Site icon Deloitte Société d'Avocats

L’instauration de « classes de parties affectées » et la prise en compte du principe du « meilleur intérêt des créanciers »

En présentant la réforme dans son ensemble puis en développant la pérennisation du privilège de post money, nous insistions sur le changement de paradigme qui semblait s’opérer en droit des entreprises en difficulté avec l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021.
 
Longtemps ancré dans un schéma de nature à donner la priorité au maintien de l’activité, ce droit, amendé par la réforme, s’intéresse de plus en plus à la place donnée aux créanciers. Cette évolution s’illustre notamment avec l’instauration de « classes de parties affectées » en lieu et place des traditionnels « comité de créanciers » ; ce changement majeur issu de la réforme a notamment pour objectif une meilleure prise en considération des intérêts des créanciers.

La répartition des créanciers selon leurs qualités au sein de deux comités de créanciers (comités des établissements de crédit et des principaux fournisseurs), auxquels pouvait s’ajouter une assemblée des obligataires, est dorénavant remplacée par la constitution de « classes de parties affectées » au sein desquelles les créanciers sont réunis selon un critère de « communauté d’intérêt économique ».

Les points saillants de ce dispositif apparaissent au travers des principales questions susceptibles d’émerger, dans l’ordre chronologique, au sujet de ces classes.

Qu’est-ce qu’une partie affectée ?

Le concept de « partie affectée » élargit le champ des personnes devant être consultées dans le cadre de l’adoption d’un plan de sauvegarde ou de redressement. Les parties affectées visent non seulement les créanciers dont les droits sont directement affectés par le projet de plan, mais également, et c’est une nouveauté, les détenteurs de capital, c’est-à-dire les actionnaires du débiteur et les titulaires de valeurs mobilières donnant accès à terme au capital du débiteur, si leur participation au capital du débiteur, les statuts ou leurs droits sont modifiés par le projet de plan.

Quand la constitution de « classes de parties affectées » est-elle obligatoire ?

La constitution de « classes de parties affectées » s’impose, pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021 :

Il est à noter que ces seuils sont plus élevés que ceux qui commandaient la constitution de comités de créanciers ( 150 salariés et 20 millions d’euros de chiffres d’affaires).

Le débiteur, en sauvegarde, et le débiteur ou l’administrateur judiciaire, en redressement judiciaire, peuvent demander au juge commissaire d’autoriser la constitution des classes de parties affectées alors même que les seuils précités ne sont pas atteints.

Comment les « parties affectées » sont-elles réparties en classes ?

Les modalités de répartition des parties affectées en classes par l’administrateur judiciaire, reposant sur un critère de communauté d’intérêts économiques suffisante entre membres d’une même classe, sont précisées ainsi :

Il appartient à l’administrateur de soumettre aux parties affectées un projet de répartition en classes et de calcul des voix. Concernant les créanciers qui bénéficient d’une fiducie, et comme cela était prévu dans le cadre des comités de créanciers, il convient de noter que leurs voix seront calculées eu égard à leurs seules créances non assorties de cette sûreté, c’est-à-dire hors fiducie.

En cas de désaccord, chaque partie affectée, le débiteur, le ministère public, le mandataire judiciaire ou l’administrateur judiciaire peut saisir le juge-commissaire.

Comment chaque classe ainsi constituée peut-elle faire valoir ses intérêts dans la procédure ?

Le débiteur, en sauvegarde, ou l’administrateur judiciaire, en redressement judiciaire, soumet un projet de plan composé de propositions concrètes (telles que des délais de paiements, remises, conversion de créances, etc.) aux « classes de parties affectées ». Dès lors, chaque classe bénéficie d’un délai de 20 à 30 jours pour se prononcer sur ledit projet de plan.

La décision d’adoption ou de rejet du plan est votée par chaque classe à la majorité des deux tiers du montant des créances ou des voix détenues par les membres ayant exprimé un vote.

Dès lors que le projet de plan est dûment adopté par chaque classe, le tribunal statue sur ce dernier et vérifie sa conformité aux conditions prévues par l’article L. 626-31 du code de commerce, avec une attention particulière portée aux principes suivants :

Sous réserve de ces vérifications, le tribunal peut imposer l’adoption du plan aux membres des classes récalcitrants.

La transposition de la directive « restructuration et Insolvabilité » permet d’aller plus loin et d’introduire en droit français le mécanisme de cross class cram down, c’est-à-dire la possibilité pour le tribunal d’imposer l’adoption du plan à des classes de parties affectées l’ayant pourtant rejeté.

Le tribunal, sur demande du débiteur ou de l’administrateur judiciaire avec l’accord du débiteur, pourra imposer l’adoption du plan sous certaines conditions, avec une attention particulière portée :

Ces mécanismes d’adoption du plan seront de nature à permettre aux créanciers les mieux sécurisés d’imposer une solution aux autres créanciers et/ou détenteurs de capital, et ainsi de dépasser toute situation de blocage dans les négociations du plan préjudiciable au débiteur, tout en s’assurant de la préservation des droits des autres parties affectées, et ce quel que soit leurs rangs.
 

 

Exit mobile version