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Exonération de TVA et services fournis par un tiers à la société de gestion de fonds : arrêt de la CJUE « K » et « DBKAG »

Photo de la Cour de Justice de l'Union Européenne

La CJUE juge que des services fournis par un tiers à des sociétés de gestion de fonds commun de placement (FCP), tels que des tâches fiscales qui consistent à veiller à l’imposition des revenus du fonds perçus par les porteurs de parts et l’octroi d’un droit d’utilisation d’un logiciel servant  à effectuer des calculs essentiels à la gestion des risques et à la mesure des performances, sont exonérés de TVA s’ils présentent un lien intrinsèque avec ladite gestion et s’ils sont fournis exclusivement aux fins de la gestion d’un tel fonds. Il importe peu à cet égard que ces services ne soient pas externalisés dans leur intégralité (CJUE, 17 juin 2021, K, aff. C-58/20 et DBKAG, aff. C-59/20). 

Les faits des litiges 

La première affaire d’origine autrichienne portait sur la fourniture, par un tiers dénommé K à différentes sociétés de gestion de portefeuille (SGP), de services de calcul de valeurs pertinentes aux fins de la correcte imposition de porteurs de parts de FCP. 

K facturait ses prestations sans TVA, considérant qu’elles relevaient de l’exonération relative à la gestion de FCP prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g) de la Directive TVA. 

La seconde affaire également d’origine autrichienne, concernait l’octroi, par la société SC à une SGP dénommée DBKAG, d’un droit d’utilisation d’un logiciel servant à effectuer des calculs essentiels à la gestion des risques et à la mesure des performances, moyennant paiement d’une redevance. Ce logiciel ne pouvait être utilisé qu’en interaction avec les autres logiciels de la SGP : grâce aux interfaces avec ces autres programmes, les données relatives aux cours et aux valeurs de marché saisies par la SGP et nécessaires aux calculs effectués par le logiciel étaient introduites automatiquement et quotidiennement dans le logiciel.  

DBKAG utilisait les indicateurs de risques et de performances calculés par le logiciel pour rédiger des rapports en vue de se conformer notamment à ses obligations légales d’information envers les autorités et les investisseurs. En outre, SC fournissait à DBKAG diverses prestations de soutien (formation du personnel de DBKAG à la configuration du logiciel et à la saisie des données, réalisation de mises à jour). 

DBKAG considérait également ces prestations comme relevant de l’exonération de TVA au titre de la gestion de FCP. 

La position de la Cour 

La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les exonérations visées à l’article 135, paragraphe 1 de la Directive TVA constituent des notions autonomes du droit de l’Union et sont d’interprétation stricte.  

La CJUE analyse les prestations en cause à la lumière de sa jurisprudence selon laquelle les services de gestion fournis par un gestionnaire tiers relèvent en principe de l’exonération de la gestion de FCP pourvu qu’ils forment un ensemble distinct, apprécié de façon globale, destiné à satisfaire à des fonctions spécifiques et essentielles de la gestion de FCP (voir par exemple, CJUE, 2 juillet 2020, C-231/19, Blackrock Investment Management UK Ltd).  

La Cour examine dans un premier temps la condition liée au caractère distinct ou autonome des services fournis par des tiers à des SGP. Elle précise d’emblée que cette condition ne signifie pas que, pour relever de l’exonération, une prestation spécifique et essentielle à la gestion de FCP doive être externalisée dans son intégralité.  

En espèce, la Cour considère que, dans le cadre des services fournis par K, le fait qu’il incombe aux SGP d’établir les déclarations normalisées à partir des calculs effectués par K et de transmettre ces déclarations à la cellule de déclaration n’est pas, en soi, déterminant pour décider si de tels services relèvent de l’exonération de TVA.   

Similairement, la CJUE juge que le fait que le logiciel utilisé par DBKAG ne puisse être utilisé que sur l’infrastructure technique de la SGP et ne pouvait remplir ses fonctions qu’avec la collaboration secondaire de la SGP en recourant en permanence à des données de marchés fournies par celle-ci n’est pas déterminant pour décider si de tels services relèvent de l’exonération. 

Dans un second temps, la CJUE étudie la condition liée au caractère spécifique et essentiel des services en cause à la gestion de FCP. La Cour rappelle qu’entrent dans le champ de l’exonération les fonctions de gestion de portefeuille ainsi que celles d’administration des organismes de placement collectif telles que celles énumérées à l’annexe II de la Directive OPCVM, dont font partie les aspects fiscaux de l’évaluation du portefeuille et la détermination de la valeur des parts (CJCE, 4 mai 2006, C-169/04, Abbey National). 

La Cour rappelle que cette énumération n’est pas exhaustive et vise, dans le cas de prestations fournies par un tiers à une SGP, les services présentant un lien intrinsèque avec l’activité propre à la SGP de sorte qu’ils ont pour effet de remplir les fonctions spécifiques et essentielles de la gestion d’un FCP. A contrario, la Cour rappelle également que des prestations qui seraient inhérentes à tout type d’investissement n’entrent pas dans le champ de la notion de « gestion ». 

Dans le cas particulier de l’octroi des droits d’utilisation d’un logiciel, la Cour indique que sa jurisprudence SDC selon laquelle de simples prestations matérielles ou techniques, telles que la mise à disposition d’un système informatique, ne sont pas couvertes par l’exonération au titre d’un service financier ne saurait être lue comme signifiant qu’il y a lieu d’exclure d’emblée du champ de l’exonération tout service fourni par un tiers à une SGP via un système informatique (point 54 de l’arrêt ; CJCE, 5 juin 1997, C-2/95, SDC).  

A cet égard, la Cour rappelle que, dans son arrêt BlackRock de 2020, elle a exclu que des services fournis par l’intermédiaire d’une plateforme informatique relèvent de l’exonération de la gestion de fonds en raison du fait qu’ils n’étaient pas spécifiques à ladite gestion, et non du fait qu’ils étaient fournis par voie informatique (CJUE, 2 juillet 2020, C-231/19, BlackRock Investment Management UK Ltd). 

Sur cette seconde condition, la Cour relève que les prestations en cause relèvent de l’exonération si elles présentent un lien intrinsèque avec la gestion de FCP et si elles sont fournies exclusivement aux fins de la gestion de tels fonds et renvoie à la juridiction autrichienne cette appréciation. 

La Cour fournit toutefois à la juridiction autrichienne des éléments d’appréciation : 

La CJUE souligne que, dans l’affaire portant sur les services fournis par K, la juridiction devra notamment rechercher si les tâches fiscales répondent aux obligations légales qui sont spécifiques aux FCP et qui se distinguent des obligations prévues pour d’autres types de fonds d’investissement ; 

Dans la seconde affaire, la Cour relève que la juridiction de renvoi considère déjà que les prestations de gestion des risques et de mesure des performances sont des activités spécifiques à la gestion de FCP dès lors que le logiciel sert à effectuer des calculs essentiels aux prestations de gestion des risques et de mesure des performances des fonds en cause. La Cour précise néanmoins que la juridiction de renvoi devra vérifier que ces services répondent aux conditions exposées infra pour pouvoir bénéficier de l’exonération. 

La CJUE conclut que les services en cause au principal peuvent bénéficier de l’exonération s’ils présentent un lien intrinsèque avec la gestion de FCP et sont fournis exclusivement aux fins de la gestion de fonds, quand bien même ces prestations ne seraient pas externalisées dans leur intégralité. 

Pour mémoire, la CJUE avait jugé dans l’arrêt BlackRock que dans la mesure où le service en cause avait été conçu aux fins de la gestion d’investissements de natures variées (FCP et autres fonds), il ne pouvait pas être regardé comme « spécifique » à la gestion de FCP et, dès lors, être exonéré. 

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