1-5° du CGI, satisfaire aux conditions suivantes :

On notera que le Conseil d’État fait parfois également référence à l’existence d’un lien direct entre les pertes ou charges provisionnées et les opérations de toute nature déjà effectuées à la clôture de l’exercice par l’entreprise (notamment CE, 10 janvier 1992, n°80825 ; CE 23 novembre 2015, n°372067).

L’histoire

En février 2009, une société consent un prêt à une personne physique, pour un montant de 350 k€ à rembourser avant le 25 octobre 2009.

L’emprunteur lui fournit, dans ce cadre, une caution solidaire, qui se trouve être la société dont il est l’unique associé et gérant.

L’emprunteur n’ayant pas remboursé le prêt à échéance, la société lui a envoyé 2 lettres de rappel (en décembre 2009 et janvier 2010), avant de saisir le TGI de Paris en juillet 2010, afin de le voir condamner au remboursement, condamnation obtenue en janvier 2011.

En parallèle, la société a pris des hypothèques sur des biens immobiliers appartenant au débiteur et a perçu, en décembre 2011, à la suite de la vente de l’un de ces biens, environ 50 k€.

Constatant que 2 ans après l’échéance du prêt et malgré la décision rendue en sa faveur par le TGI de Paris et la prise d’hypothèque, elle n’avait toujours pas pleinement recouvré sa créance, la société a constaté comptablement au titre de l’exercice clos en 2011 via une provision la dépréciation de sa créance, dont elle a modulé le montant au titre des exercices 2012, 2013 et 2014, au gré des remboursements partiels dont elle a bénéficié.

Le redressement

A l’issue d’un contrôle portant sur les exercices 2012, 2013 et 2014, l’Administration a refusé la déductibilité de la provision au titre des exercices contrôlés, estimant qu’à la date du 31 décembre 2011, la perte n’était pas probable, l’emprunteuse disposant d’une caution solidaire. Les juges de 1re instance se sont ensuite rangés à sa position.

La décision de la CAA

La Cour rappelle d’abord les conditions générales de déduction d’une provision – et fait mention de la condition, plus rarement utilisée, tenant à l’existence d’un lien direct entre la perte ou la charge provisionnée et les opérations de toute nature déjà effectuées à la date de constitution de la provision par l’entreprise.

Elle censure ensuite l’analyse du TA de Toulouse, et relève que la société caution solidaire a été placée en redressement judiciaire en février 2010, puis en liquidation judiciaire en juin 2010 (soit bien avant la constitution de la provision litigieuse).

La Cour rappelle à cet égard que l’ouverture d’une procédure judiciaire à l’encontre d’une société débitrice autorise la constitution d’une provision pour créances douteuses (dans le même sens, CE, 17 avril 2015, n°371467, Sté Promotion des jeux de l’esprit).

Autrement dit, la Cour ne semble pas faire de distinction ici selon qu’il s’agisse du débiteur lui-même ou de sa caution solidaire – étant rappelé que les multiples démarches effectuées à l’encontre du débiteur se sont avérées vaines.

La Cour précise également qu’il importe peu que la société créancière n’ait pas effectué la déclaration de sa créance dans le délai légal de 2 mois suivant la publication du jugement plaçant la caution en redressement judiciaire.

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