Le projet de loi lancé par le gouvernement le 23 octobre 2017, présenté en Conseil des ministres le 18 juin 2018 et intitulé « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises », plus connu sous le terme de projet de loi « PACTE », a été examiné par la commission ad hoc de l’Assemblée nationale le 5 septembre. L’examen des amendements est en cours et l’examen en séance publique aura lieu à partir du 21 septembre.
Les 4 objectifs du projet de loi PACTE
Le projet de loi PACTE a principalement 4 objectifs :
- Simplifier la création d’entreprise
- Faire grandir les entreprises
- Autoriser l’échec pour mieux réussir
- Transmettre les entreprises
La méthode retenue
Pour chaque article du projet de loi PACTE, une étude d’impact comprend 5 parties :
- Etat des lieux
- Nécessité de légiférer et objectifs
- Options possibles et dispositif retenu
- Analyse des impacts des dispositions envisagées
- Modalités d’application
Synthèse des mesures affectant le droit des entreprises en difficulté
Parmi les 78 articles composant le projet de loi PACTE, une dizaine d’articles comportent des mesures relatives au droit des entreprises en difficulté répondant au quatrième objectif visé ci-dessus, à savoir autoriser l’échec pour mieux réussir et permettre le rebond des entreprises ou entrepreneurs.
Ces mesures sont les suivantes :
- Transposition en droit français de la future directive dite « insolvabilité » toujours en cours de négociation : première tentative d’harmonisation des droits nationaux de l’insolvabilité au sein de l’Union européenne
- Modernisation et simplification du droit des sûretés qui est mieux articulé avec le droit des procédures collectives
- Modification des modalités de fixation de la rémunération du chef d’entreprise dans la procédure collective
- Suppression de la liquidation judiciaire simplifiée facultative qui devient obligatoire avec un objectif d’accélération des opérations de liquidation
- Extension des cas d’ouverture du rétablissement professionnel sans liquidation pour les entrepreneurs personnes physiques pour faciliter leur rebond rapide
- Neutralisation en cas de plan de cession de la clause du bail commercial rendant le repreneur garant des loyers dus par le cédant placé en procédure collective
- Amélioration du régime de la publicité des inscriptions de privilège du Trésor Public
- Modification des modalités de fixation des créances publiques fiscales et sociales pour les rendre plus rapides
ARTICLE 64 – Alignement avec le projet de directive européenne : harmonisation des droits nationaux
Projet de directive de la Commission européenne du 22 novembre 2016
Le 22 novembre 2016, la Commission européenne a présenté une proposition de directive visant à harmoniser les droits nationaux des 28 Etats Membres en matière d’insolvabilité.
Constat de la Commission européenne
Cet objectif ambitieux d’harmonisation qui a germé en 2011 s’inscrit dans le constat suivant fait en 2016 :
- 50 % des entreprises survivent moins de 5 ans entraînant 200 000 faillites annuelles (dont 25 % avec des effets transfrontaliers) et 1 700 000 destructions d’emplois
- Il existe une grande divergence entre les 28 droits nationaux, ce qui constitue un obstacle majeur à la libre circulation des capitaux mais globalement on déplore une grande imprévisibilité et inefficacité des procédures collectives
- Les taux de recouvrement des créances varient entre 30 % et 90 % selon les Etats Membres
- Le marché du crédit en Europe est impacté par un volume important de prêts sous-performants
Objectif d’harmonisation
Une harmonisation améliorerait la prévisibilité que recherchent les investisseurs et encouragerait le sauvetage précoce des entreprises viables et donc l’emploi.
La Commission souhaite promouvoir une « nouvelle approche » en matière d’insolvabilité et même une véritable « culture du sauvetage ».
3 thèmes
Dans son projet de directive, la commission a défini des principes et une série de mesures ciblées et réalistes autour de 3 thèmes.
Les outils de restructuration préventive des entreprises viables pour les aider à poursuivre leur activité et à préserver l’emploi
Sur ce point, la Commission européenne s’est surtout inspirée des droits français, américain et allemand.
Certains Etats Membres ne disposent d’aucune procédure préventive d’insolvabilité comme la Bulgarie, la Hongrie, la Slovaquie et la Croatie.
D’autres Etats Membres disposent de telles procédures mais selon des conditions très restrictives comme l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, l’Italie et le Portugal.
La seconde chance des entrepreneurs honnêtes en vue d’un rebond
Le projet de directive fixe comme objectif une remise totale de dettes dans un délai de 3 ans.
Actuellement, cette remise de dette est possible dans plusieurs Etats Membres. C’est le cas en Belgique, en République Tchèque, à Chypre, en Estonie, en France, en Grèce, en Irlande, au Luxembourg, en Roumanie, en Slovénie et au Royaume-Uni.
Dans ces Etats Membres, le délai de remise totale de dettes est plus ou moins long. 10 ans en Grèce, entre 3 et 7 ans en Slovénie, entre 3 et 6 ans en Allemagne, 3 ans en Irlande, 1 an au Royaume-Uni.
Dans certains Etats Membres, la faillite n’entraîne pas de remise de dette mais il existe des procédures de règlement des dettes qui le permettent. C’est le cas en Autriche, en Hongrie, aux Pays-Bas et en Suède.
La Bulgarie est le seul Etat Membre à ne disposer d’aucune procédure permettant une remise totale de dettes.
Améliorer l’efficacité des procédures de restructuration et d’insolvabilité
Pour atteindre cet objectif, le projet de directive contient un panel de différentes mesures :
- La réduction des coûts et des délais des procédures
- La formation et la spécialisation des juges
- La formation des praticiens de l’insolvabilité soumis à un code de conduite, à des contrôles, à un processus de désignation prévisible avec consultation du débiteur et des créanciers, à un régime de sanction approprié et à un système de rémunération au mérite. En cas de procédure transfrontalière, leur capacité à communiquer et à coopérer avec leurs collègues étrangers et leurs ressources humaines doivent être prises en compte pour justifier de leur désignation
Sur ce point, la France se démarque des autres Etats Membres car les praticiens de l’insolvabilité constituent une profession réglementée séparée.
En Allemagne, en Italie et au Luxembourg, ces missions sont confiées à des avocats ou des experts-comptables. En Roumanie, au Portugal, au Royaume-Uni, en Irlande et à Chypre, l’exercice de la profession est soumis à une règlementation spécifique.
- L’optimisation des moyens de communication électroniques (déclarations des créances, dépôts des plans, notifications aux créanciers, votes et voies de recours)
- Un outil national de statistiques avec un rapport annuel à la Commission
La directive dite « insolvabilité » devrait être adoptée au premier semestre 2019
Depuis janvier 2017, ce projet de directive est toujours en cours de négociation au sein du Conseil et depuis juillet 2017, il est en cours d’examen par le Parlement européen.
Une adoption de la directive est envisagée au cours du premier semestre 2019.
Projet de loi PACTE
Transposition en droit interne : 5 objectifs
Sur la base des 3 thèmes exposés ci-dessus, le projet de loi PACTE a identifié les 5 objectifs de la directive dite « insolvabilité » qui devra être transposée en droit interne dans chacun des Etats Membres :
- Développer les procédures préventives dans tous les Etats Membres de l’Union européenne afin de réduire le nombre de liquidations et de suppressions d’emplois
- Harmoniser les procédures préventives afin de développer les investissements transfrontaliers et de faciliter la résolution des dossiers transfrontaliers d’insolvabilité
- Améliorer l’efficacité des procédures préventives et des procédures d’insolvabilité en diminuant les délais et les coûts des procédures afin de maximiser l’actif de l’entreprise, les retombées pour les créanciers et d’éviter la constitution de créances douteuses
- Renforcer la culture du sauvetage dans l’Union européenne
- Accroître les chances pour les entrepreneurs honnêtes de prendre un nouveau départ
France : transposition par voie d’ordonnance
Pour réaliser la conformité du droit français des procédures collectives avec ce projet de directive, le gouvernement sollicite du parlement une autorisation à prendre les mesures souhaitées par voie d’ordonnance dans un délai de 24 mois à compter de la publication de la loi.
Pour rappel, le 2 novembre 2017, le gouvernement avait également opéré la transposition du règlement UE relatif aux procédures d’insolvabilité du 20 mai 2015 par voie d’ordonnance.
En France, la directive dite « insolvabilité » aura un impact sur les procédures amiables et confidentielles de prévention des difficultés (mandat ad hoc et conciliation) et sur les procédures publiques de pré-insolvabilité (sauvegarde) et d’insolvabilité (procédures collectives de redressement et de liquidation judiciaire).
Remplacement des comités de créanciers par des classes de créanciers
L’article 9.2 du projet de directive sur « l’adoption des plans de restructuration » précise que les Etats Membres veillent à ce que les parties concernées soient traitées dans des classes distinctes tenant compte du critère de répartition en classes devant chacune comprendre des créances ou des intérêts assortis de droits suffisamment similaires (communauté d’intérêt).
Au minimum, deux classes distinctes de créanciers regroupant les créanciers privilégiés (créances garanties) d’une part et les créanciers chirographaires (créances non garanties) d’autre part devraient être créées.
Actuellement en France, il n’existe pas véritablement de classes de créanciers mais seulement deux comités de créanciers (créanciers financiers d’un côté et fournisseurs de l’autre) et l’assemblée des obligataires.
Le projet de loi PACTE prévoit le remplacement des dispositions relatives à l’adoption des plans de sauvegarde ou de redressement en présence de comités de créanciers par des dispositions relatives à une procédure d’adoption de ces plans par des classes de créanciers.
Seraient modifiés les articles L.626-1 et suivants et L.626-29 et suivants du Code de commerce.
Adoption du « cross-class cram down » (application forcée interclasse)
L’article 11 du projet de directive sur « l’application forcée interclasse » précise que les Etats Membres veillent à ce que tout plan de restructuration qui n’est pas approuvé par toutes les classes de parties concernées puisse être validé par une autorité judiciaire ou administrative sur la proposition d’un débiteur, ou d’un créancier avec l’accord du débiteur, et être imposé à une ou à plusieurs classes dissidentes, lorsque ce plan de restructuration remplit certaines conditions.
Cet article prévoit donc l’intégration du cross-class cram down (suppression de l’accord unanime de tous les comités de créanciers) bien connu en droit américain (Chapter 11) pour écarter les créanciers réfractaires.
En France, le cross-class cram down n’existe pas, seul le cram down interne à chaque comité de créanciers existe (vote avec une majorité de 75% dans chaque comité).
Le projet de loi PACTE prévoit donc l’introduction de la possibilité pour le tribunal d’arrêter un plan malgré l’opposition d’une ou plusieurs classes de créanciers, tout en précisant les garanties et conditions nécessaires à la protection des intérêts du débiteur, des créanciers et des personnes concernées par les plans de sauvegarde et de redressement.
Seraient modifiés les articles L.626-9, L.626-18, L.626-30-2 et L.626-31 du Code de commerce.
« Absolute priority rule » et renforcement du respect des accords de subordination
L’article 12 du projet de directive sur « les détenteurs de capital » précise que les Etats Membres doivent prendre les dispositions nécessaires pour que lorsqu’une probabilité d’insolvabilité existe, les actionnaires et les autres détenteurs de capital ayant des intérêts auprès d’un débiteur ne puissent pas, de façon déraisonnable, empêcher l’adoption ou la mise en place d’un plan de restructuration qui permettrait de rétablir la viabilité de l’entreprise concernée.
Pour atteindre cet objectif, les Etats Membres peuvent prendre des dispositions obligeant les détenteurs de capital à former une ou plusieurs classes distinctes avec application du mécanisme de cross-class cram down (application forcée interclasse) prévu à l’article 11.
L’article 11 précise justement, parmi les conditions rendant possible le cross-class cram down, le respect de la règle de la « priorité absolue » dans le plan de restructuration.
Cette règle de la priorité absolue correspond à un autre principe bien connu en droit américain (Chapter 11), « l’absolute priority rule » : sauf paiement intégral des créanciers ou accord de chaque classe de créanciers, les actionnaires n’ont pas vocation à être désintéressés.
Ce principe suppose aussi le respect des règles de priorité convenues avant l’ouverture de la procédure collective, notamment les accords de subordination.
Actuellement, le droit français des procédures collectives (article L.626-30-2 du Code de commerce) se contente de préciser que chaque projet de plan de sauvegarde ou de redressement prend en compte les accords de subordination entre créanciers conclus avant l’ouverture de la procédure et que tout créancier membre d’un comité tenu par des conventions de vote ou de subordination doit en informer l’administrateur judiciaire.
Le projet de loi PACTE prévoit donc le renforcement du respect des accords de subordination conclus avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde (et corrélativement de redressement judiciaire).
Seraient modifiés les articles L.626-9, L.626-18, L.626-30-2 et L.626-31 du Code de commerce.
Réduction de la durée de la suspension des poursuites individuelles
Les article 6 et 7 du projet de directive sont entièrement dédiés à la suspension des poursuites individuelles et à ses conséquences.
La suspension des poursuites constitue l’un des principes fondateurs du droit français des procédures collectives dans le cadre des procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire, surtout durant la période d’observation à compter du jugement d’ouverture qui a pour effet de suspendre les poursuites individuelles susceptibles d’être diligentées par les créanciers à l’encontre du débiteur.
Cette possibilité existe également dans le cadre de la procédure de conciliation mais de manière optionnelle et non automatique, il faut la demander au juge concernant un créancier identifié.
Le projet de loi PACTE prévoit d’aménager les règles relatives à la suspension des poursuites afin de réduire les délais des procédures.
Tout en reconnaissant la suspension des poursuites individuelles lorsqu’elle est nécessaire, l’article 6 du projet de directive insiste sur la limitation dans le temps de cette mesure :
- Période de 4 mois
- Pouvant être prolongée sous certaines conditions (progrès significatifs dans les négociations relatives au plan de restructuration, pas d’atteinte excessive aux droits des parties, forte probabilité d’adoption du plan) dans la limite de 12 mois (durée totale, prolongation comprise)
De plus, l’article 6 prévoit la possibilité d’une levée de la suspension des poursuites individuelles à la demande du débiteur ou du praticien de l’insolvabilité en cas de risque de blocage de l’adoption du plan de restructuration ou à la demande d’un créancier ou d’une classe de créanciers qui subirait un préjudice excessif du fait de cette suspension des poursuites.
Sur ce sujet, le projet de directive est manifestement plus sévère à l’égard du débiteur que le droit français des procédures collectives qui prévoit pour la sauvegarde ou le redressement judiciaire une période d’observation de 6 mois renouvelable 2 fois (donc 18 mois maximum).
En cas de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité, cette période d’observation est de 3 mois renouvelable une fois (donc 6 mois maximum).
Dans le cadre d’une conciliation, il est possible d’obtenir du juge des délais de paiements de 24 mois imposés à tout créancier réfractaire.
Il faut donc s’attendre à une réduction de ces délais pour se conformer à la durée maximale de 12 mois prévue par le projet de directive.
Seraient modifiés les articles L.611-7, L.621-3 et L.622-21 du Code de commerce.
Délai de remise totale des dettes : 3 ans maximum
Sur le thème de la seconde chance des entrepreneurs, l’article 20 du projet de directive intitulé « Délai de réhabilitation » précise que les entrepreneurs surendettés peuvent être pleinement libérés de leurs dettes après un délai de 3 ans maximum à compter :
- du jugement d’ouverture en cas de procédure liquidative
- ou de la mise en œuvre du plan de remboursement
L’article 22 prévoit toutefois des restrictions (allongement du délai de réhabilitation) à cette règle dans des cas bien précis.
Le projet de loi PACTE prévoit donc l’instauration d’un délai maximal de 3 ans entre le jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et la non-reprise des poursuites.
Mais étrangement, le projet de loi PACTE n’envisage pas de modifier l’article L.643-9 du Code de commerce qui mentionne le délai fixé par le tribunal de commerce dans le jugement d’ouverture au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée (en pratique 2 ans dans le régime général de la liquidation judiciaire).
En effet, la modification porterait uniquement sur l’article L.643-11 qui liste les cas où les créanciers peuvent exceptionnellement recouvrer leur droit de poursuite individuelle contre le débiteur après le jugement de clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif.
Pour rappel, les procédures de liquidation judiciaire simplifiée et de rétablissement professionnel également concernées par le projet de loi PACTE sont enfermées dans des délais plus courts.
Choix de l’administrateur judiciaire et du mandataire judiciaire
L’article 5.2 du projet de directive (l’article 5 est intitulé « débiteur non dessaisi ») précise que la désignation par une autorité judiciaire ou administrative d’un praticien dans le domaine des restructurations n’est pas obligatoire dans chaque cas.
Pour se conformer à cette disposition, le projet de loi PACTE prévoit l’obligation pour le tribunal de motiver le choix de l’administrateur judiciaire et du mandataire judiciaire désigné dans la procédure.
Seraient modifiés les articles L.611-3, L.621-3 et L.622-21 du Code de commerce.
Cette liste d’articles devant être modifiée permet d’affirmer que la motivation du choix du mandataire ad hoc et du conciliateur par le président du tribunal de commerce serait également prévue.
Le choix du liquidateur judiciaire n’est pas concerné par cette disposition car la liquidation judiciaire entraîne le dessaisissement du débiteur.
Rémunération des mandataires de justice : au mérite !
L’article 27 du projet de directive intitulé « surveillance et rémunération des praticiens dans le domaine de la restructuration, de l’insolvabilité et de la seconde chance » précise que les Etats Membres veillent à ce que les honoraires facturés par ces praticiens soient régis par des règles qui incitent à l’aboutissement rapide et efficient des procédures tout en tenant dûment compte de la complexité de l’affaire.
Pour se conformer à cette disposition, le projet de loi PACTE prévoit la prise en compte de la rapidité d’exécution des missions pour la fixation de la rémunération de l’administrateur judiciaire et du mandataire judiciaire.
Seraient modifiés les articles L.444-1 et L.621-4 du Code de commerce.
Intervention d’une autorité judiciaire en phase de prévention : si nécessaire et proportionnée
L’article 4.3 du projet de directive (l’article 4 est intitulé « disponibilité des cadres de restructuration préventive ») précise que les Etats Membres mettent en place des dispositions limitant l’intervention d’une autorité judiciaire ou administrative aux cas où cette intervention est nécessaire et proportionnée, de façon à sauvegarder les droits de toute partie concernée.
La France compte parmi les Etat Membres où l’intervention d’une autorité judiciaire dans les procédures amiables de prévention des difficultés (mandat ad hoc et conciliation) ou dans les procédures publiques (sauvegarde) est la plus fréquente. A l’opposé, le Royaume-Uni est vraisemblablement l’Etat Membre où cette intervention judiciaire est la moins fréquente.
Pour se conformer à cette disposition, le projet de loi PACTE prévoit la modification des articles L.611-3 (mandat ad hoc), L.611-4 (conciliation) et L.621-1 (sauvegarde) du Code de commerce sans pour autant préciser la portée des modifications envisagées.
Les procédures de redressement et de liquidation judiciaires n’étant pas des cadres de restructuration préventive, ne devraient pas être concernées par cette disposition du projet de directive.
Les créanciers pourraient demander l’ouverture d’une procédure de prévention des difficultés
L’article 4.4 du projet de la directive précise également que les cadres de restructuration préventive sont accessibles à la demande des débiteurs, ou à la demande des créanciers avec l’accord des débiteurs.
Or, en France, seul le débiteur est habilité à demander l’ouverture d’une procédure de prévention des difficultés amiable (mandat ad hoc ou conciliation) ou publique (sauvegarde).
La possibilité pour un créancier soucieux de la pérennité de son débiteur de solliciter cette ouverture, sous réserve de l’accord du débiteur, apparaît comme une excellente mesure. Elle favorisera un traitement en amont des difficultés.
Pour se conformer à cette disposition, le projet de loi PACTE prévoit la modification des articles L.611-3 (mandat ad hoc), L.611-4 (conciliation) et L.620-1 (sauvegarde) du Code de commerce.
Ici aussi, les procédures de redressement et de liquidation judiciaires ne sont pas concernées par cette mesure car il ne s’agit pas de procédures de prévention des difficultés mais de procédures collectives nécessitant un état de cessation des paiements avéré et pouvant être ouvertes à l’initiative d’un créancier sans l’accord du débiteur.
Validation du plan de sauvegarde ou de redressement par le tribunal
L’article 10 du projet de directive intitulé « validation des plans de restructuration » précise que les Etats Membres veillent à la validation des plans par une autorité judiciaire ou administrative mais également, parmi d’autres conditions, à ce qu’une décision soit prise dans les meilleurs délais après le dépôt de la demande de validation et, en tout état de cause, dans un délai maximal de 30 jours après celui-ci.
Or, ce délai de 30 jours n’existe pas en droit français des procédures collectives pour l’arrêté du plan de sauvegarde ou de redressement par le tribunal compétent.
Pour se conformer à cette disposition, le projet de loi PACTE prévoit la modification des articles L.626-9, L.626-18 et L.626-31 du Code de commerce.
ARTICLE 16 – Sûretés
Réforme des sûretés
Le gouvernement envisage une réforme importante du droit des sûretés afin de le simplifier, de le clarifier, de le moderniser, de le rendre plus lisible et de renforcer son efficacité tout en assurant un équilibre entre les divers intérêts.
Habilitation à réformer par voie d’ordonnance dans un délai de 2 ans
Pour réaliser ce chantier, le gouvernement sollicite du parlement une autorisation à prendre les mesures souhaitées par voie d’ordonnance dans un délai de 24 mois à compter de la publication de la loi.
Ensuite, dans un délai de 4 mois suivant la publication de l’ordonnance, le gouvernement déposera un projet de loi de ratification.
Projet de loi PACTE : 12 mesures
Ces mesures sont principalement au nombre de 12 :
- Réformer le droit du cautionnement
- Moderniser les règles du Code civil relatives aux privilèges mobiliers et supprimer les privilèges devenus obsolètes
- Préciser les règles du Code civil relatives au gage de meubles corporels qui soulèvent des difficultés d’application
- Abroger les sûretés mobilières spéciales tombées en désuétude ou inutiles, pour les soumettre au droit commun du gage
- Simplifier et moderniser les règles relatives aux sûretés mobilières spéciales dans les différents codes
- Harmoniser et simplifier les règles de publicité des sûretés mobilières
- Préciser les règles du Code civil relatives au nantissement de créance
- Compléter les règles du Code civil relatives à la réserve de propriété
- Consacrer dans le Code civil la possibilité de céder une créance à titre de garantie
- Assouplir les règles relatives à la constitution et à la réalisation de la fiducie-sûreté
- Améliorer les règles relatives aux sûretés réelles immobilières
Une meilleure articulation entre droit des sûretés et droit des procédures collectives
La douzième mesure concerne directement le droit des entreprises en difficulté.
Elle vise à simplifier, clarifier et moderniser les règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du Code de commerce, en particulier dans les différentes procédures collectives et notamment en adaptant les règles relatives aux sûretés au regard de la nullité de certains actes réalisés en période suspecte.
Objectifs
L’objectif du gouvernement est multiple :
- Modernisation
- Simplification
- Efficacité
- Sécurité juridique
- Lisibilité
- Et attractivité du droit français des sûretés au niveau international pour les investisseurs étrangers
ARTICLE 14 – La rémunération du chef d’entreprise
Actuellement systématiquement fixée par le juge-commissaire
En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, la rémunération du chef d’entreprise (entrepreneur personne physique ou dirigeant de la personne morale) est systématiquement fixée par une décision motivée du juge-commissaire qui aura préalablement consulté l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire et le chef d’entreprise lui-même.
Cette mesure n’existe pas en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde (maintien de la rémunération du chef d’entreprise).
Cette mesure n’est plus justifiée
Cette mesure est un héritage de l’ancienne loi de 1967 qui prévoyait le dessaisissement total du chef d’entreprise alors qu’actuellement, depuis la loi de 1985, il continue à exercer ses fonctions sous réserve de la mission confiée à l’administrateur judiciaire qui peut être plus ou moins importante.
De plus, dans les grandes entreprises, le niveau de rémunération constitue souvent un poste de charge marginal.
Et quelle que soit la taille de l’entreprise, cette rémunération peut ne pas être liée aux difficultés financières.
De fait, la fixation systématique de cette rémunération par le juge-commissaire n’est plus justifiée.
Cette mesure est vexatoire pour le chef d’entreprise
En pratique pour le chef d’entreprise, cette mesure est vécue comme un signe de défiance et de suspicion et peut porter atteinte à son honneur et sa réputation.
Elle rend la procédure collective encore plus stigmatisante pour lui.
Projet de loi PACTE : suppression du caractère systématique de cette mesure
L’option retenue consiste à supprimer le caractère systématique de cette mesure en retenant une approche au cas par cas.
En cas de redressement judiciaire, le juge-commissaire ne fixera plus systématiquement cette rémunération, mais uniquement sur demande de l’administrateur judiciaire ou du Procureur de la République.
Cette demande sera vraisemblablement formulée lorsque la rémunération du chef d’entreprise apparaitra problématique pour le redressement de l’entreprise et ceci en fonction de sa taille, de son secteur d’activité, mais aussi des fonctions toujours confiées au chef d’entreprise.
Le maintien de la rémunération du chef d’entreprise devient donc le principe et sa réduction l’exception.
Outre le respect du chef d’entreprise qui gardera le plus souvent le même niveau de rémunération, cette option engendrerait une économie de temps pour les tribunaux.
Inversement, en cas de liquidation judiciaire, le caractère systématique de cette mesure serait maintenu.
ARTICLE 15 – La liquidation judiciaire simplifiée (LJS)
LJS obligatoire et LJS facultative
La LJS est une procédure de liquidation judiciaire allégée et accélérée pour les petites entreprises ne détenant pas de bien immobilier.
Il existe 2 variantes de la LJS :
- Une procédure obligatoire destinée aux micro entreprises n’ayant pas plus d’1 salarié et un chiffre d’affaires égal ou inférieur à 300 000 € HT. Sa durée est de 6 mois avec une possible prorogation de 3 mois (9 mois maximum)
- Une procédure facultative destinée aux entreprises de moins de 6 salariés et un chiffre d’affaires égal ou inférieur à 750 000 € HT. Sa durée est de 12 mois avec une possible prorogation de 3 mois (15 mois maximum)
Avantages de la LJS : simplification et rapidité
La LJS a été créée en 2005 puis améliorée en 2008 et 2014.
Par rapport au régime général de la liquidation judiciaire, la LJS permet de simplifier la vérification des dettes, de vendre rapidement (4 mois maximum) les actifs sans autorisation préalable du juge-commissaire et de clôturer plus rapidement la procédure.
Les statistiques démontrent un recours croissant à la LJS qui représentait en 2017 53,6 % de l’ensemble des 43 700 procédures annuelles de liquidation judiciaire.
Néanmoins, de nombreuses LJS basculent dans le régime général de la liquidation judiciaire et ceci en raison du non-respect des délais de clôture jugés trop courts.
Pour choisir la meilleure option, le gouvernement a notamment fait une étude de droit comparé avec d’autres pays européens et les Etats-Unis.
Projet de loi PACTE : la LJS facultative est supprimée et la LJS obligatoire est étendue
L’analyse du gouvernement conclue à la nécessité d’étendre le champ d’application de la LJS obligatoire aux entreprises ayant moins de 6 salariés et réalisant un chiffre d’affaires de moins de 750 000 €.
Avec cette mesure, le gouvernement a identifié plusieurs avantages :
- Simplification de la LJS qui devient une procédure à 2 vitesses désormais intégralement obligatoire
- Maintien de 2 durées distinctes adaptées à la taille de l’entreprise avec des seuils d’effectif et de chiffre d’affaires propres restant à déterminer
- Un allégement des frais de justice
- Une réduction des délais de procédure
Objectif : rebond rapide des entrepreneurs
En élargissant le champ de la LJS obligatoire, l’objectif du gouvernement est multiple :
- Favoriser un rebond rapide des entrepreneurs et leur retour à l’emploi
- Encourager l’entreprenariat (dynamique de création d’entreprises)
- Eviter une contagion aux entreprises saines
- Consolider le tissu économique
Un objectif partagé avec la Commission européenne
Cette mesure répond également à certaines exigences de la proposition de directive européenne du 21 novembre 2016 relative aux cadres de restructuration préventive, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficience des procédures d’insolvabilité analysée ci-dessus.
Ce projet de directive favorise en effet le droit au rebond de l’entrepreneur avec un délai de réhabilitation de 3 ans maximum ; délai largement supérieur aux délais de clôture d’une LJS qui sont de 9 ou 15 mois maximum.
Actuellement en France, la durée moyenne d’une procédure de liquidation judiciaire régime général est de 2 ans et demi.
ARTICLE 15 – Le rétablissement professionnel
Un outil créé en 2014
Le rétablissement professionnel constitue la principale nouveauté de l’ordonnance du 12 mars 2014.
Cet outil est l’expression même de la culture en vogue de la seconde chance accordée aux entrepreneurs en difficultés non récidivistes.
Réservé aux entrepreneurs non récidivistes, sans salarié et avec très peu d’actifs
Il s’agit d’une procédure d’enquête d’une durée de 4 mois réservée aux entrepreneurs personnes physiques (donc pas aux sociétés) en cessation des paiements mais ne faisant pas l’objet d’une procédure collective en cours, dont le redressement est manifestement impossible, non récidivistes (n’ayant pas fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire depuis 5 ans), sans salariés et dont la valeur de l’actif est inférieure à 5 000 €.
Demande d’ouverture à titre subsidiaire
Pour en bénéficier, l’entrepreneur doit saisir le tribunal par une demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire tout en sollicitant subsidiairement l’ouverture d’un rétablissement professionnel.
Au terme d’une enquête, le tribunal peut soit rejeter la demande, soit ouvrir une liquidation judiciaire, soit prononcer le rétablissement professionnel.
Effacement rapide des dettes
Le rétablissement professionnel aboutit à l’effacement des dettes déclarées.
Mais ce coup d’éponge furtif est refusé au chef d’entreprise qui a menti sur sa situation patrimoniale. Auquel cas le tribunal ouvre une procédure de liquidation judiciaire.
Alternative à la liquidation judiciaire facilitant le rebond
Cette procédure ne produit pas les effets néfastes d’une procédure collective comme le dessaisissement de l’entrepreneur.
Au contraire, elle facilite son rebond.
Outil prometteur
En 2013, la France comptait 63 000 nouvelles procédures collectives par an, dont un tiers de liquidations judiciaires impécunieuses d’entreprises sans salarié.
Cet outil devait potentiellement réduire de 20 000 le nombre de procédures collectives et ainsi redorer l’image d’une France entreprenante.
Mais très peu utilisé
Sur 3 ans, entre 2014 et 2017, seulement 517 rétablissements professionnels ont été ouverts pour 697 demandes.
Projet de loi PACTE : examen systématique des conditions d’ouverture du rétablissement professionnel
A chaque fois que le tribunal sera saisi par le débiteur, un créancier ou le Procureur de la République d’une demande de résolution d’un plan de sauvegarde ou d’un plan de redressement, d’une demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, l’examen des critères d’ouverture d’un rétablissement professionnel sera un préalable obligatoire.
Création de passerelles entre procédures collectives et rétablissement professionnel
La condition liée à l’absence de procédure collective en cours est par ailleurs supprimée, ce qui permet d’envisager la possibilité d’ouvrir un rétablissement professionnel alors même que l’entrepreneur est déjà placé en sauvegarde, en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.
Avec cette mesure, il sera possible de créer des passerelles entre une procédure collective et le rétablissement professionnel, notamment lorsque la conversion d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire en procédure de liquidation judiciaire sera demandée.
Si l’examen du rétablissement professionnel deviendra obligatoire, son ouverture restera soumise à l’accord du débiteur et ne sera donc pas obligatoire.
Les avantages de cette mesure
Avec cette mesure, le gouvernement a identifié plusieurs avantages :
- Imposer aux juridictions et aux praticiens l’examen de la pertinence d’un rétablissement professionnel
- Elargir les occasions d’ouvrir un rétablissement professionnel, notamment en amont des difficultés
- Familiariser les juridictions et les praticiens à cet outil
- Rester sur une démarche volontaire du débiteur en lui laissant l’option de ne pas poursuivre son activité et de bénéficier d’un effacement de ses dettes professionnelles sans liquidation
Objectif : augmenter le nombre d’ouvertures de rétablissements professionnels
Outre l’augmentation des ouvertures de rétablissement professionnel, l’objectif du gouvernement est multiple :
- Favoriser un rebond rapide des entrepreneurs de bonne foi
- Anticiper plus amont les difficultés
- Sauver de la liquidation judiciaire les petits débiteurs personnes physiques qui se sont lancés dans l’entrepreneuriat pour échapper à une situation de non emploi et qui n’ont quasiment aucun actif à liquider
- Faire l’éloge de l’apprentissage par l’échec pour un fresh start
ARTICLE 19 – Repreneur et solidarité dans les baux commerciaux
Le plan de cession : outil attractif de reprise d’une entreprise en difficulté
Une offre de reprise déposée par un candidat repreneur dans le cadre d’un plan de cession est une technique de reprise d’une entreprise en difficulté.
Elle vise la reprise d’un ensemble d’éléments d’exploitation qui forment une ou plusieurs branches complètes et autonomes d’activité.
Le plan de cession est outil de reprise attractif car comportant des dispositions dérogatoires du droit commun favorables au repreneur.
Prepack cession
En 2017, il y a eu 1150 plans de cession et cet outil de reprise a été encouragé par la réforme de 2014 qui a créé le prepack cession qui consiste à préparer l’opération de reprise dans une procédure amiable et confidentielle (mandat ad hoc ou conciliation) et de la mettre en œuvre très rapidement dans le cadre d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire (plan de cession pré-négocié).
Reprise du bail commercial
Le contrat de bail commercial fait très souvent partie des contrats repris car essentiel à la poursuite de l’activité.
Risque pour le repreneur : loyers antérieurs à la cession demeurés impayés
En cas de cession du bail commercial dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le droit des procédures collectives répute non écrite toute clause du bail rendant le locataire cédant en procédure collective solidaire des loyers dus par le locataire acquéreur.
Par contre, il n’existe pas de disposition semblable pour la clause de garantie inversée présente dans le contrat de bail commercial qui rend le locataire acquéreur du bail garant avec le locataire cédant pour les loyers antérieurs dus à la date de la cession.
La jurisprudence de la Cour de cassation, malgré tout assez peu connue, confirme l’opposabilité de cette clause au repreneur d’une entreprise en difficulté dans le cadre d’un plan de cession.
En présence de loyers impayés, ce risque de transfert de dettes (montant des loyers antérieurs impayés) vers le repreneur peut donc constituer un obstacle important à la reprise d’une entreprise en difficulté dans le cadre d’un plan de cession.
Projet de loi PACTE : neutralisation de la clause de garantie inversée
Le projet de loi PACTE prévoit de rendre non écrite « toute clause imposant au cessionnaire d’un bail des dispositions solidaires avec le cédant ».
Cette neutralisation n’aura pas d’effet sur le dépôt de garantie qui devra toujours être reconstitué par le repreneur, en pratique entre les mains de l’administrateur judiciaire.
Objectif : renforcer l’attractivité du plan de cession
Cette disposition facilitera la reprise d’une entreprise en difficulté dans le cadre d’un plan de cession mais ne s’appliquera pas en cas de cession isolée du bail commercial en dehors d’un plan de cession, que ce soit en sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire.
C’est la poursuite de l’activité et le maintien de l’emploi, critères légaux du plan de cession, qui justifient cette distinction.
De fait, selon le gouvernement, le nombre de baux en déshérence devrait diminuer ainsi que le nombre de licenciements et les créanciers (chirographaires notamment) auront potentiellement plus de chances d’être désintéressés.
ARTICLE 17 – Publicité du privilège du Trésor Public
Le régime actuel
Les créances du Trésor Public sont garanties par un privilège général qui s’exerce sur tous les biens meubles appartenant au débiteur.
Lorsque sa créance excède 15 000 €, l’administration fiscale dispose d’1 mois pour envoyer au Greffe du Tribunal de commerce compétent un bordereau de publicité et ceci à l’expiration d’un délai de 9 mois à compter de l’émission du titre exécutoire (mise en demeure de payer) ou de la date à laquelle le redevable a encouru une majoration pour défaut de paiement (donc 10 mois maximum).
Si cette formalité n’est pas effectuée, le Trésor Public perd son privilège en cas d’ouverture d’une procédure collective et il est traité comme un créancier ordinaire (chirographaire) avec une très faible chance de remboursement.
Un processus de publicité contesté et redouté par les entreprises
Cette publicité est effectuée sur un calendrier glissant au terme du délai de 9 mois et n’est donc pas prévisible pour les entreprises qui n’ont pas la possibilité d’anticiper la date à laquelle la publicité interviendra.
De plus, cette publicité est faite alors même que l’entreprise redevable a contesté le montant de sa dette et demande un sursis de paiement.
Cette publicité est donc mal vécue, voire stigmatisante et peut entraîner une aggravation des difficultés économiques.
Les partenaires de l’entreprise sont en effet tentés de se détourner d’elle alors même que sa dette publique est peu élevée (15 000 €)
Chronophage pour l’administration fiscale
Enfin, la gestion de ces formalités de publicité non automatisables sont complexes et chronophages pour l’administration fiscale.
Projet de loi PACTE : 2 dates à retenir et un seuil de dette relevé
Pour une meilleure visibilité, la publicité sera faite au plus tard le 31 juillet de l’année en cours pour les dettes du premier semestre et au plus tard le 31 janvier de l’année suivante pour les dettes du second semestre.
Le comptable public tiendra compte des versements effectués par l’entreprise.
Pour limiter les effets de cette publicité sur les PME et la circonscrire aux cas présentant un réel enjeu, le seuil de dette rendant la publicité obligatoire sera relevé de 15 000 € à 200 000 €.
Cette publicité n’interviendra pas en cas de dépôt par le redevable d’une réclamation d’assiette assortie d’une demande de sursis de paiement.
Comme aujourd’hui, l’inscription de privilège sera radiée en cas de paiement avant la date de publication ou si l’entreprise obtient un moratoire de paiement.
Avec cette mesure, le gouvernement anticipe une baisse importante du nombre annuel d’inscriptions de privilège qui passerait de 36 200 (statistiques 2015) à environ 9 068 (soit 27 132 inscriptions en moins) et une économie d’environ 100 K€ de frais de greffe.
Un risque pour la détection des entreprises en difficulté ?
On peut s’interroger sur les conséquences néfastes du relèvement du seuil de publicité obligatoire quant à la détection des entreprises en difficulté, tant par les créanciers eux-mêmes que par les services de prévention des difficultés des tribunaux de commerce (sous la responsabilité du président du tribunal) qui utilisent bien souvent ces inscriptions de privilège pour convoquer les dirigeants afin d’évoquer avec eux, sur une base confidentielle, les éventuelles difficultés financières de leur entreprise.
Sur ce point, le gouvernement relativise en rappelant qu’il existe de nombreuses autres sources d’information disponibles sur la santé financière des entreprises, comme le non-dépôt des comptes annuels.
ARTICLE 18 – Traitement des créances fiscales et sociales publiques
Le régime dérogatoire actuel
Tous les créanciers, hormis les salariés, doivent déclarer leurs créances dans un délai de 2 mois (créanciers français) ou 4 mois (créanciers étrangers) suivant la date de publication du jugement d’ouverture de la procédure collective au BODACC.
Les créances du Trésor Public et des organismes de prévoyance et de Sécurité sociale qui n’ont pas fait l’objet d’un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel.
Sous réserves des procédures en cours, leur établissement définitif doit ensuite intervenir dans le délai fixé par le tribunal de commerce au mandataire judiciaire pour établir la liste des créances déclarées (délai de 3 à 12 mois selon les tribunaux).
De manière dérogatoire, si une « procédure administrative d’établissement de l’impôt » a été mise en œuvre, l’établissement définitif de ces créances publiques doit être effectué avant le dépôt au greffe du compte rendu de fin de mission du mandataire judiciaire et le délai de cet établissement définitif est suspendu par la saisine de la commission compétente jusqu’à la réception par le contribuable de l’avis de cette commission ou celle d’un désistement.
Ralentissement de la procédure collective et risque d’annulation de dette publique
Pour certains impôts (TVA et cotisations foncières) ayant un fait générateur antérieur à l’ouverture de la procédure collective et une date d’exigibilité postérieure, l’émission du titre exécutoire ne peut pas intervenir dans le délai d’établissement de la liste des créances.
Or, une jurisprudence de la Cour de cassation du 25 octobre 2017 considère que seul l’engagement d’une procédure de contrôle fiscal ou de rectification de l’impôt est visée par la notion de « procédure administrative d’établissement de l’impôt ».
Cette jurisprudence a pour effet d’écarter du dispositif de déclaration à titre définitif les impôts dont le fait générateur diffère de la date de son exigibilité avec un risque d’annulation de dette publique exigible.
Ce régime dérogatoire a également pour effet d’entraver l’action des mandataires judiciaires, d’allonger les délais de procédure et donc de retarder la clôture de la procédure collective, ce qui va à l’encontre de l’objectif de rebond des entreprises.
Projet de loi PACTE
Clarification sur le régime dérogatoire
La dérogation permettant à l’administration fiscale d’établir ses créances non pas avant le dépôt par le mandataire judiciaire de la liste des créances mais plus tard avant le dépôt au greffe de son compte rendu de fin de mission ne s’appliquera plus en cas de procédure d’établissement de l’impôt, mais uniquement en cas de procédure de contrôle ou de rectification de l’impôt (solution jurisprudentielle).
Fixation d’une nouvelle date butoir
En dehors des procédures de contrôle et de rectification de l’impôt, le projet de loi PACTE prévoit la fixation d’une date butoir de 12 mois pour l’émission du titre exécutoire (établissement définitif des créances). Le point de départ de ce délai de 12 mois devrait commencer à courir à compter de la date de parution du jugement d’ouverture au BODACC, mais le texte actuel n’est pas assez précis pour l’affirmer.
Cette date butoir s’appliquera en présence d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
Dans l’hypothèse d’une procédure de liquidation judiciaire, la date butoir demeurera la date de dépôt de la liste des créances.
Objectifs
Les objectifs du gouvernement sont de favoriser la clôture rapide de la procédure collective et le rebond rapide de l’entreprise tout en préservant les chances de paiement des créances publiques.