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Le programme ICAP de l’OCDE, une nouvelle manière de mener le contrôle fiscal international ?

Photo des locaux de l'OCDE - Château de la Muette

Le « programme » ICAP (International Compliance Assurance Program) créé en 2019 par l’OCDE est une procédure offerte aux groupes internationaux qui souhaitent s’engager volontairement dans une démarche de transparence et de sécurisation de leurs positions en matière de fiscalité internationale. Ce cadre offre la possibilité à un groupe de travailler conjointement avec les administrations fiscales de plusieurs pays, à son initiative, en vue d’évaluer par exemple ses transactions fiscales internationales et de disposer d’une analyse des risques existant dans les différents pays impliqués, choisis par le groupe (ICAP porte sur les prix de transferts et de manière plus générale les sujets de fiscalité internationale couverts par BEPS). Une fois cette revue des risques réalisée, les administrations fiscales des pays participant disposeront d’une meilleure connaissance du groupe. Il leur sera ensuite plus facile de s’engager sur les sujets de fiscalité internationales qu’elles auront ainsi examinés. Cette approche est destinée à compléter les procédures existantes de résolution des différends.

Un cadre destiné à renforcer la sécurité des entreprises multinationales

En offrant un cadre moins rigide qu’un contrôle fiscal, ICAP permet également aux administrations fiscales de réaliser des évaluations de risques et de compléter leurs offres destinées à améliorer la sécurité fiscale des entreprises multinationales.

Cette initiative de l’OCDE a débuté en janvier 2018 par un projet pilote de deux ans auquel 8 administrations fiscales (Australie, Canada, Espagne, Etats-Unis, Italie, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni) ont participé. Puis en mars 2019, dans le cadre du Forum des Administrations Fiscales, un deuxième projet pilote a été lancé avec 19 administrations fiscales (en plus des les huit premiers pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Irlande, Luxembourg, Norvège, Russie, Singapour). Le projet a finalement été officiellement créé en décembre 2020 avec l’Argentine et la Colombie qui ont rejoint le programme ICAP, portant ainsi à 21 le nombre de pays participant à la finalisation des règles de mise en œuvre. Ces dernières déterminent la manière dont les groupes multinationaux et les administrations fiscales doivent travailler ensemble dans le cadre de cette nouvelle procédure internationale.

L’objectif de l’OCDE est de créer un cadre d’échanges entre les groupes multinationaux et les administrations fiscales, afin de leur permettre d’établir un diagnostic des risques fiscaux et de leur offrir une sécurité juridique. En effet, ce diagnostic autorise ensuite les groupes à corriger une situation contestée par les administrations ou ayant conduit ces dernières à s’interroger et à faire part de leurs doutes. A l’issue de ces travaux, les administrations connaissent mieux le groupe et ses transactions ; elles sont donc en mesure d’agir plus efficacement pour faire face aux demandes de ce dernier en matière de procédure amiable ou d’accord préalable de prix de transfert.

Ces travaux coordonnés à plusieurs administrations, de concert avec le groupe, sont également destinés à dégager une compréhension commune des enjeux de fiscalité internationale auxquels le groupe est confronté. Elles peuvent s’accorder sur les interprétations à retenir comme sur le traitement fiscal à réserver aux transactions internationales. Cette compréhension partagée vise à diminuer les risques de positions divergentes des pays et donc les situations de doubles impositions conduisant à des procédures amiables.

Les procédures de vérifications sont menées dans chaque pays, au cours desquelles les groupes sont conduits à partager des informations au fil de leurs échanges avec les vérificateurs, selon les questions posées par ces derniers, alors que les contrôles ne sont pas engagés au même moment ni au même rythme. Au contraire, ICAP offre donc l’opportunité d’échanger une même documentation de prix de transfert et une même réponse avec l’ensemble des administrations au même moment, de façon coordonnée. L’investissement requis du groupe au cours des échanges sous cette procédure ICAP est ainsi plus léger que celui qu’il aurait dû consentir à l’occasion de plusieurs contrôles menés dans différents pays, sans coordination.

Un processus étalé sur plusieurs mois comprenant plusieurs phases principales

Etape 1 : la sélection

Le groupe intéressé doit soumettre une demande à son administration de référence (le plus souvent l’administration fiscale du pays du siège de la société) accompagnée des documents permettant à cette dernière de s’assurer que les éléments utiles à l’examen de la demande sont effectivement réunis et que le dossier est en état d’être instruit. Ce dossier comprend des éléments de présentation des transactions internationales du groupe et des points particuliers identifiés par ce dernier comme susceptibles d’être contestés par les administrations, notamment ceux pour lesquels il recherche la sécurité.

L’administration saisie est ainsi garante de la qualité des informations qu’elle partage avec ses homologues étrangères. Elle est chargée de prendre contact avec ces dernières, en conformité avec la demande du groupe et selon la volonté de ces administrations fiscales étrangères (qui ne sont pas contraintes de participer à ces travaux en commun). L’ensemble des administrations participantes s’entend ensuite sur les entités du groupe couvertes par les travaux à engager, ainsi que sur les transactions et la nature des risques objets de leurs travaux coordonnés. Peuvent ainsi être exclues du champ d’ICAP des transactions considérées comme déjà couvertes par un APP.

A l’issue de ces échanges, les administrations établissent un calendrier cible ainsi que la liste des documents supplémentaires que le groupe doit fournir en vue de finaliser sa demande. Cette étape de sélection s’étend sur 4 à 8 semaines. Le groupe est ensuite informé des administrations participantes, des transactions couvertes et des sujets objets des investigations : il doit alors confirmer son souhait de voir engager les travaux techniques.

Etape 2 : l’évaluation des risques et la résolution des difficultés

L’évaluation des risques ainsi identifiés fait l’objet des travaux menés au cours de cette deuxième phase. L’administration référente mène les échanges avec le groupe et les autres administrations. Elle s’assure que toutes les parties sont en mesure de confirmer que les transactions et sujets identifiés ne sont porteurs que de faibles risques fiscaux. Au cours de cette étape, l’évaluation et les mesures de correction éventuellement proposées, si un risque élevé a été identifié, sont traitées à la suite les unes des autres, de manière séquentielle, ou de façon simultanée, afin d’accélérer le rythme des investigations.

Les travaux réalisés au cours de cette phase s’étendent en moyenne sur une période de 20 semaines. Elle peut toutefois être prolongée si l’évaluation fait apparaitre des risques importants qui exigent d’y porter une attention particulière. Le groupe peut en effet ajuster ses transactions afin de diminuer le risque identifié et emporter la conviction des administrations.

Etape 3 : la conclusion

Une fois l’évaluation achevée et les risques identifiés par les administrations, l’administration fiscale référente adresse un courrier de clôture de la procédure. Le groupe reçoit également, de la part de chaque administration participante, un courrier par lequel ces dernières font part de leur position, pour chacun des sujets retenus dans la demande présentée, pour les entités et la période couverte. Ces courriers mentionnent également les éventuelles obligations du groupe en matière de partage d’informations (afin de suivre l’évolution annuelle ou en vue de faire part de toute modification). Cette dernière phase est formalisée en 4 à 8 semaines.

Une administration peut cependant considérer qu’un ou plusieurs risques visés par la demande ne sont pas couverts par le courrier de clôture. L’objectif du groupe n’est alors que partiellement atteint puisque cette administration maintient ses réserves et le confort recherché n’est pas apporté. Reste que, selon les commentaires de l’OCDE, la meilleure compréhension acquise par les administrations en participant à cette procédure ICAP devrait tout de même faciliter toute future action nationale ou multilatérale (accord préalable ou procédure amiable à l’issu d’un contrôle).

ICAP à l’épreuve de la pratique

Ce type de projet s’avère lourd à mettre en place pour les groupes multinationaux. Ces derniers doivent être en mesure de mener de front les échanges avec plusieurs administrations fiscales, de manière simultanée et pour des exercices fiscaux similaires. Ces travaux impliquent des réunions régulières, la présentation de nombreux documents à partager avec les administrations et la préparation des réponses aux questions posées au fil de l’instruction. Mêmes si le nombre de groupes entré dans cette procédure reste limité, les premières expériences font part d’un processus qui s’avère être un sprint conduisant à dédier des ressources non négligeables dans le cadre d’un délai contraint, pendant plusieurs mois.

Cet investissement mérite réflexion et sera sans doute choisi par les groupes qui cherchent à obtenir une confirmation de leur politique de prix de transfert, même si elle n’est pas formellement validée, en y consacrant les ressources adaptées. Les tout premiers retours, en France et à l’étranger, font état d’un effort intense concentré sur une période plus courte et plus économe que les moyens à allouer à l’agrégation d’une multiplication de contrôles suivis de procédures amiables. En choisissant les administrations concernées, le moment auquel la demande est présentée et en gérant cette procédure au regard de ses autres projets, une direction fiscale pourrait finalement y trouver un certain intérêt en préférant un investissement immédiat limité plutôt qu’une lourde et longue charge à venir, à l’initiative désordonnée de plusieurs administrations.

ICAP devrait en effet améliorer la coopération fiscale entre juridictions et apporter aux administrations fiscales une meilleure compréhension des contraintes opérationnelles des groupes comme des risques associés, en partenariat et au choix de ce dernier. Au demeurant, même s’il ne s’agit pas d’obtenir une validation formelle, un groupe pourra considérer plus rapide qu’un accord préalable multilatéral de prix de transfert, une validation dans le cadre d’ICAP ou un retour négatif de la part d’une administration lui permettant d’ajuster sa méthode de prix de transfert et d’éviter une contestation ultérieure.

Sans être un outil idéal, en dépit de ses limites et de l’absence de sécurité juridique offerte aux groupes, cette très récente procédure semble en effet appréciée à ce stade, à en juger par l’augmentation du nombre de juridictions impliquées au fil des années ainsi que par les commentaires positifs reçus des groupes ayant bénéficié d’une première expérience dans ce cadre innovant de coopération internationale créé par l’OCDE.

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