La CAA de Paris confirme qu’un fonds constitué sous la forme d’un « limited partnership » de droit écossais doit être assimilé à une société de Libre Partenariat (structure créée par la loi dite « Macron » du 6 août 2015). En conséquence, les dividendes reçus par ses associés n’ouvrent pas droit au régime mère-fille.
L’histoire
En 2017, une société française perçoit un dividende en provenance de la société Mezzanine Management Fund IV – un fonds constitué sous la forme d’un « limited partnership » de droit écossais.
Après avoir initialement considéré ce dividende comme intégralement soumis à l’impôt au taux standard et acquitté l’impôt correspondant, la société française a finalement demandé en 2019, par le biais d’une réclamation, à bénéficier du régime mère-fille au titre de ce dividende.
Le litige s’est alors cristallisé autour du point de savoir à quel type de structure française le fonds étranger devait être assimilé, afin de déterminer si la distribution pouvait ou non bénéficier du régime mère-fille.
La société française arguait que le fonds étranger devait être assimilé à une société en commandite simple, pour laquelle la part du bénéfice correspondant aux droits des associés commanditaires est nécessairement soumise à l’IS au nom de la société elle-même (CGI, art. 206, 4). L’Administration considérait quant à elle, que le fonds écossais devait être rapproché d’une société de Libre Partenariat.
La société de Libre Partenariat, instaurée par la loi du 6 août 2015, dite « Loi Macron », désigne un fonds professionnel spécialisé prenant la forme juridique d’une société en commandite simple (l’idée étant de permettre la création en France de fonds d’investissements équivalents aux limited partnerships américaines ou britanniques).
En application des dispositions de l’article 1655 sexies A du CGI, ces sociétés de Libre Partenariat sont assimilées, pour l’imposition de leurs bénéfices et celle de leurs associés, à un fonds professionnel de capital investissement constitué sous la forme d’un fonds commun de placement. Or, les distributions réalisées par les fonds communs de placement sont imposables entre les mains des porteurs des parts en application de l’article 137 bis du CGI.
En 1re instance, le TA de Paris a souscrit à l’analyse de l’Administration (TA Paris, 9 juin 2022, n°210825).
La décision de la CAA de Paris
Reprenant le considérant de principe dégagé par le Conseil d’Etat dans sa décision « Artémis » (24 novembre 2014, n°363556, Sté Artémis, assimilation d’un « general partnership » constitué au Delaware à une société de personnes), la CAA de Paris rappelle que, saisi d’un litige portant sur le traitement fiscal d’une opération impliquant une société de droit étranger, le juge de l’impôt doit identifier au regard de l’ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable, afin de déterminer le régime applicable à l’opération par la loi fiscale française (théorie dite « de l’assimilation »).
Elle confirme ensuite la décision des juges de 1re instance et juge notamment que :
- La circonstance que le partnership de droit écossais ait été constitué avant la création, en 2015, du statut de société de Libre Partenariat est sans incidence
- Les statuts du partnership écossais ne sont pas contraires aux règles posées par le CMF et encadrant le fonctionnement des sociétés de Libre Partenariat (on notera à cet égard que la société n’a pas produit, au soutien de son argumentation, la convention constitutive du partnership, pas plus que les « statuts des fonds de la société » encadrant l’activité des sociétés distinctes au sein desquelles doivent s’accomplir les investissements du partnership écossais)
- La gestion du partnership a été déléguée à une société distincte, de sorte que le partnership n’est pas soumis à la règle de détention d’un capital social d’au moins 300 000 € imposée, par les dispositions du CMF, pour les sociétés de Libre Partenariat.
- La seule circonstance que les sociétés de Libre Partenariat sont soumises à des obligations règlementaires et placées sous le contrôle de l’AMF – à laquelle ne saurait, par construction, être soumis le partnership écossais – ne fait pas obstacle à l’exercice d’assimilation (là encore, la société n’apportait pas d’éléments de justification à l’appui de ses prétentions).