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Parution du Guide CIR 2020 : le MESRI a la mémoire courte ?

Le Guide CIR 2020 vient d’être publié (28/11) sur le site du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI). Il fait suite à la consultation publique de mai 2020. Si plus de 200 contributions ont été collectées et analysées par le ministère, les apports de ce nouveau guide CIR sont pourtant limités.

Rappel aux lecteurs : le guide CIR n’est pas un document opposable.
Ce guide annuel, dépourvu de valeur légale ou règlementaire (et non opposable à l’Administration), a pour vocation d’aider les entreprises dans leurs démarches liées au CIR en précisant notamment les modalités d’application, de sécurisation et de contrôle du CIR, ainsi que les critères d’éligibilité des travaux de recherche et développement (R&D) et l’assiette des dépenses éligibles.

Recherche éligible et documentation associée

Outre les modifications lexicales (les opérations de R&D sont désormais renommées activités de R&D) et l’inclusion dans le corps du guide des deux domaines spécifiques que sont l’architecture et l’enseignement supérieur et de recherche privé (déjà présents dans les modèles de fiche documentaires spécifiques l’an passé), on notera des corrections intéressantes sur les essais cliniques avec l’éligibilité potentielle des études post AMM. Si le Guide 2019 rejetait par principe l’éligibilité des travaux post AMM, on constatera avec soulagement que la version 2020 considère que ces études peuvent bien être retenues si elles débouchent sur de nouveaux progrès scientifiques et/ou techniques (alignement sur le BoFiP).

Parmi les modifications lexicales, notons que le but de la recherche éligible qui était jusqu’à présent « d’accroître la somme des connaissances ainsi que leur utilisation pour de nouvelles applications », citation du manuel de Frascati, est remplacé par celui « de lever des verrous scientifiques, c’est-à-dire des problèmes qui ne trouvent pas de solution dans l’état des connaissances accessibles ». Cela reflète certaines remises en cause lors des contrôles et expertises MESRI de projets proches de la recherche fondamentale, comme par exemple l’observation de phénomènes naturels et/ou la collecte de données pouvant générer de nouvelles connaissances.

S’agissant du dossier justificatif, bien que très commenté lors de la consultation publique, le MESRI a manifestement fait le choix de la continuité et la stabilité du plan et des recommandations, ceci depuis le Guide 2018. Cette approche a le mérite de la lisibilité.

On notera que le Guide 2020 met toutefois à jour le plan de justification d’un projet soumis dans le cadre d’une demande d’agrément, en l’alignant sur le plan des fiches CIR tel que revu par le Guide 2018.

Dépenses de personnel : une ouverture en faveur de la prise en compte des attributions gratuites d’actions et d’options aux chercheurs ?

Le Guide émet de nouveaux avis sur certaines dépenses de personnel.

Il considère non éligibles les indemnités pour licenciement ou rupture conventionnelle mais ne donne aucune précision sur les indemnités de préavis ou de départ en retraite.

De manière plus inédite, le Guide 2020 entend aussi confirmer que, selon le MESRI, l’attribution d’actions gratuites et d’options d’actions constitue des compléments de rémunération du personnel bénéficiaire, que l’entreprise constate une moins-value déductible du résultat imposable, et que cette charge peut être comprise dans l’assiette du CIR. Attention toutefois à la portée de cette affirmation qui n’est pas opposable.

Sous-traitance : des évolutions du Guide qui ne prennent pas en compte les décisions récentes du Conseil d’Etat

Après avoir rappelé les nouvelles règles anti-abus concernant la sous-traitance en cascade applicables à compter du CIR 2020, le Guide CIR s’intéresse à la définition de la sous-traitance éligible. Le distinguo entre « sous-traitance de capacité » et « sous-traitance de spécialité » apparu dans le guide CIR 2019 et qui avait été très critiqué n’est pas repris in extenso cette année mais le concept demeure.


Pour aller plus loin : PLF 2020 – Crédit d’Impôt Recherche : des aménagements importants votés en première lecture par l’Assemblée Nationale


Selon le Guide 2020, la sous-traitance éligible au CIR « doit répondre à un besoin de compétences et de moyens spécifiques pour réaliser une opération de R&D. Le sous-traitant doit assumer la coordination scientifique de la prestation de recherche. ». Un peu plus loin, le Guide 2020 émet l’avis que « les personnels en régie ne sont pas éligibles au CIR », puis, en contrariété avec un arrêt du Conseil d’Etat, qu’« une prestation sous-traitée qui n’est pas de la R&D n’est pas éligible au CIR même si elle est indispensable à la réalisation d’une opération de R&D du donneur d’ordre ».

Ces positions manquent de clarté, quand elles ne sont pas obsolètes.

Concernant l’éligibilité des travaux confiés, le Conseil d’Etat (CE, 9e et 10e ch. réunies, 22 juillet 2020, n°428127, FNAMS) a jugé qu’elle doit être analysée au niveau du donneur d’ordre et non pas au niveau du prestataire. Selon ses termes : « lorsqu’une entreprise confie à un organisme [privé agréé ou public] l’exécution de prestations nécessaires à la réalisation d’opérations de recherche qu’elle mène, les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte pour la détermination du montant de son crédit d’impôt quand bien même les prestations sous-traitées, prises isolément, ne constitueraient pas des opérations de recherche », au contraire de ce qu’affirme le Guide MESRI 2020. Par voie de conséquence, l’annexe 3 (fiche scientifique et technique des opérations de R&D sous-traitées) est en partie obsolète en ce qu’elle exige que les travaux sous-traités répondent en eux-mêmes aux critères de la R&D, indépendamment du donneur d’ordre.


Pour aller plus loin : Sous-traitance éligible au CIR : la fin de plus de 5 ans d’insécurité fiscale !


Concernant les personnels en régie : la position tranchée du Guide est très questionnable. En premier lieu, la notion de « régie » n’est pas définie. Surtout, rien dans les textes relatifs au CIR ni dans la jurisprudence ne s’oppose à ce que les travaux de recherche confiés à une société agréée et réalisés par les personnels de celle-ci « en régie », c’est-à-dire dans les locaux de la société donneuse d’ordre, puissent être éligibles au CIR s’ils constituent des opérations de R&D, ou s’ils sont nécessaires à la réalisation des travaux de R&D éligibles du donneur d’ordre.

Enfin, s’agissant du CIR d’une société par ailleurs agréée par le MESRI, le Guide CIR 2020 indique que l’entreprise qui choisit de bénéficier du CIR « doit déclarer la totalité de la R&D, qu’elle soit réalisée en interne de sa propre initiative ou à la demande d’un donneur d’ordre ». Cette position aurait méritée d’être tempérée à la lueur de la décision de principe récente rendue par le Conseil d’Etat concernant le calcul du CIR des sociétés agrées (CE, 8e et 3e ch. réunies, 09 septembre 2020, n°440523, S Takima). Selon les conclusions du rapporteur public, « il ne faut pas inclure les dépenses de recherche réalisées en sous-traitance puis déduire les montants facturés, mais ignorer purement et simplement ces dépenses de recherche, pour ne retenir que celles qui, réalisées pour compte propre ou pour des bénéficiaires non éligibles, ont seules vocation à figurer dans la base de calcul du CIR propre de l’organisme » (Conclusions de M Romain Victor, rapporteur public, sous CE Takima, 9 septembre 2020).


Pour aller plus loin.: Décision du Conseil d’Etat concernant le CIR des sociétés agréées : la déduction des sommes reçues ne peut générer un CIR négatif !


Dématérialisation de la procédure d’agrément des sous-traitants

Le guide vient clarifier les modalités pratiques des demandes d’agrément des sous-traitants et précise un délai traitement de 6 mois environ.

La démarche en ligne est désormais le principe à l’adresse : https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F35438. Le formulaire de saisie en ligne a également été revu.  

Par exception en cas d’impossibilité, un envoi courrier sur clef USB est aussi possible mais il sera traité non prioritairement.


Si le guide CIR annuel du MESRI demeure un outil de grande qualité et référence pour le plus grand nombre d’entreprises, nous craignons avec l’édition 2020 un étiolement de la confiance des entreprises.
 
Le choix du MESRI sur la sous-traitance d’écarter les décisions FNAMS et Takima du Conseil d’Etat précitées inquiète. Dans une approche légaliste et de pédagogie pour le grand nombre, l’exigence de clarté et d’intelligibilité du droit mis à disposition par le Guide MESRI exige que ces solutions jurisprudentielles soient appliquées par le Guide et, si besoin, explicitées. Espérons une mise à jour en ce sens du Guide 2020.

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