Le droit fiscal national comme tout droit est composé de trois piliers : la loi et son cortège de textes d’application et instructions, la doctrine composée de commentaires d’auteurs et praticiens et la jurisprudence.
Ces trois piliers font progresser le droit fiscal.
Il apparaît que le dernier pilier, la jurisprudence, pourrait s’effriter. On sait bien que le juge administratif prend son temps pour trancher les affaires. Il faut environ cinq à sept ans pour faire trancher un litige en première instance, quatre ans pour voir la Cour d’Appel se prononcer et trois ans encore pour obtenir du conseil d’Etat son avis.
La longueur de ces procédures s’explique souvent par le fait que l’Administration contrairement au contribuable n’est pas liée par un délai pour produire ses mémoires.
Par ailleurs, on ne voit plus un tribunal ou une Cour d’Appel saisir la CJUE, seul le Conseil d’Etat se réserve ce droit.
On a pourtant entrevu certains signes positifs de professionnalisation. Les tribunaux de Cergy Pontoise ou de Montreuil s’occupant des affaires des grandes divisions de la DGFIP (DVNI, DNEF, DGE, DRESG) ont créé des sections en matière fiscale dont la spécialisation est de bon augure. L’Administration fait aussi appel à des avocats spécialisés pour l’aider comme dans l’affaire sur la compatibilité du précompte avec le droit européen ou dans les contentieux L16B (perquisition fiscale).
Mais on voit aussi certaines manœuvres de la part de l’administration fiscale qui suscitent bien des inquiétudes. On rencontre de plus en plus de situations où, après avoir poursuivi un contentieux devant la Cour d’Appel ou le Conseil d’Etat, l’Administration se retire en cours d’instance devant ces juridictions. Si, à court terme, le contribuable peut se réjouir de ce retrait même tardif (il pourra demander à l’Administration de lui payer le prix du temps du contentieux), le droit perd la publicité d’une décision qui ferait jurisprudence. C’est justement l’existence de cette jurisprudence qui permettait jusqu’à présent aux contribuables d’y recourir dans sa stratégie fiscale ou de pouvoir le cas échéant l’opposer à l’Administration. De son côté l’Administration pouvait, à partir de cette base jurisprudentielle demander si nécessaire au législateur de modifier la loi.
Va-t-on revoir un jour une jurisprudence fiscale porteuse de l’évolution du droit ? Il y a un exemple à méditer au Royaume-Uni.
Il y existe des tribunaux de première instance spécialisés en TVA qui rendent des décisions rapidement.
Ces tribunaux créés en 1973 font preuve de compétence et d’efficacité.
Composés de juges recrutés dans le monde des affaires et spécialisés en TVA ils disposent souvent de compétences techniques plus étendues que les juridictions supérieures.
De plus, 90% de leurs décisions ne sont pas frappées d’appel.
L’efficacité provient de la procédure : avant la plaidoirie, il y a une phase où les parties s’entendent sur la matérialité des faits. A la suite de l’audience, la décision est prise au plus tard le lendemain.
Le VAT Tribunal n’hésite pas à saisir la CJUE. Ainsi dans l’affaire Abbey National du 4 mai 2006, il n’a fallu que deux années pour faire trancher la notion de gestion de fonds commun de placement alors que pour la France, la même notion n’a été tranchée par le Conseil d’Etat que 10 ans après les faits dans l’affaire Sogefonds du 6 avril 2011.
I have a dream…