Dans une décision très attendue, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de juger que le fait que les produits de participation reçus de filiales établies dans d’autres Etats membres ne peuvent pas bénéficier de la neutralisation de la quote-part de frais et charges instaurée dans le cadre de l’intégration fiscale, n’est pas compatible avec la liberté d’établissement (CJUE, arrêt du 2 septembre 2015, aff. C‑386/14, Groupe Steria SCA). On observera que la Cour a suivi les préconisations de son Avocat général, Julianne Kokott.
Le contexte de la décision
Les dividendes reçus par une société du groupe intégré en provenance d’une autre société du groupe intégré, ouvrent droit, lorsqu’ils sont éligibles au régime mère-fille, à une neutralisation de la quote-part de frais et charges de 5 % afférente à ces produits, sauf s’il s’agit de distributions versées par une société intégrée au cours de son premier exercice d’intégration (CGI, art. 223 B, al. 2). En revanche, en sont exclus les dividendes versés à une société du groupe par une filiale étrangère, le régime de l’intégration fiscale étant réservé aux seules sociétés établies en France.
La société Stéria, tête d’un groupe intégré, a vainement sollicité la restitution de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes perçus par une filiale intégrée qui les avait elle-même perçus de ses propres filiales sises dans d’autres Etats de l’Union européenne, qui, si elles avaient été situées en France, auraient rempli toutes les conditions pour rejoindre le groupe.
Elle a par conséquent demandé à la Cour administrative d’appel de Versailles de saisir la CJUE d’une question préjudicielle portant sur la conformité à la liberté d’établissement de l’exclusion du mécanisme de neutralisation des dividendes versés par des filiales détenues à au moins 95 % sises dans un autre Etat membre.
La décision de la CJUE
La Cour a considéré que la législation en cause, en ce qu’elle désavantage les sociétés mères qui détiennent des filiales établies dans d’autres Etats membres, est constitutive d’une restriction à la liberté d’établissement, qui n’est pas justifiée par la nécessité de préserver la répartition du pouvoir d’imposition entre les Etats membres, ni par la nécessité de sauvegarder la cohérence du régime fiscal français.
Dès lors, elle a jugé que la liberté d’établissement s’oppose à la législation d’un Etat membre relative à un régime d’intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d’une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l’intégration, alors qu’une telle neutralisation lui est refusée, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre Etat membre, qui si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles sur option.
Remarques
La décision ainsi rendue par la CJUE devrait permettre aux sociétés françaises membres d’une intégration fiscale ayant perçu des distributions de filiales résidentes d’un autre Etat membre de l’Union européenne détenues à plus de 95 % (et remplissant par ailleurs toutes les autres conditions pour rejoindre le groupe intégré) d’obtenir la restitution de l’imposition correspondant à la réintégration de la quote-part de frais et charges sur les distributions considérées.
Pour préserver leurs droits, les groupes concernés doivent présenter des réclamations au titre des exercices 2012, 2013 et 2014 (impôt payé en 2013, 2014 et 2015). Précisons que les réclamations portant sur l’année 2012 devront impérativement être présentées avant le 31 décembre 2015.
L’Administration n’a pas encore réagi à l’annonce de la décision. On peut toutefois craindre que le mécanisme de neutralisation de la quote-part de frais et charge au sein de l’intégration soit supprimé dans le cadre d’une très prochaine loi de finances rectificative.