La Cour de cassation juge que le changement de forme d’une société, réalisé préalablement à la cession de ses titres, est opposable à l’Administration dans le cadre de la liquidation des droits d’enregistrement relatifs à cette cession, alors même que les formalités de publicité de la transformation n’auraient pas été réalisées antérieurement à la date de la cession / de la présentation à l’enregistrement.
Rappel
En application des dispositions de l’article 726 du CGI, les cessions à titre onéreux de droits sociaux donnent lieu au paiement de droits d’enregistrement dont le montant varie selon la nature des titres cédés :
- Les cessions d’actions, de parts de fondateurs ou de parts bénéficiaires sont soumises à un droit de 0,1 % (antérieurement au 1er août 2012, les cessions d’actions étaient soumises à des droits d’enregistrement selon un barème dégressif par tranches dont les taux étaient fixés à 3 % jusqu’à 200 000 €, 0,5 % entre 200 000 € et 500 m€ et 0,25 % au-delà) ;
- Les cessions de parts sociales dans les sociétés dont le capital n’est pas divisé en actions sont soumises à un droit de 3 % ;
- Les cessions de participations dans des sociétés à prépondérance immobilière sont soumises à un droit de 5 %, qu’il s’agisse d’actions ou de parts sociales.
L’Administration, comme la Cour de cassation, ont par ailleurs indiqué que la transformation régulière d’une SARL en SA, suivie de la cession des actions de la SA, devait être considérée comme une cession d’actions et non comme une cession de parts sociales, ne relevant pas du champ de la procédure des abus de droit, sauf dans le cas où la SA reviendrait ensuite à sa forme antérieure de SARL (BOI-ENR-DMTOM-40-10-10, 24 avril 2024, n°70 ; Cass. com., 10 décembre 1996, n°94-20.070).
L’histoire
Le 24 juillet 2012, une SARL a été transformée en SAS par une décision d’AGE. Cette transformation a donné lieu à la mise en place d’un registre des mouvements de titres au nom de la SAS.
Le lendemain, les titres de la SAS ont été acquis par une société tierce et le registre des mouvements de titres a été complété en conséquence.
La déclaration de cession de droits sociaux a été déposée quelques jours plus tard auprès du service des impôts compétent et a donné lieu au paiement des droits d’enregistrement par l’acquéreur, selon le barème dégressif en 3 tranches applicable aux cessions d’actions réalisées antérieurement au 1er août 2012.
Les formalités de publicité de la transformation de la SARL en SAS ont été, quant à elles, réalisées ultérieurement :
- Août 2012 : enregistrement du PV de délibération de l’AGE de transformation auprès du SIE ;
- Septembre 2012 : publication dans un journal d’annonces légales du PV de délibération de l’AGE de transformation et déclaration du changement de forme auprès du greffe du tribunal de commerce (publication au RCS) ;
- Octobre 2012 : publication des opérations de transformation au BODACC.
Les formalités de publicité de la transformation de la société n’ayant pas été réalisées à la date de la cession (25 juillet 2012), l’Administration a considéré que cette transformation ne lui était pas opposable, et que les droits d’enregistrement auraient dû être perçus au taux applicable aux cessions de parts sociales de SARL, soit au taux de 3 %.
L’affaire a été portée devant la CA de Lyon, qui a confirmé l’inopposabilité de cette transformation à l’Administration, et, partant, la perception des droits d’enregistrement au taux applicable aux cessions de parts sociales de SARL (CA Lyon, 6 juillet 2023, n°20/05110).
La décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation invalide la décision des juges d’appel.
Elle juge que les droits d’enregistrement applicables à une cession de droits sociaux sont liquidés selon la nature juridique de ces droits, déterminée à la date du fait générateur des droits d’enregistrement, lequel correspond à la date du transfert de propriété.
La Cour indique qu’il importe peu, à cet égard, qu’à la date de la soumission de l’acte de cession à la formalité de l’enregistrement, la transformation dont la société a fait l’objet antérieurement n’ait pas été publiée au RCS.