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Convention de management fees et absence d’acte anormal de gestion

Prélèvement à la source : et les salaires exceptionnels ?

La CAA de Versailles fait application des principes dégagés par le Conseil d’Etat dans sa décision Collectivision du 4 octobre 2023, et juge à son tour que le versement d’honoraires en exécution d’une convention de management conclue entre 2 sociétés ayant des dirigeants communs n’est pas, en soi, constitutive d’un acte anormal de gestion.

Éléments de contexte

On sait que l’Administration est susceptible de remettre en cause, sur le terrain de l’acte anormal de gestion, la déductibilité des sommes versées par une filiale à sa société mère en exécution d’une convention de management à défaut de justification des prestations rendues ou de leur rémunération au juste prix.

Ces redressements ont été confirmés à plusieurs reprises par des juridictions du fond. En particulier, dans l’affaire Gamlor, la CAA de Nancy avait pu juger que les sommes n’étaient pas déductibles en tant que charges, dans la mesure où les prestations ainsi facturées correspondaient à l’activité déployée par le dirigeant commun des 2 sociétés pour l’exercice des fonctions normales inhérentes à son mandat social. Elle avait précisé, à cet égard, que la décision de la filiale de ne pas rémunérer son dirigeant constituait une décision de gestion opposable à la société (CAA Nancy, 9 octobre 2003, n°98-2182, SA Gamlor).

Récemment, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer, pour la 1re fois, sur la question, en jugeant que le versement d’honoraires en exécution d’une convention de management conclue entre 2 sociétés ayant des dirigeants communs n’était pas, en soi, constitutif d’un acte anormal de gestion (Conseil d’Etat, 4 octobre 2023, n°466887, Collectivision).

L’histoire

Deux sociétés ont conclu une convention, portant sur des prestations de management (gestion administrative et financière, direction commerciale et d’exploitation) réalisées par un dirigeant commun, exerçant, respectivement, les fonctions de président de la société vérifiée (fonction pour laquelle il ne percevait qu’une rémunération symbolique) et de gérant de la société prestataire.

L’Administration a remis en cause, au titre des exercices 2014 à 2016, la déduction des honoraires versés dans ce cadre, sur le terrain de l’acte anormal de gestion.

Elle faisait notamment valoir que les prestations facturées relevaient des fonctions de décisions, responsabilité, stratégie et représentation incombant au dirigeant de la société vérifiée, avec lesquelles elles faisaient double emploi et ne correspondaient pas à des prestations techniques spécifiques distinctes.

Elle soulignait, en outre, que la société vérifiée employait le personnel suffisant pour accomplir l’ensemble de ces missions, alors que la société prestataire ne disposait que d’un seul salarié.

La décision de la CAA de Versailles

La CAA de Versailles reprend d’abord, in extenso, le considérant de principe dégagé par le Conseil d’Etat dans sa décision Collectivision précitée.

Elle juge ainsi que la conclusion par une société d’une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant des fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues ne relève pas d’une gestion commerciale anormale si cette société établit que ses organes sociaux compétents ont entendu en réalité, par le versement des honoraires, rémunérer indirectement le dirigeant et qu’ainsi ce versement n’est pas dépourvu pour elle de contrepartie, le choix d’un mode de rémunération indirect ne caractérisant pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à son intérêt.

Elle décline ensuite ces principes au cas d’espèce et relève que le président de la société vérifiée ne percevait d’elle qu’une rémunération excessivement symbolique en cette qualité, tandis que les honoraires facturés au titre des prestations litigieuses s’élevaient à 300 k€ par an.

En outre, la société vérifiée apportait la preuve qu’avant la conclusion de la convention de management fees, elle supportait un coût salarial équivalent (de l’ordre de 300 k€) au titre de la rémunération de son président pour ses fonctions.

Autrement dit, elle établissait bien que ses organes sociaux avaient entendu, par le versement des honoraires correspondant aux prestations litigieuses, rémunérer indirectement son dirigeant, de sorte que ce versement n’est pas dépourvu pour elle de contrepartie – l’Administration n’ayant pas remis en cause la réalité de ces prestations ou regardé les rémunérations versées à ce titre comme étant excessives.

Il convient toutefois de demeurer prudent : la CAA de Versailles prend le soin de souligner que l’Administration ne s’est, à aucun moment de la procédure, fondée sur la nullité de la convention.

Rappelons qu’au plan du droit civil, la Cour de cassation a jugé, par le passé, que des conventions de management conclues entre 2 sociétés ayant des dirigeants communs étaient nulles pour « absence de cause » (Cass. com., 14 septembre 2010, n°09-16.084 et 23 octobre 2012, n°11-23.376).

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