Le prélèvement à la source (PAS), entrera très prochainement en application après avoir été aménagé et différé. Nous vous proposons une analyse synthétique des principales dispositions initialement prévues par la loi de finances pour 2017, puis aménagées par la loi de finances rectificative pour 2017, ainsi qu’un rappel des textes d’application et commentaires administratifs publiés à ce jour.
Instauration du prélèvement à la source de l’IR par la LF 2017 (loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, art. 60)
La loi de finances pour 2017 a prévu les modalités de mise en œuvre d’un prélèvement à la source de l’IR. Elle a également instauré un crédit d’impôt exceptionnel, destiné à éviter que la première année de son application, les contribuables acquittent à la fois le prélèvement sur leurs revenus contemporains et les impositions dues au titre de l’année précédente. Pour autant, cette réforme ne modifie ni les règles de calcul de l’IR, ni l’obligation de déposer une déclaration des revenus de l’année N en N+1.
En définitive, son principal objet est de rendre le paiement de l’impôt contemporain de la perception des revenus.
La date d’effet de ce prélèvement à la source qui avait été initialement prévue pour le 1er janvier 2018 a été reportée au 1er janvier 2019 (ordonnance n° 2017-1390 du 22 septembre 2017).
Champ du prélèvement à la source
Le prélèvement prendra la forme :
- d’une retenue à la source (salaires, pensions et rentes viagères à titre gratuit)
- ou d’un acompte acquitté par le contribuable (BIC, BA, BNC, revenus fonciers, rentes viagères à titre onéreux, pensions alimentaires et certains revenus de source étrangère)
Ainsi, ne seront notamment pas soumis à ce prélèvement, les plus-values immobilières et les revenus de capitaux mobiliers, les plus-values de cession de valeurs mobilières, les indemnités pour préjudice moral, stock-options, actions gratuites, BSPCE, les distributions et gains de FCPR, les revenus de source étrangère imposables en France mais ouvrant droit à crédit d’impôt en application des conventions internationales.
Situation des non-résidents
Afin de prévenir tout risque de double imposition, les revenus soumis à la retenue à la source prévue notamment à l’article 182 A du CGI ne donneront pas prise au prélèvement à la source (CGI, art. 204 D nouveau). Cet arbitrage qui exclut les contribuables non-résidents de la réforme du prélèvement à la source a été confirmé par une réponse ministérielle (Rm Louis Duvernois, JO Sénat, 9 mars 2017, p. 1016, n° 22225).
Pour mémoire, les traitements, salaires, pensions et rentes viagères, de source française et versés à des personnes dont le domicile fiscal se situe hors de France donnent lieu à l’application d’une retenue à la source (CGI, art. 182 A). Les conventions fiscales peuvent néanmoins venir écarter l’application de cette retenue à la source, comme c’est le cas par exemple pour la convention fiscale franco-sénégalaise.
Obligations déclaratives
La déclaration annuelle des revenus reste obligatoire (CGI, art. 170 1 al. 1).
Recouvrement du solde
Le solde de l’IR sera recouvré après imputation des réductions et crédits d’impôt, prélèvements, retenues à la source et acomptes. Au-delà de 300 €, il sera recouvré par prélèvements mensuels d’égal montant à partir du 2e mois suivant la mise en recouvrement du rôle, le dernier prélèvement intervenant en décembre.
On peut penser qu’il résulte de cette modalité de recouvrement du solde que les retenues à la source opérées par l’employeur sont libératoires quelle que soit la situation de ce dernier au regard de leur reversement au Trésor.
Taux de droit commun et grille de taux par défaut
Le taux de prélèvement de droit commun sera calculé par l’Administration sur la base de la dernière situation connue du foyer fiscal. Il sera ainsi déterminé en considération des données fiscales du foyer de l’année N-2 (dernières informations connues de l’Administration en début d’année N), revues en septembre de l’année N par les données fiscales du foyer pour l’année N-1 (données connues de l’Administration à cette date).
En l’absence de communication du taux par l’administration fiscale (ex. primo-déclarants), ou en cas d’option par le contribuable pour un taux individualisé ou neutre, il sera appliqué un taux par défaut (i.e. un taux proportionnel sur la base d’une grille de taux neutres dépendant du montant de la rémunération versée).
S’agissant des salariés recrutés dans le cadre de CDD n’excédant pas deux mois ou dont le terme est imprécis, ce taux s’appliquera, dans la limite des deux premiers mois d’embauche, après application d’un abattement égal à la moitié du SMIC.
Néanmoins, en cas d’insuffisance de versement, le contribuable sera tenu de calculer et de verser un complément de retenue à la source.
Individualisation au sein des couples
Sur option du contribuable, il sera possible d’individualiser le taux du prélèvement pour chacun des conjoints ou partenaires liés par un PACS. Les revenus pris en compte pour le calcul du taux individualisé seront constitués de ceux dont le contribuable a personnellement disposé (salaires notamment) et de la moitié des revenus communs en retenant, notamment, la moitié des déficits, charges et abattements.
Modulation du prélèvement
Si aucune condition particulière n’assortit la modulation à la hausse, en revanche, la modulation à la baisse ne sera possible que si le montant du prélèvement estimé par le contribuable est inférieur de plus de 10 % et 200 € au montant qu’il supporterait en l’absence de modulation.
Modalités de versement de l’acompte
L’acompte calculé par l’administration fiscale sera versé par douzième, au plus tard le 15 de chaque mois. Sur option du contribuable, exercée au plus tard le 1er octobre de l’année N-1, l’acompte pourra être versé, par quart, au plus tard les 15 février, 15 mai, 15 août et 15 novembre.
Paiement par le collecteur
Les sommes prélevées par l’organisme collecteur (employeurs privés et publics, Pôle emploi notamment) devront être reversées au comptable public le mois suivant celui au cours duquel a eu lieu la retenue. Par dérogation, ce versement pourrait être effectué au plus tard le mois suivant le trimestre au cours duquel ont eu lieu les prélèvements lorsque le collecteur est une entreprise qui emploie moins de 11 salariés.
Crédit d’impôt « modernisation du recouvrement » (CIMR)
Les contribuables bénéficieront, à raison des revenus non exceptionnels perçus ou réalisés en 2018, d’un crédit d’impôt destiné à assurer, pour ces revenus, l’absence de double contribution aux charges publiques en 2019.
Ce crédit d’impôt sera égal au montant de l’impôt sur le revenu du foyer résultant de l’application du barème en vigueur, multiplié par le rapport entre les revenus non exceptionnels de l’année 2018 relevant du prélèvement à la source (hors retenue à la source spécifique de 15 % prévue à l’article 182 C du CGI et les déficits étant retenus pour une valeur nulle) et le revenu net imposable du foyer soumis au barème. Le montant ainsi obtenu sera diminué des crédits d’impôt prévus par les conventions internationales et afférents aux revenus relevant de l’assiette de la retenue à la source. Le crédit d’impôt s’imputera sur l’IR dû au titre de l’année 2018 après imputation des réductions et crédits d’impôt, ainsi que de tous les prélèvements ou retenues non libératoires. L’éventuel excédent donnera lieu à restitution. On notera que ce crédit d’impôt ne sera pas concerné par le mécanisme de plafonnement global des avantages fiscaux.
Seront notamment considérés comme exceptionnels les revenus suivants :
- indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail (sauf indemnités compensatrices de congés payés et indemnités compensatrices de préavis, indemnités de fin de CDD ou de fin de mission d’intérim) ou de la cessation des fonctions des mandataires sociaux et dirigeants
- indemnités ou avantages versés à l’occasion de la prise de fonction d’un mandataire social (« golden hellos »)
- primes de signatures et indemnités perçues par les sportifs et professionnels à l’occasion des transferts pratiqués dans les « mercato » des divers championnats professionnels
- prestations de retraite servies sous forme de capital
- sommes perçues au titre de la participation ou de l’intéressement non affectées à un plan d’épargne dans les conditions prévues par le Code du travail
- gratifications surérogatoires (gratifications accordées sans lien avec le contrat de travail ou le mandat social ou qui vont au-delà de ce qu’ils prévoient, quelle que soit la dénomination sous laquelle l’employeur a procédé à ces versements)
- de manière générale, les revenus correspondant par leur date normale d’échéance à une ou plusieurs années antérieures ou postérieures et tout autre revenu qui, par sa nature, n’est pas susceptible d’être recueilli annuellement
En cas d’incertitude, les employeurs disposent d’une procédure de rescrit afin d’obtenir une prise de position formelle de l’Administration sur le traitement fiscal qui sera appliqué en 2019 aux différents éléments de la rémunération qu’ils versent en 2018. L’absence de réponse de l’Administration dans les trois mois de la demande vaut acception de celle-ci.
On notera que la loi prévoit également des critères spécifiques pour la détermination des revenus non exceptionnels s’agissant des revenus fonciers, des revenus des indépendants et des revenus salariaux des dirigeants.
En cas de transfert par le contribuable de son domicile hors de France (application de l’« exit tax »), des modalités de calcul particulières du CIMR sont prévues.
Clause générale anti-optimisation
L’Administration pourra demander au contribuable des justifications sur tout élément servant de base à la détermination du CIMR. Dans le cas où sa réponse ferait apparaitre qu’il a procédé à des opérations ayant eu principalement pour objet et pour effet d’augmenter le montant du CIMR, l’Administration pourra remettre en cause le montant de ce crédit d’impôt selon les procédures prévues aux articles L. 55 et suivants du LPF.
En outre, pour l’IR dû au titre de l’année 2018, le droit de reprise de l’Administration s’exercera jusqu’à la fin de la quatrième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.
Enfin, le CIMR ne sera accordé qu’à raison des impositions issues de revenus déclarés spontanément.
Aménagement du prélèvement à la source de l’IR par la 2e LFR 2017 (loi n°2017-1775 du 28 décembre 2017, art 11)
Au-delà du report de son entrée en vigueur par l’ordonnance du 22 septembre 2017, plusieurs mesures de simplification ont été apportées par la 2e LFR 2017
Rémunération des gérants et associés relevant de l’article 62 du CGI
L’acompte, applicable notamment pour les BIC, BA, BNC, revenus fonciers, rentes viagères à titre onéreux ou pensions alimentaires, sera également applicable aux rémunérations des gérants et associés relevant de l’article 62 du CGI ainsi qu’aux droits d’auteur déclarés en salaires.
Prélèvements sociaux dus sur les revenus d’activité et de remplacement de source étrangère perçus par certains contribuables
Il était prévu d’appliquer le prélèvement à la source à la CSG due sur les revenus d’activité et de remplacement de source étrangère perçus par certains contribuables (CGI, art. L. 136-5, II bis).
Pour des raisons techniques, cette mesure a finalement été supprimée, de même que pour les revenus soumis à la retenue à la source prévue par l’article 182 A ter du CGI (gains tirés de levées d’option, gains de cession de BSPCE, avantages tirés de l’attribution gratuite d’actions réalisés en France par des personnes qui n’y sont pas domiciliées).
Par ailleurs, les prélèvements sociaux à la source sur les revenus du patrimoine seront opérés sans application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu à l’article 158, 7° du CGI.
Sanctions en cas de modulation contemporaine à la baisse erronée du PAS
Le régime des sanctions en cas de modulation contemporaine à la baisse erronée du PAS est assoupli. Il était prévu par la LF 2017 que la modulation à la baisse donne lieu à l’application des sanctions suivantes (CGI, art. 1729 G) :
- une majoration de 10 % lorsque le montant du prélèvement calculé au taux de droit commun sur les revenus effectivement constatés se serait avéré inférieur de moins de 10 % ou de moins de 200 € au montant du prélèvement qui aurait été effectué en l’absence de modulation. L’assiette de la pénalité aurait alors été égale à la différence positive entre le montant du prélèvement qui aurait été effectué en l’absence de modulation et le montant du prélèvement effectué
- une majoration proportionnelle à l’écart constaté entre le montant du prélèvement effectué et celui qui aurait été effectué en l’absence de modulation lorsque cet écart est supérieur à 30 %. En pratique, le taux de la majoration sera égal à la moitié de cet écart rapportée au montant du prélèvement effectué
Cette seconde majoration est conservée. La majoration de 10 % concernera quant à elle uniquement les modulations à la baisse lorsque le montant du prélèvement calculé au taux de droit commun sur les revenus effectivement constatés s’avèrera inférieur de plus de 10 % au montant du prélèvement qui aurait dû être effectué en l’absence de modulation. Les modulations inférieures à 10 % ou de moins de 200 € par rapport au montant du prélèvement qui aurait été effectué en l’absence de modulation ne seront donc finalement pas sanctionnées.
Amende applicable en cas de défaillance déclarative
Le montant minimum de l’amende applicable en cas de défaillance déclarative de la part du collecteur, initialement égal à 500 €, est revu à la baisse et fixé à 250 € (CGI, art. 1759-0 A).
Sanctions applicables en cas de non-versement au comptable public des retenues effectuées par le tiers collecteur
L’entreprise qui n’aura ni déclaré ni versé au comptable public les retenues effectuées, sera, si le retard excède un mois, en principe, passible d’une amende de 1 500 € au plus (peine plafond, également prévue en cas de rétention des cotisations salariales précomptées sur le salaire, CSS, art. R 244-3). En cas de récidive dans un délai de 3 ans, la sanction sera portée à 2 ans d’emprisonnement et une amende de 3 750 € (ou de l’une des deux peines seulement). Pour mémoire, la LF 2017 avait prévu une amende de 9 000 € et une peine de 5 ans d’emprisonnement.
Sanctions applicables en cas de violation de l’obligation de confidentialité pesant sur le tiers collecteur
Pour rappel, sauf opposition du contribuable et option de celui-ci pour le taux par défaut, l’Administration transmettra au tiers collecteur le taux du prélèvement applicable avec le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques correspondant. Ces informations seront recueillies, détenues ou transmises aux seules fins d’opérer le prélèvement à la source et sont couvertes par le secret professionnel.
La violation de cette obligation de confidentialité sera punie d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende (Code pénal, art. 226-13, relatif à l’atteinte au secret professionnel). Ces sanctions s’appliqueront également en cas d’usage détourné du taux d’imposition à des fins autres que celles prévues par la loi.
Pour mémoire, la LF 2017 avait initialement prévu une amende de 300 000 € et une peine de 5 ans d’emprisonnement (Code pénal, art. 226-21).
Préfiguration du PAS
Les entreprises qui le souhaitent (et qui seront en mesure de le faire), pourront effectuer la préfiguration de la retenue à la source sur les salaires versés dès le 1er septembre 2018.
Par mesure de cohérence, elles seront ainsi soumises au secret professionnel au titre des informations collectées dès le 1er septembre 2018 (et non à compter du 1er octobre 2018).
Textes d’application et commentaires administratifs
Décret et arrêté d’application
Un arrêté et un décret ont précisé les informations déclarées et réceptionnées mensuellement par les tiers collecteurs en vue d’appliquer le taux de prélèvement à la source aux sommes qu’ils versent, et ont fixé les dates auxquelles ces données sont échangées.
Les informations relatives au prélèvement à la source déclarées mensuellement à l’administration fiscale par les débiteurs de la retenue à la source, dans la déclaration sociale nominative dite « DSN », ou dans la déclaration dite « PASRAU », comprendront notamment celles relatives à l’identification des bénéficiaires des revenus, à leurs rémunérations, aux taux et aux montants de PAS appliqués, ainsi que celles relatives au paiement du PAS.
Sont également fixées les conditions dans lesquelles la DGFiP transmet aux débiteurs de la retenue à la source les taux de PAS applicables aux bénéficiaires de revenus, via un « compte rendu » mis à disposition des débiteurs de la retenue à la source.
Enfin, sont précisées les conditions dans lesquelles sont désignés les représentants fiscaux lorsque le débiteur de la retenue à la source n’est pas établi en France.
Commentaires administratifs
Commentaires administratifs intéressant les collecteurs
Ils concernent notamment :
- Les personnes tenues d’effectuer la retenue à la source (BOI-IR-PAS-30-10-10)
- La phase préparatoire à la mise en œuvre du prélèvement à la source (BOI-IR-PAS-30-10-15)
- Les modalités de mise à disposition et d’application du taux de prélèvement à la source (BOI-IR-PAS-30-10-20)
- Les obligations des personnes tenues d’effectuer la retenue à la source (BOI-IR-PAS-30-10-30)
Commentaires administratifs intéressant les contribuables
On retiendra en particulier :
- Le champ d’application du dispositif (BOI-IR-PAS-10)
- Le calcul du prélèvement (BOI-IR-PAS-20)
- Les modalités d’application de l’acompte (BOI-IR-PAS-30-20)
- Le prélèvement à la source des contributions et prélèvements sociaux (BOI-IR-PAS-40)
Mais on ne peut que déplorer que les commentaires portant sur l’année blanche et les modalités d’application du CIMR ne soient pas encore publiés.