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Fiscalité US : que peut-il se passer d’ici la fin de l’année ?

Depuis lundi dernier et jusqu’à la mi-décembre environ, s’est ouverte la session « canard boîteux », en référence au fait que le Congrès siège dans sa composition pré-élections, c’est-à-dire avec la double majorité Démocrate à la Chambre des représentants et au Sénat. Le nouveau Congrès fera sa rentrée en janvier seulement, laissant ainsi une courte fenêtre de tir pour voter quelques textes avant que les Démocrates perdent le contrôle de la Chambre des représentants.

Le temps est donc compté, notamment du fait de la suspension qui entre en vigueur cette semaine en raison de Thanksgiving, ce qui exclut le recours à des textes ambitieux comme le défunt Build Back Better Act, qui requièrent un temps de négociation actuellement non-disponible. L’agenda est par ailleurs chargé par d’autres sujets potentiels qui ne concernent pas la fiscalité :

Les mesures fiscales restantes

Il n’existe pas, pour le moment, de législation en suspens devant l’une ou l’autre Chambre, ce qui implique que les sujets fiscaux vont être traités selon une approche par priorités :

Dans les possibilités, sont également régulièrement évoqués un report, un aménagement ou une abrogation des mesures suivantes :

L’immobilisation obligatoire des dépenses de R&D à compter de 2022 (sec. 174)

Cette mesure était prévue par la réforme Trump dans le cadre de l’équilibre budgétaire négocié à l’époque. Il existerait actuellement un fort consensus pour abroger, ou à tout le moins reporter cette obligation (pour rappel, un report de 4 ans était inclus dans le Build Back Better Act) et conserver la possibilité de passer ces dépenses en charges.

La déduction des intérêts (sec. 163(j))

Il s’agit d’une autre mesure prévue par la réforme Trump dont l’objectif consisterait à reporter le passage du plafond de déduction des intérêts de l’EBITDA à l’EBIT, actuellement entré en vigueur cette année.

Le suramortissement de certaines immobilisations 

La base du suramortissement passerait de 100 % à 80 % cette année, avec une diminution programmée de 20 % par an jusqu’à disparition totale en 2027.

Le crédit d’impôt enfant 

Initialement prévu pour une année (2021), il n’a pu être renouvelé pour des raisons de coût budgétaire, malgré la volonté des Démocrates de continuer à venir en aide aux foyers les plus modestes. Une première évaluation estimait en effet son coût à 185 milliards de dollars pour la seule année 2022.

La prolongation de la durée de vie de certains crédits d’impôt

L’Inflation Reduction Act a traité de nombreux crédits liés aux énergies renouvelables et dépenses d’efficacité énergétique, mais il existe toute une palette de crédits expirés depuis fin 2021.

L’abondement aux plans de retraite salariés sous format « qualifié ».

Deux versions, approuvées par la Chambre des Représentants et le Sénat respectivement en mars et juin, n’ont pas été suivies de discussions pour aboutir à un texte définitif.

Toutes ces mesures, ainsi qu’un inventaire d’ajustements techniques, durcissements ou prolongations de mesures applicables à certaines catégories de contribuables, personnes morales ou personnes physiques, ont un coût budgétaire. Le vote de l’une peut condamner les autres, raison pour laquelle sont notées ci-dessus certaines possibilités qui n’intéressent pas directement les groupes, mais pourraient les impacter indirectement si leur vote rendait, par exemple, le passage en charge des dépenses R&D ou le relèvement du plafond de déduction des charges financières trop onéreux pour le Trésor américain en général, et certains élus en particulier.

On notera enfin parmi les autres sujets potentiellement à l’agenda parlementaire deux autres points importants :

D’un point de vue politique, cependant, les Démocrates pourraient anticiper que le ralliement des Républicains (indispensable à la Chambre des Représentants à compter de janvier) se fera au prix de concessions sur d’autres propositions fiscales (réduction de la dépense publique et donc limitation de certaines mesures favorables) ou non-fiscales (accords sur les permis d’exploitation énergétiques). En conséquence, pour éviter ces tractations à l’issue et au coût politique incertains, on ne peut exclure des discussions dès la rentrée de fin novembre.

En conclusion, c’est désormais l’heure des choix pour le 117e Congrès dans ce qui lui reste de temps de session avant la suspension pour la durée des fêtes de fin d’année. L’adoption de mesures affectant les dépenses de R&D ou les charges financières ne semble théoriquement pas à exclure, mais il est encore trop tôt pour en faire état dans les comptes à fin 2022.
 
Du fait de la trêve de Thanksgiving de cette semaine, ces points seront à suivre en tout état de cause à compter de la semaine prochaine.