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Notion de premier exercice non prescrit pour l’application de la règle d’intangibilité du bilan d’ouverture

Notion de premier exercice non prescrit pour l’application de la règle d’intangibilité du bilan d’ouverture

L’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit est déterminée en fonction du délai général de reprise en tenant compte des actes interruptifs de prescription. Lorsque l’exercice précédant l’ouverture de la période non prescrite a fait l’objet d’une proposition de rectification, c’est cet exercice qui sera regardé comme le premier exercice non prescrit, mais seulement dans la mesure du redressement notifié.

Une société a constitué en 2002 et 2003 des provisions pour dépréciation des titres de sa filiale intégrée. Ces provisions, constituées comptablement, n’ont toutefois pas été déduites du résultat fiscal de la société. En 2005, la filiale a fait l’objet d’une TUP et la reprise comptable de ces provisions a été déduite extra-comptablement, afin de ne pas impacter le résultat fiscal de cet exercice, ce que l’Administration a contesté.

En effet, il est désormais de jurisprudence qu’une provision comptabilisée et qui remplit l’ensemble des conditions fiscales de déductibilité doit être effectivement déduite pour la détermination du résultat imposable (CE, 23 décembre 2013, n° 346018, Société Foncière du Rond Point).

En pratique, lorsque l’entreprise n’a pas déduit cette provision, le juge admet que l’Administration puisse corriger la surestimation de l’actif net du bilan d’ouverture de l’exercice au cours duquel elle est reprise. En minorant le bilan d’ouverture de l’exercice du montant de la provision non déduite, l’Administration peut ainsi tirer les conséquences de sa reprise. Par application du mécanisme de correction symétrique, elle est toutefois tenue, sauf cas d’erreur délibérée, de corriger à la baisse la valeur de l’actif net de clôture de l’exercice précédent, la correction des valeurs devant ainsi être opérée jusqu’à l’exercice de dotation de la provision.

Lorsque la provision a été constituée en période prescrite, ces corrections se heurtent à l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit (CGI, art. 38-4 bis). Il en résulte une variation négative de l’actif net du premier exercice non prescrit, ce qui permet à l’entreprise de récupérer son droit à déduction de la provision. Par ailleurs, ce principe d’intangibilité du premier exercice non prescrit fait obstacle à toute taxation de la reprise de la provision lorsque cette reprise affectait le résultat de ce premier exercice non prescrit. En effet, dès lors que la provision ne peut être constatée au bilan d’ouverture de cet exercice, aucune variation d’actif net taxable ne peut être mise en évidence au titre de ce même exercice à raison de la reprise de la provision.

Statuant sur renvoi après cassation (CE, 5 décembre 2016, n° 398859, Orange, dans le même sens, CE, 10 août 2017, n° 398791, Sté Dalkia), la CAA de Versailles confirme que cette règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture n’est pas subordonnée au caractère non délibéré de l’erreur commise par l’entreprise.

Sur le fond, elle affine la détermination du premier exercice non prescrit, servant de butoir au mécanisme des corrections symétriques.

En application de l’article 38, 4 bis du CGI, l’actif net intangible doit être déterminé au regard du délai général de reprise prévu à l’article L. 169 du LPF (en règle générale, le droit de reprise de l’Administration s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due). Toutefois, il doit également être tenu compte, pour la détermination de cet actif net, des actes ayant interrompu la prescription conformément à l’article L. 189 du LPF.

En l’espèce, en application de la prescription triennale, le premier exercice non prescrit était 2005. Toutefois, les résultats de l’exercice 2004 avaient également fait l’objet de rectifications, notifiées par une proposition de rectification en 2007. Par conséquent, cette proposition de rectification doit être regardée comme ayant interrompu le délai de reprise de l’Administration au titre dudit exercice et comme lui ayant ouvert un nouveau délai, qui n’était pas expiré à la date de la notification de la proposition de rectification relative aux provisions litigieuses, adressée à la société en 2008.

On retiendra que la circonstance qu’aucune imposition n’ait été mise à la charge de la société à la suite des redressements opérés (résultats demeurant déficitaires), est sans incidence sur l’effet interruptif de prescription résultant de cette proposition, dès lors qu’un tel effet s’attache aux bases redressées et non aux droits supplémentaires éventuellement assignés au contribuable.

En revanche, et la précision est d’importance, si l’exercice au titre duquel la proposition de rectification interruptive a été notifiée constitue bien, le cas échéant, le premier exercice non prescrit, c’est à hauteur seulement du montant du redressement notifié. Au cas particulier, cela conduit à considérer que le bilan d’ouverture de l’exercice 2005 n’est pas intangible à hauteur des redressements notifiés au titre de l’exercice 2004. On notera que la Cour s’inscrit ainsi dans le prolongement de la jurisprudence du Conseil d’Etat antérieure à l’adoption de l’article 38,4 bis du CGI (CE, 14 juin 1989, n° 54770, Sté Industrielle et Commerciale de l’Ouest de la France).

Référence de l’arrêt : CAA de Versailles, 24 juillet 2018, n° 16VE03503, Société Orange

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