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Convention franco-britannique : application du mécanisme du crédit d’impôt aux prélèvements sociaux même en l’absence d’imposition effective au Royaume-Uni

Dans un avis rendu le 12 février 2020 (CE, avis, 12 février 2020, n° 435907), le Conseil d’État confirme, sur la base des dispositions de la convention fiscale franco-britannique (convention du 19 juin 2008 article 24, § 3, a)), le bénéfice du crédit d’impôt français aux contributions sociales françaises assises sur les revenus fonciers d’origine britannique d’un couple résident fiscal de France, alors même que ces revenus n’ont pas été effectivement imposés au Royaume-Uni.

Pour mémoire, les conventions fiscales peuvent recourir à diverses méthodes afin d’éliminer les situations de double imposition. Parmi ces méthodes, figure celle dite du « faux crédit d’impôt » qui consiste à inclure les revenus de source étrangère d’un résident fiscal français dans la base de ses revenus imposables en France. De ce premier calcul d’impôt français, est ensuite déduit un crédit d’impôt égal au montant de l’impôt français calculé sur le revenu étranger. Cette technique a pour objectif d’exonérer d’impôt en France les revenus de source étrangère tout en préservant la progressivité de l’impôt. In fine, ce mécanisme permet donc de prendre en considération la capacité contributive du contribuable : en intégrant au titre de son revenu global les revenus de source française et étrangère sans toutefois générer de double imposition.

Dans cette logique, il résulte des stipulations de la convention franco-britannique que le bénéficiaire de revenus imposables, de manière exclusive ou non, au Royaume-Uni peut obtenir un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français dans lequel ils sont compris, « à condition que le résident de France soit soumis à l’impôt du Royaume-Uni à raison de ces revenus » (article 24, § 3, a)).

Dans ce cadre, il revient au Royaume-Uni d’imposer les revenus d’un couple résident fiscal français provenant de la location d’un bien immobilier au Royaume Uni. Cependant, en l’espèce, l’impôt n’a pas été acquitté au Royaume-Uni, les requérants se situant en dessous du seuil de recouvrement de l’impôt.

Les revenus de source britannique sont également déclarés en France. L’administration fiscale française accorde aux requérants le crédit d’impôt conventionnel équivalent à l’impôt français sur ces revenus de source étrangère. Elle refuse en revanche de leur octroyer un crédit d’impôt égal au montant des prélèvements sociaux français assis sur ces mêmes revenus au motif qu’ils n’ont pas été soumis à une imposition similaire au Royaume-Uni. L’Administration estime que le crédit d’impôt conventionnel permet uniquement de gommer l’impôt sur le revenu français, à l’exclusion des prélèvements sociaux.

Avant de statuer sur le litige, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a adressé une demande d’avis au Conseil d’État relative à la mise en œuvre du crédit d’impôt égal à l’impôt français prévu par la convention franco-britannique, en faveur des résidents fiscaux français (convention franco-britannique, article 24 § 3) et lui soumet à ce titre six questions :

Question n° 1

Les termes de la convention fiscale « nonobstant toute autre disposition de la présente Convention » [article 24 § 3, a) de la convention] permettent-ils à la France, s’agissant des résidents de France personnes physiques, de ne pas appliquer le crédit d’impôt prévu aux contributions sociales françaises, dans la mesure où aucun impôt sur le revenu ou un élément du revenu de nature équivalente n’existe au Royaume-Uni ?

En réponse, le Conseil d’État précise que les termes « 3. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont éliminées de la manière suivante : / a) nonobstant toute autre disposition de la présente Convention » signifient qu’alors même que d’autres stipulations de la convention prévoient que certains revenus sont imposables ou ne sont imposables qu’au Royaume Uni, ces revenus peuvent néanmoins être pris en compte pour le calcul de l’impôt français. Cette formule ne saurait donc permettre à la France, s’agissant des résidents de France personnes physiques, d’exclure du bénéfice du crédit d’impôt les contributions sociales françaises, au motif qu’aucun impôt sur le revenu ou sur un élément du revenu de nature équivalente n’existe au Royaume-Uni.

Question n° 2

Si la précédente question appelle une réponse négative, l’objectif visé par la méthode de détermination du crédit d’impôt prévu [article 24 § 3, a), (i) de la convention], consistant à permettre à la France de préserver la progressivité de l’impôt sur le revenu et d’imposer les revenus imposables en France en application de la convention comme si les autres revenus y étaient également imposables implique-t-il que le crédit d’impôt en cause ne soit appliqué qu’aux impôts français concernés présentant un caractère progressif ?

Le Conseil d’État rappelle, à ce titre, qu’aucune des stipulations de l’article 24 § 3, a), (i) de la convention ne permet de restreindre le bénéfice du crédit d’impôt égal au montant de l’impôt français aux seuls revenus relevant d’un barème progressif d’imposition. Il souligne d’ailleurs que la convention prévoit expressément à l’article 24 § 3, b) les modalités de détermination du crédit d’impôt selon que l’impôt dû en France est proportionnel ou progressif.

Cf. article 24 § 3, b) : « […] l’expression « montant de l’impôt français correspondant à ces revenus » désigne :

Question n° 3

Si la précédente question appelle une réponse positive, les revenus de source britannique en cause doivent-ils néanmoins être déclarés pour l’assiette des contributions sociales françaises, nonobstant toute autre disposition de la convention, sans ouvrir droit à crédit d’impôt ?

La question n° 2 a donné lieu à une réponse négative, cette question est donc dépourvue d’objet.

Questions n° 4 et 5

La condition tenant à ce que les revenus, pour ouvrir droit à un crédit d’impôt, doivent être soumis à l’impôt du Royaume-Uni [article 24 § 3, a), (i) de la convention], implique-t-elle, s’agissant des contributions sociales françaises, qu’aucun crédit d’impôt ne soit accordé aux résidents de France personnes physiques percevant des revenus de source britannique, s’il n’est pas établi par l’intéressé qu’il a effectivement acquitté un impôt sur le revenu au Royaume-Uni à raison de ces revenus ? En cas de réponse positive, la condition en cause doit-elle être appliquée dans les mêmes conditions à l’impôt sur le revenu français ?

Ce point avait, semble-t-il, précédemment divisé les juges du fond qui ont pu :

De son côté, le Conseil d’État interprète les stipulations de l’article 24 de la convention fiscale franco-britannique, en ce sens que, la condition qui tient à ce que le résident de France soit soumis à l’impôt du Royaume-Uni, pour que ses revenus lui ouvrent droit à un crédit d’impôt égal au montant de l’impôt français correspondant à ces revenus [du § 3, a) alinéa (i)], signifie que les revenus en cause doivent être compris dans la base de  » l’impôt du Royaume-Uni  » au sens de l’article 2 § 1, a) de la convention, c’est à-dire sans que le résident de France en soit exonéré à raison de son statut ou de son activité.

Il précise ainsi que cette condition n’exige pas que les revenus en cause aient été soumis à une imposition effective. Dès lors, pour les contributions sociales françaises – qui font partie de  » l’impôt français  » tel que défini à l’article 2 § 1, b) de la convention – aucune stipulation de l’article 24 ne subordonne l’octroi d’un crédit d’impôt égal à leur montant à ce que les revenus soumis à ces contributions aient été compris dans la base d’un impôt équivalent ou similaire au Royaume-Uni.

Par ailleurs, comme le souligne Madame le Rapporteur public, Marie-Astrid de Barmon, dans ses conclusions : « Il faut seulement que ces revenus aient été soumis « à l’impôt du Royaume-Uni », c’est-à-dire à l’une des impositions, dont l’Income Tax, énumérées à l’article 2 § 1 de la convention comme constituant indistinctement « l’impôt du Royaume-Uni » au sens de la convention. Par conséquent, l’absence au Royaume-Uni d’impôts équivalents aux prélèvements sociaux français ne saurait justifier qu’aucun crédit d’impôt ne soit accordé au titre de la CSG et de la CDRS calculées sur les revenus britanniques concernés. »

Cette position du Conseil d’État rejoint, en ce point, celle retenue par Bruno Gouthière (Les impôts dans les affaires internationales, 13e édition, n° 83780), selon laquelle, le « faux crédit d’impôt » a vocation à s’appliquer même en l’absence d’imposition effective/en cas d’exonération du revenu dans l’État de source – sauf à ce que la convention en dispose autrement. De la même manière, ainsi que le relève le Rapporteur public, nous retrouvons notamment une condition similaire dans :

Question n° 6

Si la question ci-dessus appelle une réponse négative, la condition en cause doit-elle être regardée comme étant satisfaite s’il est établi par l’intéressé qu’il a déclaré les revenus de source britannique pour l’assiette de l’impôt sur le revenu au Royaume-Uni, alors même qu’il n’aurait acquitté dans cet État aucun impôt à raison de ces revenus ?

A cet égard, le Conseil d’État confirme que cette condition doit être regardée comme satisfaite s’il est établi par le résident de France qu’il a déclaré les revenus en cause au Royaume-Uni, et que dès lors, ces revenus étaient compris dans la base de l’un des impôts énumérés par la convention [article 2 § 1, a)], alors même qu’il n’aurait acquitté aucun impôt à raison de ces revenus dans ce même État.

En pratique, il conviendra de bien analyser les dispositions de la convention fiscale en cause pour savoir si cette interprétation des stipulations de la convention franco britannique, par le Conseil d’État, est transposable aux prélèvements sociaux qui pourraient être réclamés à un contribuable résident fiscal de France disposant de revenus de source étrangère.

De même, dans le sens inverse, il faut garder à l’esprit que l’Administration mentionne dans sa doctrine que la CSG et la CRDS doivent être assimilées à l’impôt sur le revenu et que les personnes physiques domiciliées fiscalement hors de France sont fondées à demander à leur État de résidence l’imputation de ces prélèvements sociaux sur l’impôt acquitté localement dans les conditions prévues par la convention applicable dès lors que les conventions fiscales sont silencieuses sur ce point. Néanmoins, comme elle le souligne, la convention fiscale du 19 juin 2008 liant la France et le Royaume-Uni écarte, quant à elle, expressément la possibilité d’imputer la CSG et la CRDS sur l’impôt prélevé au Royaume-Uni (alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 24 de la convention) (BOI-INT-DG-20-20-100 n° 110, 3 juin 2016).

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