Dans un arrêt du 16 juin 2020 (N° 18BX02182, Sté Bonita) concernant le cas d’un contrat de crédit-bail mobilier portant sur un bateau, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux fait application de la jurisprudence communautaire « MBFS » (CJUE, C‑164/16, 4 octobre 2017, Mercedes-Benz Financial Services UK Ltd) relative à la qualification au regard de le TVA des contrats de location avec option d’achat.
Reprenant à son compte le critère du « choix économiquement rationnel » développé par la CJUE, la Cour de Bordeaux considère qu’en cas de signature d’un contrat de crédit-bail, lorsqu’il peut être déduit des conditions financières du contrat que l’exercice de l’option d’achat apparaît comme le seul choix économiquement rationnel que le preneur sera susceptible de faire le moment venu si le contrat est exécuté jusqu’à son terme, l’opération doit être considérée comme une livraison de bien rendant la TVA exigible dès la remise matérielle du bien.
Il s’agit à notre connaissance du premier cas d’application de cette décision communautaire par la jurisprudence nationale.
Au cas particulier, l’enjeu principal de l’affaire était celui de l’application des règles de territorialité et de la question de savoir si la déduction de la TVA française facturée au locataire lors de l’exercice de l’option d’achat pouvait être rejetée au motif que le bateau n’était plus situé en France à ce moment-là, une TVA facturée à tort n’étant pas déductible.
Pour considérer que l’exercice de l’option d’achat par le locataire devait être regardé comme un choix économiquement rationnel au sens de la jurisprudence MBFS, la Cour de Bordeaux relève que les échéances prévues au contrat de crédit-bail s’élevaient au total à un montant supérieur à la valeur vénale du bateau (prix du bateau fixé dans le contrat). Dès lors, la mise à disposition du bateau effectuée en France devait être regardée comme correspondant à la livraison de ce bien au regard de la TVA. Ainsi, la localisation du bateau au moment de la levée d’option n’était pas pertinente pour déterminer le lieu de taxation.
Au-delà de cette affaire particulière qui concernait une question territorialité, l’application de la jurisprudence « MBFS » emporte des conséquences touchant l’ensemble du régime de TVA applicable en droit à ce type de contrat.
Pour mémoire, l’administration fiscale n’a pas commenté l’arrêt « MBFS » et la doctrine administrative prévoit toujours que la remise d’un bien corporel n’est pas considérée comme une livraison de biens lorsqu’elle intervient en vertu d’un contrat de crédit-bail : contrat qui s’analyse en une location assortie pour le preneur d’une simple faculté d’achat moyennant un prix convenu qui tient compte des versements effectués au titre des loyers (BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-10, n° 90 et BOI-TVA-IMM-10-30-20160302 n° 240 & s.).
On observe que la jurisprudence communautaire finit toujours par s’inviter dans la discussion lorsque le contribuable n’a pas intérêt à opposer la doctrine administrative.