Un intéressant arrêt a été rendu le 12 septembre dernier par la Cour d’Appel de Reims en matière de holding animatrice de groupe dans le cadre des biens professionnels exonérés d’ISF et dont les conclusions sont enrichissantes pour les transmissions sous pacte Dutreil.
En effet, forts d’une abondante jurisprudence de la Cour de cassation, les juges du fond ont établi de nouveaux critères d’appréciation du caractère animateur d’une holding de groupes de sociétés.
Rappel
Le caractère animateur d’une holding de groupe de sociétés se définit par la « participation active à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales » exerçant une activité opérationnelle (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n°55). Sur la base de la jurisprudence construite ces dernières années par la Cour de cassation, nous savons désormais que la qualification de holding animatrice résulte d’éléments subjectifs appréciés par un faisceau d’indices (Cass. com. 23 juin 2021 n°19-16.351, voir notre commentaire) qui doivent porter la démonstration d’une animation effective par la holding de ses filiales (Cass. com. 3 mars 2021, n°19-22.397, voir notre commentaire).
La Cour d’appel de Paris avait déjà tiré la conclusion que le caractère animateur impliquait un pouvoir de décision sans partage de la holding sur ses filiales (Holding animatrice : selon les juges du fond, animer c’est décider )
Aujourd’hui, la Cour d’appel de Reims vient enfoncer le clou : l’animation est un rôle propre à la holding qui la conduit à aller « au-delà de l’exercice des attributions qu’elle tire de sa seule qualité d’actionnaire ».
Le rôle du dirigeant érigé en critère déterminant
Le fait qu’il y ait identité de dirigeants entre la holding animatrice et ses filiales pouvait selon la jurisprudence concourir à démontrer l’existence d’un groupe de sociétés.
Ici, les juges du fond estiment, lorsque la documentation interne l’atteste, que « le rôle du dirigeant peut suffire à caractériser le caractère animateur de la holding » sans que la société n’ait à déployer son activité d’animation par d’autres moyens que l’action du dirigeant de la holding dans les filiales.
Nous observons que dans de nombreux groupes de sociétés, le dirigeant de la holding centralise toutes les décisions importantes prises au sein des filiales. Cet arrêt consacre le fait que le « rôle essentiel du dirigeant de la holding » conduit son action à matérialiser de manière probante l’animation effectuée par la holding sur ses filiales.
Le faisceau d’indices précisé
Dans leur arrêt, les juges du fond soutiennent ensuite que l’animation est caractérisée lorsque la holding, au travers de l’action de son dirigeant, rend des services « consistant à étudier et conseiller les investissements assurant la croissance externe du groupe ou les réorientations stratégiques ».
Le contribuable ayant présenté une importante documentation juridique (comptes-rendus du comité de direction, procès-verbaux d’AGO, rapports de gestion sur périmètre consolidé, rapports du CAC), les juges ont pu y relèver les indices démontrant un contrôle de la holding sur ses filiales permettant de conduire la politique du groupe.
Nous voyons là une nouvelle illustration du faisceau d’indices permettant de juger l’implication de la holding concernant la marge opérationnelle du groupe, le comité d’entreprise, la recherche de partenaires et le développement externe, les livraisons clients, la formation, les démarches prévisionnelles, le suivi des travaux, l’analyse des marges, la gestion des ressources humaines, etc.
Ces éléments de fait sont autant d’indices qui forment le socle sur lesquels le juge fonde son appréciation du caractère animateur de la holding tendant à démontrer que la politique générale du groupe est définie seulement « et exclusivement par la holding ».
La reconnaissance des holdings et sur-holdings animatrices de groupe
L’intérêt de l’arrêt consiste enfin dans l’application que la Cour d’appel fait d’un arrêt de la Cour de cassation (à notre sens, Cass. com. 31 janvier 2018, n°16-17.938) reconnaissant la superposition de plusieurs holdings animatrices, l’une (la holding du dessus) d’un des associés et l’autre (la holding du dessous) à la tête du groupe industriel.
En l’espèce, les juges du fond se saisissent de cette analyse pour caractériser l’animation qu’effectue chacune des holdings, considérant en définitive « que la qualification de l’une ne justifie la disqualification de l’autre ».
Si cette analyse établie dans le cadre d’une appréciation de bien professionnel exonéré d’ISF doit être nuancée à l’aune de l’article 787 B du CGI, il est intéressant de relever que le juge peut admettre qu’une holding anime un groupe de sociétés, filiales et sous-filiales comprises, comportant des sociétés non opérationnelles mais elles-mêmes animatrices.
Au regard de l’importante portée pratique de l’arrêt de la Cour d’appel de Reims, tant pour la consécration du rôle du dirigeant de la holding que du détail apporté au faisceau d’indices permettant de qualifier la holding animatrice, nous devons être attentifs aux suites qui pourraient lui être données.
Toutefois, au fil des arrêts rendus au fond par les cours d’appel, sur la base de la jurisprudence consacrée par la Cour de cassation ces dernières années, il apparait que l’activité d’animation, permettant l’éligibilité au Pacte Dutreil, est un rôle à part entière de la holding dépassant de loin ses prérogatives d’actionnaire, et nécessitant dès lors un rigoureux suivi de son effectivité.