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Non-transmission d’une QPC relative à la CRIM

Le Conseil d’Etat refuse la transmission d’une QPC portant sur la constitutionnalité de la contribution sur la rente infra-marginale (CRIM), instaurée à titre temporaire par la LF 2023.

Éléments de contexte

La LF 2023 a transposé en droit français l’une des mesures prévues par le Règlement européen 2022/1854 sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie, en instaurant une contribution temporaire sur la rente infra-marginale de la production d’énergie (CRIM).

Cette contribution s’applique à toutes les installations de production d’électricité (sous réserve de certaines exclusions, expressément prévues par le législateur).

Elle est due par l’exploitant de l’installation de production.

Le montant de la contribution correspond à la fraction des revenus de marché de l’exploitant de l’installation excédant un seuil forfaitaire par MWh vendu, variable en fonction de la source d’énergie produite (éolien, nucléaire, biomasse, etc.)

L’assiette ainsi déterminée fait ensuite l’objet d’un abattement.

Il était initialement prévu que la contribution ne soit prélevée qu’au titre de périodes de taxation s’étalant entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023.

La LF 2024 a toutefois prorogée la CRIM pour la période comprise entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2024, en réduisant sensiblement son montant (notamment, en portant l’abattement pratiqué sur l’assiette de 10 % à 50 %).

Des sociétés du secteur des énergies renouvelables ont attaqué, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, le décret du 28 juin 2023 (n°2023-522) précisant les modalités de déclaration et de paiement de la CRIM. A l’appui de cette requête, une QPC dirigée contre la CRIM elle-même (dans sa version issue de la LF 2023) a été déposée.

La décision de non-transmission du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat écarte les différents griefs formulés par les sociétés requérantes.

Principe d’égalité devant la loi (art. 6 de la DDHC)

Les sociétés arguaient que les seuils de taxation des différentes technologies de production d’électricité retenus n’avaient pas été fixés selon des critères objectifs et rationnels, pénalisant les producteurs utilisant des sources d’énergie renouvelables.

Le Conseil d’Etat écarte l’argument et juge, au contraire, qu’en fixant le seuil unitaire selon lequel les technologies de production d’électricité utilisées par les producteurs – et par voie de conséquence  le forfait au-delà duquel les revenus de marché entrent dans l’assiette de la CRIM – le législateur a entendu prendre en compte les différences significatives de coûts de production constatés selon la technologie utilisée, et ainsi ajuster les seuils aux conditions normales de rentabilité propres à chaque technologie de production.

Aussi, la différence de traitement entre producteurs d’électricité était bien fondée sur une différence de situation en rapport avec l’objet des dispositions législatives contestées.

Prohibition des impositions confiscatoires (découlant du principe d’égalité devant les charges publiques garanti par l’art. 13 de la DDHC)

Les sociétés requérantes soutenaient que la CRIM présentait un caractère confiscatoire, en faisant peser sur les producteurs d’électricité une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. A cet égard, elles faisaient notamment valoir que le législateur français avait retenu des seuils de taxation inférieurs à ceux pratiqués dans les autres Etats membres, sans tenir compte de la circonstance que les sociétés exploitant des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables sont souvent déficitaires.

Le Conseil d’Etat considère que tel n’est pas le cas, après avoir notamment souligné :

Rappelons qu’en outre, le Conseil constitutionnel est extrêmement rigoureux lorsqu’il s’agit de reconnaître le caractère confiscatoire d’une contribution (notamment, validation de la contribution applicable à la progression du chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques, décision du 19 décembre 2000, n°2000-437 DC, ou encore de la taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations mise à la charge des employeurs au titre des années 2013 et 2014, aboutissant à un taux d’imposition de 75 %, décision du 29 décembre 2013, n°2013-685 DC).

Rétroactivité / « Rétrospectivité » des dispositions concernées

Les requérantes faisaient enfin valoir que la CRIM serait rétroactive, en ce qu’elle s’applique aux ventes d’électricité réalisées à compter du 1er juillet 2022, soit avant l’entrée en vigueur de la LF 2023.

Néanmoins, la loi précise expressément que le fait générateur de la CRIM n’intervient qu’à l’achèvement de l’année civile au cours de laquelle intervient le terme de la période de taxation (cas de « rétrospectivité » classique).

Par ailleurs, le Conseil d’Etat juge que la CRIM ne contrevient ni à la liberté d’entreprendre, ni à la liberté contractuelle, ni à l’article 1er de la Charte de l’environnement.

On notera, en revanche, qu’en parallèle, la CJUE a été saisie de 3 questions préjudicielles à propos des mécanismes de plafonnement belge, italien et roumain, lesquelles, selon le rapporteur public, font écho à certaines des critiques formulées ici par les sociétés requérantes (questions préjudicielles enregistrées sous les références C-633/23, en Italie C-423/23 et en Roumanie C-391/23).

Affaire à suivre.

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