Les députés ont adopté le 11 juin 2021, en 1re lecture, le PLFR 2021. Le texte sera examiné au Sénat à compter du 23 juin prochain.
Nous vous en signalons les amendements les plus significatifs. Il convient de garder à l’esprit que les mesures ainsi adoptées peuvent évoluer – voire être supprimées – au fil de la navette parlementaire.
Mesures adoptées sans modifications substantielles
Modification exceptionnelle temporaire du dispositif de carry-back (art. 1)
Rappel des textes en vigueur :
- Le mécanisme de report en arrière des déficits ou « carry-back » permet la constatation d’une créance d’impôt au titre de l’imputation du déficit constaté à la clôture d’un exercice sur le bénéfice retraité de l’exercice précédent (CGI, art. 220 quinquies).
- Sur la base des textes actuels, l’option pour le carry-back est très encadrée : l’option doit être effectuée lors du dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice déficitaire, le déficit ne peut être imputé que sur le bénéfice de l’exercice précédent et dans un montant maximal de 1 m€ (soit une créance maximale de 333k€).
- La créance ainsi constatée est, par principe, utilisée pour le paiement de l’IS dû au titre des exercices suivants et est remboursée à défaut d’utilisation à l’issue d’un délai de 5 années.
PLFR 2021 :
Le PLFR propose de modifier exceptionnellement et temporairement le timing et le montant. Ainsi, le texte prévoit que :
- le 1er déficit constaté au titre d’un exercice clos entre le 30 juin 2020 et le 30 juin 2021 peut, sur option, être imputé sur les bénéfices des 3 exercices précédents (2019, 2018 et 2017 pour une entreprise clôturant au 31 décembre) ;
- ce déficit peut être imputé sans limitation de montant (non-application de la limite de 1m€) ;
- l’option peut être effectuée jusqu’à la date limite de dépôt des déclarations de résultats des exercices clos le 30 juin 2021 (soit le 30 septembre 2021) ;
- le montant de la créance est déterminé en utilisant le taux d’IS applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022 déterminé sur la base du CA de l’exercice au titre duquel l’option est exercée (soit principalement 25 % versus le taux d’impôt applicable à l’exercice bénéficiaire).
Cet aménagement serait également transposable aux groupes intégrés au titre du déficit d’ensemble constaté sur la même période (30 juin 2020 – 30 juin 2021).
Cette proposition est en ligne avec les recommandations de la Commission européenne (« Communication sur la fiscalité des entreprises pour le 21e siècle »).
En revanche, à ce stade du projet, la faculté pour les entreprises de demander le remboursement anticipé de leur solde de créances de carry-back, ainsi que des créances qui viendraient à être constatées en 2020, introduite par la 3e LFR 2020 (Loi n°2020-935 du 30 juillet 2020 : qui permettait aux entreprises de faire une demande immédiate de remboursement de l’ensemble leurs créances de carry-back jusqu’à la date limite de dépôt de déclaration de résultat 2020, i.e. sans attendre le délai de 5 ans) n’a pas été renouvelée. Le remboursement dans les conditions de droit commun serait applicable. Les entreprises auront cependant toujours la possibilité de monétiser cette créance.
Clarification du régime applicable aux aides versées en 2021 en complément du fonds de solidarité (art. 1)
Le PLFR prévoit dans cet article, de clarifier le régime fiscal applicable à certaines aides d’urgence accordées dans le cadre de la crise sanitaire versées en 2021 en complément du fonds de solidarité (ex. absence d’exonération d’IR/IS de la prise en charge des coûts fixes ou pertes d’exploitation).
Majoration exceptionnelle du taux de la réduction d’IR au titre des dons effectués au profit des associations cultuelles (art. 7)
Rappel des textes en vigueur :
Par application des dispositions de l’article 200 du CGI, les dons ou subventions ayant un caractère d’intérêt général ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant. La réduction d’impôt vaut notamment pour les dons et versements effectués au profit des associations cultuelles ou de bienfaisance, ainsi que des établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle (CGI, art. 200, I-e).
PLFR 2021 :
Le PLFR prévoit de hausser temporairement le taux de cette réduction d’impôt. Celui-ci passerait de 66 % à 75 % pour les dons et versements effectués entre le 2 juin 2021 et le 31 décembre 2022 au profit d’associations cultuelles ou d’établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle.
Ces versements seraient retenus dans une limite de 554 € pour les dons effectués au cours de l’année 2021 (limite revalorisée en 2022, dans la même proportion que la 1re tranche du barème de l’IR).
Il est par ailleurs indiqué que ces sommes ne seraient pas prises en compte pour la limite de 20 % du revenu imposable dans laquelle les dons et versements sont retenus au titre de l’année d’imposition.
Prolongation de l’octroi de la garantie de l’État au titre des PGE (art. 8)
Pour faire face au choc économique lié à la crise du coronavirus, le Gouvernement a mis en œuvre un dispositif exceptionnel de garanties permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises.
La période durant laquelle les PGE peuvent être octroyés serait prolongée de 6 mois, ainsi, la possibilité pour les entreprises éligibles de souscrire un PGE serait étendue au 31 décembre 2021.
Le PLFR vise également à clarifier certaines caractéristiques de la garantie de l’État et des recettes de gestion couvertes par le dispositif.
Prolongation du fonds de solidarité (art. 11)
L’État et les régions ont mis en place depuis le début de la crise sanitaire un fonds de solidarité visant à prévenir la cessation d’activité des entreprises les plus touchées par les conséquences économiques de la Covid-19. Il est ouvert aux petites entreprises, micro-entrepreneurs, indépendants et professions libérales.
Le fonds de solidarité serait prolongé jusqu’au 31 août 2021.
Par ailleurs, le PLFR prévoit la possibilité de prolonger le dispositif au-delà du 31 août 2021 par décret pour une durée maximum de 4 mois, soit jusqu’au 31 décembre 2021 au plus tard (organisation de son extinction progressive).
Mesures modifiées
Reconduction de l’exonération de la prime exceptionnelle du pouvoir d’achat (« Pepa » ou « prime Macron ») (art. 2)
Le projet de LFR prévoit la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat exonérée d’impôts et de prélèvements sociaux, qui avait déjà été mise en place précédemment.
Rappel des textes en vigueur :
Pour rappel, cette prime :
- peut être versée par certains employeurs à ses salariés dont la rémunération est inférieure à 3 SMIC bruts
- est non imposable (impôts et contributions sociales) dans la limite de 1 000 €.
PLFR 2021 :
De manière exceptionnelle, le plafond d’exonération pourrait être porté à 2 000 € (cas des employeurs étant couverts par un accord de branche ou par un accord d’entreprise, lequel identifie les salariés travaillant en « 2e ligne » face à l’épidémie ; ou de la mise en œuvre d’un accord d’intéressement par les employeurs sous conditions).
L’Assemblée Nationale a étendu la possibilité de porter la prime Macron à 2 000 € aux entreprises de moins de 50 salariés ayant mis en place, de manière volontaire, un accord de participation salariale (Code du travail, art. L. 3332-3).
L’exonération d’impôt et de prélèvements sociaux serait applicable aux primes versées entre le 1er juin 2021 et le 31 mars 2022.
Adaptation à la reprise de l’activité des mesures concernant les cotisations et contributions sociales des entreprises et des travailleurs indépendants (art. 9)
Le PLFR prolonge les aides au paiement des cotisations sociales pour les employeurs (moins de 250 salariés) et travailleurs indépendants de certains secteurs particulièrement affectés par la crise, à hauteur de 15 % de la masse salariale sur 3 mois – juin, juillet, août. Notons que le critère de seuil minimum de perte de chiffre d’affaires serait supprimé.
Lors de la 1re lecture du texte à l’Assemblée Nationale, les députés ont adopté un amendement offrant au Gouvernement la possibilité de prolonger par décret ces mesures d’aide au paiement des cotisations sociales, au-delà du 31 août 2021.
Ces aides pourraient ainsi être prolongées, par décret, jusqu’au dernier jour de la période d’emploi qui court jusqu’au 31 décembre 2021.
Mesures nouvelles
Prorogation de la mesure de déductibilité des abandons de créances de loyers (art. additionnel après l’art. 2)
Pour mémoire, le dispositif mis en place par la 2e LFR 2020 permettant aux bailleurs de pouvoir déduire les abandons de loyers consentis à une entreprise (en l’absence de lien de dépendance) a été prorogé par la LF 2021. Il s’applique aux abandons de loyers consentis entre le 15 avril 2020 et le 30 juin 2021.
Un amendement adopté par les députés en 1re lecture prévoit de proroger, une nouvelle fois, ce dispositif afin que celui-ci s’applique aux abandons de loyers consentis jusqu’au 31 décembre 2021.
Modification de la trajectoire de suppression du tarif réduit de TICPE (art. additionnel après l’art. 2)
Pour mémoire, la 3e LFR 2021 prévoyait la suppression au 1er juillet 2021 des tarifs réduits de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) des carburants utilisés pour le fonctionnement des moteurs qui ne servent pas à la propulsion des véhicules sur les routes, essentiellement en pratique, le gazole non routier (GNR).
Les députés ont décalé cette hausse des tarifs de TICPE au 1er juillet 2022. Notons que l’amendement initial du Gouvernement prévoyait de la reporter au 1er janvier 2023.
Prorogation du taux majoré à 25 % du dispositif IR-PME (art. additionnel après l’art. 7)
Pour mémoire, les contribuables fiscalement domiciliés en France peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu au titre des souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de certaines sociétés non cotées (CGI, art. 199 terdecies-0 A, également dit mécanisme IR-PME).
Ce dispositif a été renforcé dans le cadre de la LF 2018, qui a relevé le taux de la réduction d’impôt de 18 % à 25 % pour les versements effectués jusqu’au 31 décembre 2018. Cette hausse du taux a été prorogée, à plusieurs reprises, pour s’appliquer aux versements effectués jusqu’au 31 décembre 2019 par la LF 2019, puis aux versements effectués jusqu’au 31 décembre 2020 par la LF 2020.
Cependant, le taux majoré de 25 % n’a pu être appliqué qu’à compter du 10 août 2020, après que la France ait reçu l’aval de la Commission européenne (décision C(2020) 4189 final).
Ce taux majoré a été une nouvelle fois prorogé par la LF 2021 (loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020, art. 110). Il est applicable aux versements effectués entre le 9 mai 2021 (date d’entrée en vigueur du décret n°2021-559 du 6 mai 2021 faisant suite à la décision de la Commission européenne autorisant l’application du taux majorée de 25 % pour 2021 – C(2021) 2123 final du 31 mars 2021) et le 31 décembre 2021.
Dans ce contexte les députés ont adopté un amendement visant à proroger jusqu’au 31 décembre 2022 l’application du taux majoré de 25 %. La mesure est intégrée dans le projet de LFR 2021, afin d’assurer son application sans interruption en 2022 (dans l’attente de l’aval de la Commission européenne).
Dégrèvement de TFPB pour les discothèques (art. additionnel après l’art. 7)
Afin de soutenir les discothèques, fermées administrativement depuis un an, les députés ont adopté un amendement visant à appliquer à ces dernières (ainsi qu’aux bailleurs qui accordent une remise totale sur les loyers commerciaux dus en 2020 par des gérants de discothèques) un dégrèvement de taxe foncière due en 2021.
Cette mesure serait applicable sous réserve d’une délibération prise par les communes et groupements de communes à fiscalité propre visant à renoncer à la part de TFPB qui leur revient.
Notons toutefois que cet amendement a été adopté malgré l’avis défavorable du Gouvernement.
Mesure évoquées mais non adoptées
Réciprocité de mise en œuvre de l’accord intergouvernemental du 14 novembre 2013 relatif au FACTA
Pour mémoire, dans le cadre de l’accord conclu le 14 novembre 2013 entre la France et les Etats-Unis (mise en œuvre de la loi FACTA), les institutions financières françaises sont amenées à déclarer les comptes français de contribuables américains. L’administration américaine est en principe tenue à une obligation réciproque (déclaration de comptes détenus aux Etats-Unis par des contribuables français), qui n’est actuellement que partiellement remplie (i.e. non-transmission des informations relatives au solde des comptes et à la valeur de rachat des assurances vie détenus par des français aux Etats-Unis).
Un amendement qui visait à suspendre le transfert de ces informations tant que des disparités demeureraient entre les informations transmises au gouvernement français et celles transmises au gouvernement américain a été déposé devant l’Assemblée Nationale.
Celui-ci entrainant une remise en cause d’un accord international conclu par la France, il n’a pas été adopté.