Le Conseil d’Etat vient pour la première fois de définir la holding animatrice comme celle ayant pour activité principale la participation active à la conduite du groupe et au contrôle des filiales. Rendue en plénière fiscale, cette décision de principe consacre la définition de holding animatrice pour les juridictions administratives et précise les critères à retenir.
En l’espèce, était en cause l’ancien mécanisme d’abattement pour durée de détention en faveur des dirigeants partant à la retraite, conditionné par le fait que la société cédée exerce elle-même une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou financière (à l’exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier) ou ait pour objet exclusif de détenir des participations dans les activités précitées (cette condition s’appréciant de manière continue au cours des cinq années précédant la cession).
Pour le Conseil d’Etat, une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d’un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant, à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe et doit être regardée, à ce titre, comme exerçant une activité opérationnelle au sens des dispositions précitées.
Il reprend, pour l’essentiel, la définition retenue par la Cour de cassation (reprise par la doctrine administrative au BOI-PAT-IFI-30-10-40, n° 130 et s., légalisée à l’art. 966 du CGI) selon laquelle sont animatrices les holdings qui « participent activement à la conduite de (la) politique [de leur groupe] et au contrôle des filiales et rendent, le cas échéant et à titre purement interne au groupe, des services spécifiques administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers. Ces sociétés utilisent ainsi leur participation dans le cadre d’une activité industrielle ou commerciale qui mobilise des moyens spécifiques ».
Néanmoins, il apporte la précision essentielle selon laquelle cette activité doit présenter un caractère – seulement – principal.
Il censure ainsi l’Administration qui interprète de façon particulièrement restrictive la notion de holding animatrice puisque le seul fait de ne pas animer une seule et unique filiale la conduit à requalifier la société en holding pure.
En l’espèce, le Conseil d’Etat a été suffisamment convaincu par les éléments de preuve apportés par les requérants et retient un faisceau d’indices utiles pour fixer une grille d’analyse pratique :
- Le PDG de la holding était également celui de la filiale.
A ce propos, on notera que pour les besoins de l’ISF, la Cour de cassation considère que cet élément ne suffit pas à établir que la holding anime effectivement son groupe et participe activement à la conduite de sa politique et au contrôle des filiales (BOI-PAT-ISF-30-30-40-10, n° 190, Cass. com., 15 février 1994, n° 454 D, Corpet et 19 novembre 1991, n° 89-19.474). - Des personnalités qualifiées, indépendantes et spécialisées dans le secteur d’activité de la filiale étaient membres du conseil d’administration de la holding.
- Les procès-verbaux des conseils d’administration de la société attestaient de plusieurs actions concrètes relatives à la conduite de la politique du groupe, telles que la recherche de nouveaux partenaires ou la détermination de projets de recherche et de développement, qui allaient au-delà de l’exercice des attributions qu’elle tirait de sa seule qualité d’actionnaire. On retiendra tout particulièrement que l’activité d’animation étant prévue par les statuts, cela semble avoir été regardé comme conditionnant un commencement de preuve de la participation de la holding à la conduite du groupe.
- La holding et la filiale avaient conclu une convention d’assistance en matière administrative et en matière de stratégie et de développement selon laquelle la holding prendrait activement part à la stratégie et au développement de la filiale, sans toutefois remettre en cause son indépendance juridique.
- Sur la notion d’activité principale, celle-ci dépend de la valeur vénale des filiales par rapport aux autres actifs (et non pas du montant des revenus). La holding a été cédée pour un prix de 48,4 M€ dont 56,2 % représentaient la valeur vénale de la filiale. Les disponibilités de la holding, investies en titres de placement, ont augmenté durant les cinq années précédentes du fait des résultats de la filiale. Ainsi, la part de la valeur vénale de la filiale dans l’actif de la holding a nécessairement décru durant ces cinq années pour ne plus représenter que 56,2 % de son actif.
A ce propos, on relèvera que la doctrine administrative fixe, pour apprécier le caractère prépondérant de l’activité opérationnelle, deux critères, assis sur le chiffre d’affaires et sur le montant de l’actif brut immobilisé de la holding (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, n° 20 et BOI-PAT-ISF-30-40-60-10, n° 20). L’Administration a toutefois récemment admis que le critère relatif au chiffre d’affaires était inopérant pour les sociétés holdings animatrices de leur groupe (CA Paris, 5 mars 2018, n° 16/08688). Le Conseil d’Etat semble lui aussi écarter ce critère pour ne retenir que la valeur vénale – et non la valeur d’origine, comme le préconise la doctrine administrative – de la filiale.
La définition retenue par le Conseil de l’Etat ne nous semble pas devoir être circonscrite au seul cas d’espèce, mais revêt une portée plus générale. Elle sera ainsi très certainement appliquée aux dispositions telles que celles de la réduction d’impôt Madelin, qui relèvent de la compétence du Conseil d’Etat. Mais la notion de holding animatrice intervient également dans le cadre des pactes Dutreil, de l’ancien ISF et du nouvel impôt sur la fortune immobilière, qui sont quant à eux de la compétence de la Cour de cassation. On attendra de savoir si le pragmatisme du Conseil d’Etat sera suivi par la Cour de cassation, notamment s’agissant du caractère principal de l’activité. Enfin, s’agissant de l’IFI, la définition retenue par la juridiction judiciaire a été légalisée dans le cadre de sa mise en place lors du vote de la LF 2018.
L’avis du praticien : Nicolas Meurant
Dans l’attente de la loi Pacte et de l’intervention du législateur, le Conseil d’Etat vient assouplir les contraintes administratives en matière de transmissions d’entreprise.
Cet arrêt ajoute un nouveau critère objectif au faisceau d’indices traditionnellement retenu en soutenant que la part animée de la holding animatrice dans la société opérationnelle doit représenter au moins 50 % de son actif, en raisonnant en valeur vénale au jour de l’opération. L’arrêt pose également un deuxième critère subjectif qu’est la démonstration d’actions concrètes dans son activité d’animation.
L’arrêt du Conseil d’Etat du 13 juin 2018 montre néanmoins les limites de la notion de holding animatrice et l’imprévisibilité des conséquences fiscales pour les contribuables, source d’insécurité juridique.
Il est à souhaiter que cette novation du Conseil d’Etat soit reprise par la Cour de cassation, compétente en matière de droits de mutation à titre gratuit et d’imposition sur la fortune. La notion de holding animatrice reste au cœur de certains régimes fiscaux dont le Pacte Dutreil. Dans cette attente, cette jurisprudence sera de nature à renforcer les contentieux en cours, voir à susciter des demandes de rescrits.